Livres et revues


Livres et revues

Qu’ils crèvent les critiques de Jean-Pierre Léonardini

quils-crevent-les-critiques-Notre confrère,  que nous connaissons maintenant depuis près d’un demi-siècle, a cru bon comme il dit « après tant d’années d’exercice légal de la médecine critique, de  vouloir porter un diagnostic hasardeux sur une activité d’aussi peu de valeur fiduciaire ». Il a vu comme nous des milliers de spectacles et en a rendu compte, en bien comme en mal dans les colonnes de L’Humanité mais toujours en essayant de les analyser , et il continue encore le lundi. Et n’hésite pas à aller loin de Paris voir le specatcle d’une jeune troupe.
Il a ainsi rencontré et connu tous les metteurs en scène et gens de théâtre, le plus souvent les mêmes que nous. Jean-Pierre Léonardini a une exigence artistique que nous partageons et quand il est en désaccord total avec une démarche  théâtrale sans intérêt, il ose le dire avec franchise, ce qui n’est pas si fréquent…

Son parcours est des plus révélateurs d’un journalisme qui- et cela l’attriste un peu- qui a disparu à l’ère d’Internet. Monté de Marseille à Paris, il entra vite en journalisme comme on entre en religion avec passion, et devint d’abord critique de cinéma puis de théâtre et responsable du service culturel à L’Hulanité puis ensuite aussi enseignant entre autres  à Paris Nanterre.

Avec ce livre passionnant, c’est quelques dizaines d’années de théâtre qui défilent comme un retour en arrière avec l’évocation entre autres  de nombreux metteurs en scène.  Comme entre autres Jean Vilar, Patrice Chéreau et Jean-Pierre Vincent, Jacques Lassalle, Bernard Sobel, Roger Planchon, Antoine Vitez etc.. mais aussi  étrangers  comme Luca Ronconi, Christoph Martaler, Pina Bausch, Tadeusz Kantor…ou encore le merveilleux marionnettiste qu’était Robert Anton que peu de gens ont vu (il faisait des spectacles pour quinze personnes maximum!). qui sont si souvent venus en France. Et bien sûr, cette légende du théâtre du XXème siècle qu’est Bob Wilson et son célébrissime Regard du sourd que nous avions vu ensemble au festival de Nancy. Et nombre de festivals comme Avignon qu’il étrenne en 68!  Un festival dont il parle avec nostalgie et avec une grande lucidité. Pas besoin de lire entre les lignes, la période récente l’a laissé assez insatisfait malgré les grands noms à l’affiche…
Il sait parler avec précision de ce métier de critique qui n’en est pas un mais qui demande comme il dit » une discipline de fer, si l’on se soucie de bannir les clichés et de tacler le lexique jusqu’à l’os. »  (… ) « L’abondance des matières (jargon du métier) exige des choix draconiens. Couvrir vers ce que l’on parle? Aller vers le nouveau? Avec la meilleure volonté, on ne peut décidément tout couvrir ». Et à quoi peut bien servir les tonnes de « papiers » que les critiques déversent chaque saison théâtrale? A faire réfléchir le public et à l’orienter dans ses choix, à faire plaisir ou à mettre en colère, c’est selon, les créateurs, la nécessité sociale s’avérant sans cesse de plus en plus aléatoire ».
Jean-Pierre Léonardini boucle son livre en disant toute sa dette à Bernard Dort qui fut aussi notre prof en Sorbonne.
Redisons-le; lisez ce livre à la fois émouvant mais qui n’a rien d’un monuments aux morts mais où son auteur relate son expérience directe et au quotidien, du théâtre, et d’une grande rigueur de pensée. A mettre entre toutes les mains en particulier des étudiants qui en apprendront beaucoup à la fois sur  la façon dont on peut parler d’un spectacle mais aussi sur une période théâtrale et artistique qui aura été l’une des plus fécondes…

Philippe du Vignal

Editions les Solitaires intempestifs 14€

Salon de la revue de théâtre

Il aura lieu samedi 2 juin, de 14 h à 23h et dimanche 3 juin, de 11h à 21h à la Générale, 14 avenue Parmentier, Paris XIème. Métro Voltaire.

