Le Bal, écriture mise en scène de Jeanne Frenkel et Cosme Castro
Le Bal écriture mise en scène de Jeanne Frenkel et Cosme Castro
Après s’être longtemps inspiré du théâtre, le cinéma poursuit son offensive dans le spectacle vivant et cela depuis plusieurs saisons; d’abord avec l’introduction de plus en plus fréquente de la vidéo, puis avec l’adaptation de films, pour la scène. Ici, démarche plus radicale, déjà pratiquée entre autres par la compagnie Hannibal et ses éléphants avec un remarquable Film du dimanche soir ( voir Le Théâtre du Blog), Jeanne Frenkel, venue des arts plastiques et Cosme Castro, scénariste et acteur, théâtralisent un tournage. Ils lancent leur compagnie, La Comète, dans une nouvelle aventure : de « métacinéma » ou « art de projeter des films en même temps qu’ils sont tournés » Ils investissent pour la première fois un théâtre, avec une bande de joyeux lurons.
Dans la salle chauffée par une sono festive, devant un écran blanc qui masque le plateau, les comédiens : «une bande de potes qui avait un rêve commun, faire du cinéma ensemble », présentent la projection d’un film, avec un prologue (un peu trop long) simulant l’improvisation, avec tous les remerciements de rigueur aux producteurs, etc., et même aux parents de la benjamine… Mais, panne technique, la séance n’aura pas lieu ! Ils vont donc nous jouer l’intrigue en direct, voire l’écrire au fur et à mesure des séquences. Le synopsis est sommaire : lors d’un bal de fin d’année, Pierre et Marianne, des anciens amoureux se rencontrent . Mais Marianne convole avec Franky, un membre d’une bande rivale.
L’écran se lève sur la salle de bal avec bar, éclairée par des tubes fluo colorés où joue un orchestre, mené par Lou Rotzinger, qui signe la musique originale, accompagné de Théo Glaas, Guillaume Latil et Maxime Berton. Seize comédiens se déploient sur le plateau dans une chorégraphie et des costumes à la West Side Story. Mais ce ne sera pas la seule référence au cinéma… Aux retrouvailles de Pierre et Marianne, le temps est comme suspendu, et sur une valse lente, s’ouvre une parenthèse enchantée: les amoureux s’envolent dans un avion de fortune, jusqu’à la lune… Avant de retomber sur terre, poursuivis par la bande à Franky.
La comédie musicale vire aux bricolages poétiques d’un Michel Gondry, puis se décale en polar gore à la Quentin Tarentino, pour finir par un règlement de comptes dans un hôtel de passe sordide… On pense à Huit et demi de Federico Fellini, quand une tourelle d’échafaudage accueille les deux héros pour tourner la scène de l’avion, avec des trucages de fortune et des éléments de décor en contre-plaqué. Le scénario rocambolesque donne lieu à toutes les fantaisies techniques : tournage en direct et projection simultanée, images en différé, rush muets doublés par d’autres acteurs, scènes interprétées en direct mais avec voix en play-back, et bien d’autres surprises… Un festival de formes et de références, sans oublier Jean-Luc Godard, qui « faisait voter son équipe pour choisir le cadrage, en 1969 ». Il y a tant de choses à voir que le propos s’essouffle et que le regard se perd, comme le fil et cette histoire boulimique finit par se bouffer elle-même.
Mais talent et invention sont au rendez vous. Et même si le procédé s’use à la longue, et souffre de quelques faiblesses de scénario, un public jeune et enthousiaste venu en nombre, prend grand plaisir à voir cet exercice un peu formel mais très réjouissant
Mireille Davidovici
Le Monfort 106 rue Brancion, Paris XV ème. T. : 01 56 08 33 88, jusqu’au 9 juin