Contes immoraux /Partie 1-Maison Mère, mise en scène et jeu de Phia Ménard
Contes immoraux /Partie 1-Maison Mère, écriture et dramaturgie de Phia Ménard et Jean-Luc Beaujault, mise en scène et jeu de Phia Ménard
Pour ce premier volet des Contes immoraux, Phia Ménard retrouve la scène avec une performance créée en 2017 à la Documenta 14 de Kassel (Allemagne) et promise à une tournée en France et à l’étranger. Cette Maison mère inaugure le festival Tout le monde danse, programmé par Bonlieu/Scène nationale d’Annecy (voir Le Théâtre du blog).
Seule, en jupe de cuir noir, corset blanc, bas vert et blanc de rugbyman et genouillères, l’artiste bâtit une maison préfabriquée en carton «comme on monterait une tente pour abriter des réfugiés». Au prix de gros efforts et avec une résolution de guerrière, elle découpe, transporte, plie et emboîte des plaques de carton ondulé les unes dans les autres et les fait pivoter pour leur donner une assise. Elle applique les lois de la gravité qu’elle a acquises grâce à son expérience de jongleuse, et elle trouve le bon point d’appui pour soulever et faire basculer, avec des étais de fer, les cent-cinquante kilos des murs et du toit.
Jouant de l’équilibre précaire d’une telle masse, Phia Ménard ménage le suspense avec des gestes lents et sûrs. Pour donner un espace sonore dramatique à ce chantier, des micros amplifient et diffusent en léger différé le bruit de ses bottes claquant sur le sol, le carton qui gémit et le crissement du ruban adhésif d’emballage déroulé en abondance pour solidifier l’édifice. La commande de la Documenta 2017 avait pour thème: apprendre d’Athènes/Pour un parlement de corps. Et cette Maison Mère de six m. x neuf m. x trois m. qu’elle achève en moins d’une heure, a les proportions et l’allure du célèbre Parthénon, le temple d’Athéna .
Après ce dur labeur, il suffira d’un déluge de pluie pour que la maison s’effondre lentement sur elle-même à l’image des ruines de l’Acropole ou des immeubles bombardés, stigmates de nos guerres. On pourra y lire des allusions à la crise grecque, comme aux importantes migrations actuelles et, de façon plus générale, à la fragilité des réalisations humaines dans une Europe et un monde toujours à reconstruire.
Phia Ménard traite une fois de plus et de manière originale, de l’identité, du genre et des droits de l’homme. Après l’air : L’Après-midi d’un foehn, VORTEX), la glace et l’eau avec Belles d’hier, et le feu dans Les Os noirs, elle se confronte à un matériau plus solide et se joue de sa résistance, en le façonnant pour faire naître des émotions sensorielles. Pour le deuxième volet de ses Contes immoraux, Saison sèche, qui sera créé en juillet, au festival d’Avignon, elle fera appel à plusieurs interprètes dont elle-même. Cette performance promet d’être tout aussi surprenante, puisqu’elle manipulera cette fois des panneaux de placo-plâtre…
Mireille Davidovici
Spectacle vu le 3 mai à Bonlieu/Scène nationale d’Annecy (Haute-Savoie).
Contes immoraux /Partie 1 – Maison Mère, les 5 et 7 juillet, festival Montpellier-Danse à 18h, Studio Bagouet/Agora, boulevard Louis Blanc.
Saison sèche du 17 au 24 juillet, festival d’Avignon, L’Autre scène du Grand Avignon, Védène (Vaucluse).