La Condition collective, chorégraphie et mis en scène d’Elsa Guérin

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La Condition collective, chorégraphie et mis en scène d’Elsa Guérin

Deuxième édition de ce festival piloté par Jean Lambert-wild, directeur du Théâtre de l’Union, Centre Dramatique National de Limoges et de l’Académie qui fête ses vingt ans. Cette année, il s’est ouvert  à une nouvelle discipline : le cirque. Huit spectacles gratuits dont La Condition collective pour ce festival de l’Union des écoles avec notamment, Le Cercueil est trop grand pour la fosse, venu de Singapour et Le Roi Lear, de l’Académie centrale de Pékin, Zone franche de Conakry (Guinée),  quatre « masterclass », un stage de théâtre et deux stages de critique professionnelle. «Ce festival international, dit Jean Lambert-wild, est aussi l’occasion d’affirmer que la Nouvelle-Aquitaine, la ville de Limoges et la Haute-Vienne  sont des terres d’accueil, d’échange qui ne ratent jamais l’opportunité de célébrer le talent de cette jeunesse et de s’ouvrir à l’ailleurs. »

L’Académie est, elle, située au château du Mazeau à Saint-Priest-Taurion à douze kilomètres de Limoges. Sur 1.200 m2, avec plateau, salles de répétition et de cours, loges, locaux vidéo, centre de documentation, atelier de construction, et  espace de vie. L’Académie,  ouvrira aussi ses portes à la prochaine rentrée une classe préparatoire destinée à des élèves venus d’Outre-Mer, une grande première en France: on vous reparlera de cette expérience inédite…

La Condition collective est le résultat d’un atelier de travail d’environ deux mois avec les élèves de troisième année de la Séquence 9 de l’Académie de l’Union à Limoges : Gabriel Allée, Claire Angenot, Quentin Ballif, Matthias Beaudoin, Romain Bertrand, Hélène Cerles, Ashille Constantin, Yannick Cotten, Estelle Delville, Laure Descamps, Antonin Dufeutrelle, Nina Fabiani, Marine Godon, Isabella Olechowski, Sherley Paredes, Nicolas Verdier. Cela se passait ce soir-là sous le grand chapiteau du Sirque, Pôle National des Arts du Cirque/Nouvelle Aquitaine, à Nexon (Haute-Vienne). Avec une scénographie frontale:  juste un rideau de fond et un tapis de danse, pour une centaine de spectateurs.  

«Imaginée et mise en scène, dit Elsa Guérin,  pour les seize jeunes élèves-comédiens de L’Académie de l’Union, La Condition collective, une pièce où jonglage et mouvement sont au cœur de l’écriture avec une succession de transformations, un fondu enchaîné d’états, les corps des acteurs et les objets s’agencent, entrent en contact pour former un groupe, gomment les frontières pour créer une entité, qui s’agrège et se désagrège, se déploie, se répand, se rétracte, avance.» Cela commence par une intervention de Jean-Luc Godard en voix off: pas très claire… Puis se succèdent quelques tableaux où les jeunes comédiens prennent des poses en groupe comme autrefois les acteurs du Living Theatre, puis le travail de jonglage en groupe débute avec une transformation permanente du groupe qui s’apparente souvent à de la danse contemporaine et visiblement inspiré de Merce Cunningham. Le jonglage s’effectue avec un maximum de trois boules souples, ce qui n’est déjà pas si mal pour des comédiens après un travail de courte durée…

La relation entre le travail au quotidien d’un jeune acteur en formation et une discipline comme le jonglage? Pas évident mais pourtant solide: exigence d’une concentration maximum donc équilibre entre le corps et l’esprit, manipulation d’un objet dans l’espace,  jeu individuel mais aussi collectif, indispensable solidarité dans le groupe… Tout cela bien utile dans la formation d’un jeune comédien et Paul Golub, le responsable pédagogique de l’Académie, a eu raison d’introduire ce temps d’apprentissage d’une discipline circassienne dans le cursus. Et il y a une belle séquence où une bataille a lieu entre garçon/ garçon, fille/fille ou encore garçon/fille chacun avec une boule sur la tête. Il s’agit bien entendu de faire tomber cette foutue boule de la tête de l’adversaire jusqu’à extinction. Un (e)seul(e) restant en piste à la fin.

