Pays de Malheur, mise en scène de Charlotte Le Bras

Pays de Malheur d’après le livre de Stéphane Beaud et Younes Amrani, mise en scène de Charlotte Le Bras

© Bruno Crépin

© Bruno Crépin

La Compagnie des Papavéracées propose une plongée originale dans la sociologie.  Avec une correspondance entre Younes, un «emploi-jeune» dans une bibliothèque et Stéphane Beaud, sociologue réputé. Auteur de nombreux  livres, cet agrégé de sciences sociales et diplômé de l’Ecole des Hautes Etudes, s’intéresse à ceux dont la parole accède rarement à la sphère publique, comme les ouvriers et les habitants des cités. 

En 2002, il avait publié 80% au bac  et après? Les Enfants de la démocratisation scolaire, que Younes Amrani découvre dans la bibliothèque. Il écrit alors à l’auteur pour lui offrir son  témoignage et s’ensuit une correspondance qui  deviendra un livre puis un spectacle. Stéphane Baud initie Younes Amrani à la sociologie et l’invite à expliquer son quotidien, à parler de ses origines et de son ressenti de la société où il tente de s’intégrer. On y découvre un jeune homme comme beaucoup d’autres, chargé de déterminismes dont il ne parvient pas toujours à s’extraire, malgré une bonne volonté et de réelles capacités de travail.

Peu à peu, Younes découvre des sociologues majeurs comme Abdelmalek Sayad ou Pierre Bourdieu qu’il déteste d’abord car il lui révèle cette division de la société en classes, ce qui le fait tant souffrir. Il demande des conseils de lecture à  Stéphane Beaud et lui décrit sa famille, la chambre qu’il partage avec ses trois frères, les coups de ceinture reçus du père, l’isolement qu’il subit au lycée face aux «bourgeois». Il raconte aussi comment certains de ses amis ont sombré dans la petite délinquance; il évoque aussi son rapprochement avec la religion et dit qu’il a réussi à ne pas être récupéré par des groupes mal intentionnés.

Un thème passionnant: l’enseignement de la sociologie par l’exemple, et Stéphane Beaud conseille souvent à Younes Amrani de raconter des anecdotes pour qu’il le comprenne vraiment. Grâce à cet échange de lettres, une émulation intellectuelle très positive pour Younes comme pour le sociologue à qui elle permettra d’avoir un sujet d’études réel. Et son interlocuteur aura, lui, des clés pour comprendre les poids qui ne lui ont pas permis de devenir celui qu’il voulait être. Grâce à cette correspondance, Younes calmera sa rage intérieure qui devient une colère de tous les jours.

Le spectacle consiste en un enchaînement de lettres qu’ils s’adressent mais cette forme assez figée impose un travail au plateau qui permettrait de sortir de la monotonie de cet enchaînement. Tout en restant dans une certaine sobriété et loin d’un simple  exercice de théâtre… Charlotte Le Bras y arrive en partie en choisissant pour incarner Younes  Agathe Fredonnet, Karim Abdelaziz et Hakim Djaziri qui parlent ensemble ou seuls. Parfois un peu plaqué et on voit les ficelles: tout l’enjeu étant de mettre du rythme dans la mise en scène. Caroline Lerda incarne un Stéphane Beaud moins présent que Younès Amrani: plutôt bien vu! Charlotte Le Bras a imaginé quelques interactions pour faire respirer le texte et vient ainsi expliquer son désir de faire du théâtre pour être ensemble, entre acteurs et acteurs avec le public, et se lance dans un aparté dansé à l’agréable légèreté. Au premier ou au second degré? On ne le saura jamais… Mais c’est toujours vivifiant quand le théâtre s’empare d’idées en s’appuyant sur la « vraie vie», avec plus de chances de sonner juste. Ici, grâce à un très bon point de départ, et vu la difficulté à mettre en scène cette parole forte, le spectacle bénéficiera de l’indulgence du public…

Julien Barsan

Maison des Métallos, 94 rue Jean-Pierre Timbaud, Paris XIème,  jusqu’au 27 mai.

Le texte est publié  aux éditions de la Découverte.

 

 

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