Théâtre Antoine, saison 2018-2019
Théâtre Antoine, saison 2018-2019
Parler du théâtre Antoine, c’est comme parler des trains qui arrivent à l’heure : tout va bien. Beau théâtre inauguré en 1866 et qui fut ensuite celui d’André Antoine où il fit scandale avec Les Bouchers (1888) en mettant de la vraie viande sur scène. Il utilisa le nouvel éclairage à l’électricité, et fit le noir dans la salle. Bref, il inventa avec Firmin Gémier le statut de metteur en scène moderne. C’est là aussi, entre autres, que furent créées, avec un grand succès public, nombre de pièces de Jean-Paul Sartre.
Francis Huster, Yasmina Reza et quelques autres : le théâtre Antoine a ses pensionnaires intermittents. De l’écrivaine, sera repris l’inusable Art, à la fin de la saison et l’acteur fera l’ouverture à l’automne 2018 avec Pourvu qu’il soit heureux, une pièce de Laurent Ruquier, le gérant avec Jean-Marc Dumontet de la société d’exploitation du théâtre. Le thème de cette pièce? Le « coming out” d’un jeune homme (Louis Le Barazer, future star?). Ses bons bourgeois de parents (Francis Huster et Fanny Cottençon) en sont tout déboussolés mais s’en remettront.
Il y a aura aussi Plaidoiries, mise en scène d’Eric Théobald: Richard Berry refera les plaidoiries les plus fortes liées aux affaires criminelles qui ont remué l’opinion, donnant, par le prisme de la justice, un portrait de l’époque et de la société française.
Autre fait de société, les Lettres à Nour de Rachid Benzine ou le dialogue perdu d’un homme qui tente de se trouver, entre un père philosophe rationaliste et sa fille qui est allée combattre en Irak. L’auteur a déjà présenté la pièce dans des prisons, lors de programmes de « déradicalisation ». Avec ici Eric Cantona; ceux qui ont aimé Looking for Eric de Ken Loach, retrouveront la tendresse bourrue et généreuse de cet acteur, ancien footballeur.
Même la fantaisie ambigüe et satirique de Huit Euros de l’heure de Sébastien Thiéry (est-il au courant du tarif horaire actuel d’une femme de ménage?) avec Dany Boon (mûri et sans oreilles rouges) et Valérie Bonneton, reste « politiquement correcte“: tous les malheurs- petits et grands- de leur femme de ménage se répercutent sur les patrons, obligés, du coup, à prendre soin d’elle…
Humanisme, le mot sur lequel Jean-Marc Dumontet a souvent insisté, pour cette saison : tolérance, dialogue, ouverture à l’autre… Ce théâtre rend peu de risques, formels ou idéologiques, encore que… Cela commence à être en effet risqué de se proclamer humaniste, en ces temps de cynisme politique. Cette saison au Théâtre Antoine serait presque un manifeste de la qualité française, à l’image de ces vedettes modestes (oui, oui !), optimistes (oui, disent-ils, le théâtre peut faire bouger les choses!) et de ce public bienveillant, plutôt grisonnant mais comme partout dans les théâtres. Maison de confiance ajustée à l’époque avec sérieux et sincérité, le théâtre Antoine a toutes les qualités nécessaires pour durer…
Christine Friedel
Théâtre Antoine, 14 boulevard de Strasbourg, 75010, Paris Xème.