L’Aria et les vingt-et-unièmes Rencontres internationales de Théâtre en Corse
L’Aria, et les vingt-et-unièmes Rencontres internationales de Théâtre en Corse
Cet été, l’Association des Rencontres Internationales Artistiques fêtera ses vingt ans. Vingt ans d’utopie, dit son fondateur et président, Robin Renucci, comédien, metteur en scène et directeur du Centre Dramatique National Les Tréteaux de France. Une utopie, mais aussi «une volonté qui passe à travers moi mais qui a une histoire qui me précède largement. Celle de toutes celles et ceux qui ont voulu que les humains s’unissent et se rassemblent. »
Un désir ou plutôt un rêve devenu réalité en 1998 et le fonctionnement de l’Aria dans son principe qui n’a pas changé depuis. C’est le peuple qui s’exprime à travers le théâtre. Et si l’Aria n’a pas, pour vocation directe, le social, l’essentiel pour l’association réside cependant dans ce principe moteur : l’art engendre du lien social et permet de créer. Ce projet n’a cessé de grandir: selon Robin Renucci, grâce à des « investissements très importants des Communes, du département, de la Région, de l’Etat, de l’Europe et qui ont permis cette grande réussite de développement local et artistique».
L’Aria, on le sait moins, remplit aussi toute l’année, les fonctions que l’on demande aux établissements culturels: transmission, création et éducation, formation. Ici tout acte de formation se traduit par une confrontation avec le public. Cette année, en éducation par exemple, s’est déroulé un travail théâtral avec spectacles joués par deux groupes issus chacun d’un foyer éducatif, à Bastia et dans la région parisienne. Le plateau dans cette énergie collective devient à la fois espace de création, de découverte, de discussion et de réflexion. Aria dispose d’un merveilleux espace scénique A Stazzona inauguré en 2010 à Pioggiola, et occupé toute l’année! Avec une grande salle de trois cent places, deux petites salles de travail, des locaux techniques et des loges.
«Ce chantier d’éducation artistique populaire a donné lieu à des équipements considérables en développement local, ce qui était presque impossible dans cette micro-région de Corse aussi éloignée», affirme son fondateur. Au cours de l’année, ont lieu notamment des résidences d’écriture: l’occasion pour tous de découvrir des auteurs. Des ateliers sont organisés avec eux de 8h 30 à 23 h. Mais aussi des ateliers réguliers: cirque, langue corse, théâtre amateur… et des stages pour professionnels de la santé, etc. Cela, hiver comme été !
Autre point fort : rendre pérenne la revitalisation par l’activité culturelle en zone rurale, qui demeure un des objectifs prioritaires. Dans cette vallée de la Haute-Corse, la région du Giussani, à une quarantaine de kms de Calvi, c’est une réussite du développement de ces principaux axes d’action sociale, éducative et culturelle…. En vingt ans: 156 formateurs, 3.500 stagiaires de plus de quarante pays, et 5.500 enfants sont passés par l’Aria !
Dans le cadre des Rencontres Internationales de Théâtre en Corse, un riche évènement estival, la vallée se remplit de gens venus de tous horizons pour rencontrer le théâtre! Ici, dans un environnement sauvage, une nature superbe, l’art dramatique tente de se fabriquer et de se manifester autrement: «Chaque année, dit Robin Renucci, les villages du Giussani vivent pendant quatre semaines, le théâtre à ciel ouvert. (…) Et la dernière, largement ouverte au public, est consacrée aux présentations des spectacles, aux ateliers de découverte pour tous».
Des rencontres se construisent entre amateurs et professionnels, et avec un public diversifié, et peut-être de futurs stagiaires. La plupart du temps, les mises en scènes se font à partir d’un texte, sur une durée de travail d’une semaine. Des intervenants professionnels en choisissent chacun une, et les stagiaires décident avec qui ils veulent travailler. Tout cela épaulé par des techniciens souvent issus comme les stagiaires, de l’ENSATT (École Nationale Supérieure des Arts et Techniques du théâtre créée en 1941 et appelée couramment autrefois École de la rue Blanche à Paris avant son déménagement à Lyon).
« Chaque réalisation est jouée quatre fois, sans billetterie, avec un public «spect’ acteur» et pour nous, dit Robin Renucci, l’adhésion remplace la billetterie et les publics viennent gratuitement assister aux spectacles, en adhérant à l’Association». Chaque intervenant, professionnel, amateur ou simple observateur, prend conscience et découvre à quel point, sur le plan artistique, chacun peut être porteur de quelque chose au service des autres pour construire et créer. Le collectif est ici à l’honneur.
« Dans les spectacles proposés cet été, il y en a pour toutes les sensibilités et tous les âges, dit avec enthousiasme, le directeur des Rencontres Serge Nicolaï: de l’alexandrin de Corneille, à la prose de l’américain Carver, en passant par des lectures, déambulations et projets originaux. » Avec cette saison, du 15 juillet au 11 août, quatre semaines de stages de réalisation et du 4 au 11 août, une semaine de représentations publiques à Mausoleo, Olmi-Cappella, Pioggiola, et Vallica.
Il serait bienvenu que cette utopie: un lieu expérimental de création et de culture, de rencontres humaines et artistiques, puisse trouver plus d’écoute au Ministère de la Culture. De par son exemplarité, l’Aria mérite davantage reconnaissance culturelle et valorisation nationale. Allez découvrir ce lieu unique en France dans son fonctionnement et sa pratique du théâtre et ouvert à tous, amateurs et professionnels.
Elisabeth Naud
Vingt-et-unièmes rencontres internationales de théâtre du 15 juillet au 11 août, Stazzona. 20259 Pioggiola. T. : 04 95 61 93 18.