Salon2018-210x300- Un riche programme, avec entre autres: le samedi à 16h 15, Jean-Marc Bourg lira des textes d’Emmanuel Darley et à 17h, il y aura des interventions et rencontres avec les représentants des revues: Chantal Boiron (Ubu), Léonor Delaunay (Revue d’histoire du théâtre), Jean-Pierre Han (Traverses), Diane Scott (Incise), Frédéric Vossier, revue du Théâtre National de Strasbourg …)

Céline Hersant (Université-Paris III) présentera la base de données des revues de théâtre internationales et Marco Consolini, Romain Piana, Sophie Lucet, parleront du groupe de recherche inter-universitaire sur les revues de théâtre.Il y a aura aussi quelques lectures: à 19h Eugène Durif  avec ses textes ; à 21h45,  Jean-René Lemoine et Magali Montoya liront de Gilles Aufray, N’importe où sauf quelque part.

- Le dimanche à 15h,  Carte blanche à Nikolaus, clown et jongleur, … et à 16h,  Christine Gagnieux lira des extraits de pièces de José Manuel Mora, Maria Velasco, Sergio Martinez Vila, Eva Redondo,  en compagnie de David Ferré et à  17h, Robert Cantarella,  lira Faire  avec les grands noms de la mise en scène.
17h45    Le Groupe Pétrol (Lancelot Hamelin, Sylvain Levey, Phi-lippe Malone, Michel Simonot) avec une lecture de leur dernier texte : La prochaine fois, nous choisirons la nuit (titre provisoire) et 19h, Une nuit d’amour d’Hakim Romatif sera lue par Anne-Elodie Sorlin, Bachir Tlili et Quentin Dumay (créateur sonore)

Tout au long du salon, on pourra voir des installations de Johnny Lebigot,  et le public sera accueilli aux stands des revues Alternatives théâtrales (sous réserve), Ent’revues, Revue d’Histoire du Théâtre, Théâtre/Public, Ubu, scènes d’Europe, Parages, Incise et Frictions. Et par ailleurs, la librairie théâtrale Le Coupe Papier proposera un large échantillon de revues aujourd’hui disparues, mais qui ont marqué  l’histoire du théâtre. Et il y aura une sélection de traductions de textes espagnols présentés par Actualités Editions.

Ph. du V.

Patrice Chéreau, Journal de travail, Années de jeunesse, tome I, 1963-1968, texte présenté, établi et annoté par Julien Centrès, préface d’Ariane Mnouchkine et post-face de Pablo Cisneros

0CB160C2-3CF0-492F-A90F-72B179FD6A29Acteur, metteur en scène de théâtre et d’opéra, scénariste et réalisateur de films, Patrice Chéreau (1944-2013) aura joué un rôle majeur sur la scène artistique et culturelle européenne pendant plus de quarante ans. Pensée, définition de l’esthétique, discours sur le monde seront le fait d’un homme engagé dont le travail a enthousiasmé des générations de spectateurs irradiés par la geste scénique d’un artiste habité qui lance ses traînées de feu : amour et haine,  sur un plateau de théâtre.

Julien Centrès a dirigé cet ouvrage et il l’a conçu comme un un outil pour faciliter l’approche de l’œuvre. Les mises en scène de Patrice Chéreau vont sur ces cinq années, de L’Intervention de Victor Hugo, Fuente Ovejuna de Lope de Vega, L’Héritier de village de Marivaux, L’Affaire de la rue de Lourcine d’après Eugène Labiche, Les Soldats de Jakob Lenz, Pièces chinoises de Kuan Han Ching, Le Prix de la Révolte au marché noir de Dimitri Dimitriadis, Antoine Bloyé de Paul Nizan et Dom Juan de Molière.

 Pour introduire à la lecture des notes datées des années 1963-1966 concernant  son travail de metteur en scène, Ariane Mnouchkine, évoque «la partie immergée d’un jeune iceberg devenu légendaire», et précise qu’on n’y trouvera pas un code de décryptage de son œuvre.

Passionnantes sont ces notes sur le regard d’abord marxiste de Patrice Chéreau, ce qui lui donnerait accès au bonheur et au progrès, tandis qu’Ariane Mnouchkine, elle, les cherche. Mais tous deux ont une même foi en l’art, une même jubilation : «Peu à peu,dit-elle,  mais très vite, artistiquement en tout cas, Patri ce change de religion, de dieu. Il choisit une déesse et révèle, avoue, à mots à peine couverts, n’en vénérer qu’une seule : la Beauté.»
Pablo Cisneros, le compagnon de Patrice Chéreau, considère de son côté,  la mort comme une continuité dans une vision existentielle. Et des dizaines de milliers de spectateurs ont considéré la vision scénique de Patrice Chéreau comme l’invention d’une vérité nouvelle…

Véronique Hotte

Collection Le Temps du théâtre, éditions Actes Sud-Papiers-IMEC, 272 pages. 25 €.

 

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