VxH – La Voix humaine, à partir de La Voix humaine de Jean Cocteau et des extraits de Disappear here de Falk Richter, musique et mise en scène Roland Auzet
VxH-La Voix humaine, à partir du texte de Jean Cocteau et d’extraits de Disappear here de Falk Richter, musique et mise en scène Roland Auzet
Un spectacle articulé autour de deux récits: La Voix humaine (1929) de Jean Cocteau et des extraits Disappear herede Falk Richter, écrits à presque un siècle d’intervalle. Soit la douleur insondable de l’être aimant, confronté à l’absence de l’aimé qui ne vous aime plus. L’absence de l’autre est sentie au plus près et blesse l’intime, via une conversation heurtée, cassée, interrompue, puis reprise sur les ondes téléphoniques – un moyen de communication à fil encore révolutionnaire en 1930 -, quand le récit de Falk Richter suit le parcours d’un personnage absent à lui-même dans sa quête de l’être cher.
Une conversation téléphonique, rupture et abandon, «Dans le temps, un regard pouvait tout changer mais avec tous ces appareils ce qui est fini, est fini ». Elle, après quelques tentatives infructueuses, finit par joindre son destinataire : elle doit rendre des lettres à cet ancien amant et transcender sa souffrance présente.
Non-dits, sous-entendus plus ou moins explicites, interruptions de la ligne téléphonique, la séparation à la fois physique et morale est vécue, de secondes en minutes et heures, dans la douleur. Sentiment de solitude, isolement, abandon, Irène Jacob ne sait ni ne peut plus se tenir debout et elle a voulu attenter à sa vie.
La pièce créée en 1930 à la Comédie-Française dans des décors de Christian Bérard eut une première représentation privée, chahutée par les Surréalistes. Innovante, elle met en scène un seul personnage : une femme à son téléphone avec un dialogue tronqué. Roland Auzet se saisit du texte de Jean Cocteau pour aller plus loin encore dans sa perception par le public hyper-connecté d’aujourd’hui. Il imagine une symphonie urbaine entre ciel et terre. Et la chorégraphe Joëlle Bouvier dirige la partition corporelle de l’actrice.
L’espace de scène et les spectateurs s’installent sous l’habitacle surélevé, pieds nus sur le tapis, assis par terre, allongés sur des coussins, ou assis encore sur une chaise autour de l’espace quadrifrontal. La plate-forme en plexiglass de l’action dramatique accueille ainsi son public en-dessous, construisant un rapport intime singulier à la narration théâtrale et sonore. La scénographie fait songer à un ring de boxe placé en hauteur, faisant jouer les couleurs et lumières changeantes d’un toit installé, selon la palette de Bernard Revel.
Pour une narration à la fois visuelle et sonore, le son feu-follet se faufile aux quatre coins de la scène. L’imaginaire du public se nourrit de la parole de La Voix humaine par Irène Jacob avec gravité et légèreté et par des musiques contemporaines. Avec Daniele Guaschino à la réalisation informatique musicale Ircam et Luca Bagnoli au mixage en temps réel. Dans un espace muni de capteurs pour l’harmonisation des sons vocaux et corporels retranscrits. Et le public ne sait où porter son attention, testant toute réception potentielle. Quelle est cette émotion d’être ici : voir et ne pas voir, être vu ? Les formes multiples et insolites de l’expression artistique se répondent, et diffusent un courant de rencontre entre jeu théâtral, illustration scénographique et musique.
Quant à Irène Jacob, elle accorde à son public s on talent avec une belle présence, entre murmures, cris et chuchotements, chutes et reptations sur le sol transparent.
Véronique Hotte
Le Cent-Quatre, Paris XIX ème, ManiFeste-2018, festival de l’Ircam, du 7 au 10 juin.
Théâtre des Célestins, Lyon, du 9 au 22 novembre.
Festival Aujourd’hui Musiques /Théâtre de l’Archipel, Perpignan, du 24 au 25 novembre. Théâtre-Scène nationale de Saint-Nazaire du 30 au 31 janvier.