Grande Traversée
Grande Traversée
Une occupation avec deux semaines sans écran et dîner partagé, conçue par le collectif l’Avantage du doute, animé par Simon Bakhouche, Mélanie Bestel, Judith Davis, Claire Dumas et Nadir Legrand. Installé du 23 mai au 16 juin, au Théâtre de la Bastille, ils nous proposent avec cette Grande Traversée de revisiter leurs préoccupations de ces dix dernières années : un solide engagement politique et l’héritage des années 68-70.
On se souvient sans doute du remarquable Tout ce qui reste de la révolution, c’est Simon, (2009) de La Légende de Bornéo avec la question du travail et de son incidence sur nos vies, et du bruit court que nous ne sommes plus en direct avec notre rapport aux images et aux médias…A partir d’une écriture collective, chaque acteur ne dit pas exactement ce qu’il pense au moment où il prend la parole mais en exprimant ses interrogations personnelles.
Ici, le Collectif décide de laisser au hasard le soin d’écrire le spectacle et propose donc ainsi une visite aléatoire mais non exhaustive de chacune de leurs trois premières réalisations. Avec une dramaturgie construite en direct grâce à la main «innocente» du public. Cette Grande Traversée correspond à un travail d’acteurs-auteurs mais sans metteur en scène, libres, responsables et privilégiant le présent de la représentation, partir du monde d’aujourd’hui, pour en faire un théâtre «à hauteur d’homme».
Nous sommes assis en carré, une vingtaine de personnes autour d’une table installée sur le plateau de la petite salle. «Les réseaux sociaux nous rendent présents les uns aux autres». On cite un texte de Georges Pérec. Y a-t-il une légitimité à parler d’espace numérique ? Internet, une révolution comparable au téléphone mais comprendre ce nouveau système implique de le pratiquer. Tout part d’un point à un autre de la planète, avec une prodigieuse transformation des fluxs. Mais Internet nous éloigne aussi de ce qui nous est proche, et nous rapproche de ce qui est lointain. En fait, l’espace numérique nous met en relation avec une multiplicité d’espaces.
Depuis 1985 ce médium électronique est devenu un réservoir virtuel de différences, et a changé l’information, puisqu’il la centralise et la diffracte et ce lieu d’échanges d’expériences sociales donne l’illusion de l’immatérialité. Mais notre espace numérique est-il un enfermement ? Autant de questions que pose avec une grande acuité ce spectacle intelligent et hors-normes…
Nous sommes ensuite invités dans le hall du théâtre à préparer et partager un repas dont les ingrédients ont été disposés sur une grande table.
Edith Rappoport
Spectacle vu le 4 juin au Théâtre de la Bastille, rue de la Roquette, Paris XIème. T.: 01 43 57 42 14.
Cette semaine sans écrans se poursuit jusqu’au 10 juin.
Prochain spectacle: La Veillée des orangs-outangs le 16 juin