Mais tout n’est pas de cette veine !  Et on a plus affaire ici à une démonstration en quarante-cinq minutes qu’à un véritable spectacle, même si les jeunes comédiens sont très engagés et si cela se passe dans d’excellentes conditions techniques. On oubliera vite la «chorégraphie» comme la «mise en scène», assez prétentieuses d’Elsa Guérin. Mais qu’importe, ces seize jeunes comédiens auront sans doute beaucoup appris dans cette pratique du jonglage, à la fois sur la conscience de leur propre corps et ses limites, et sur les mouvements d’ensemble. «Il faut entretenir la vigueur du corps pour conserver celle de l’esprit, disait déjà Vauvenargues en 1746».

Philippe du Vignal

Spectacle vu le 15 juin, au Sirque, Pôle National des Arts du Cirque/ Nouvelle Aquitaine Nexon (Haute-Vienne).

L’Académie de l’Union, Ecole Supérieure professionnelle de Théâtre du Limousin, Le Mazeau, 87480 Saint-Priest-Taurion.T. : 05 55 37 93 93/06 45 38 13 48. adm@academietheatrelimoges.com

 

 


Archive pour 22 juin, 2018

Europa (Esperanza), texte d’Aziz Chouaki, mise en scène d’Hovnatan Avédikian

 

Europa (Esperanza) d’Aziz Chouaki, mise en scène d’Hovnatan Avédikian

98A7BEE4-1430-4800-877E-AFA6C1676F72 Pour le metteur en scène, cette œuvre révèle une écriture à la dramaturgie poétique et sauvage. Un rappeur, à l’image des personnages dessinés et du musicien de jazz qu’il est aussi. Et qui sait écouter les mots, en laissant libre cours aux harmonies et aux rythmes : « Eh ben, pour moi, l’Europe, c’est d’abord, tu es propre, poli, civilisé, ça veut dire pas de déconnement dans le boulot. Nickel balaise, il faut le système, tout il marche bien huilé quoi, le téléphone, les horaires, la liberté… »

La genèse d’Europa: Esperanza, le spectacle précédent d’Aziz Chouaki, au titre éponyme de l’embarcation de fortune avec un passeur et des clandestins : un handicapé, un ingénieur, une artiste-peintre, un ancien flic et un poète aveugle. Entre tragique et burlesque… Europa s’inspire aussi d’une nouvelle Allo, d’un poème Dieu et de la première page d’Aigle, un roman d’Aziz Chouaki. On retrouve ici la même situation : celle d’hommes entassés dans une embarcation précaire.

Hovnatan Avédikian interprète seul tous les rôles, porteur de paroles incantatoires et expressives de tous  ces jeunes hommes d’Algérie et d’ailleurs. Nadir et Jamel, garçons de quatorze et douze ans, regardent les bateaux quitter le port d’Alger, et rêvent d’Occident, au Nord, là où le monde est meilleur pour les jeunes du Sud qui, dans les années 90,  ont fui la guerre civile et ses centaines de milliers de victimes. Aujourd’hui, ils n’ont ni possibilité d’emploi ni avenir, et peuvent juste subsister chichement, grâce à la manne gazière de leur pays. Et en se tournant du côté de la mosquée, ou des dealers et de la drogue.  

Les deux amis, l’un plutôt mince et l’autre plutôt rond, finissent par embarquer au péril de leur vie, avec un ingénieur et tant d’autres « harraga» sur l’Esperanza, véritable radeau de la Méduse qui doit les mener à Lampedusa. Les harraga : des migrants clandestins qui ont pris la mer depuis l’Algérie, le Maroc, la Tunisie, la Lybie, à bord de petits bateaux de pêche ou clandestinement, dans des cargos. Tous veulent rejoindre la Sardaigne, les côtes andalouses, Gibraltar, la Sicile, Malte, les Canaries ou jusqu’à une date récente, Lampedusa en Italie…

Harraga, en arabe algérien : «ceux qui brûlent », ceux qui séjournent au-delà des délais autorisés, mais surtout ceux qui passent sans papiers, après avoir essuyé de nombreux refus à leurs demandes de visa, et rejoignent en dernière extrémité l’Europe, sans documents, en contournant les contrôles frontaliers. S’ils ne  meurent pas en mer, ces clandestins, appréhendés par les garde-côtes, sont ensuite placés dans des centres d’identification et d’expulsion. Et ils se brûlent effectivement les doigts pour éviter d’être identifiés par la police.

Le verbe d’Aziz Chouaki illumine son interprète  ave jeux de mots et de sonorités, emportements d’une parole ludique et fuyante, ruptures de rythme et chocs déclamatoires. Avec une violence à la fois sourde et tonitruante, humble et ostentatoire, à la façon provocatrice, bien célinienne, de narrer l’état du monde. Entre humour, moquerie et cynisme. Aux côtés  de Vasken Solakian qui joue du saz, le comédien se fait danseur, équilibriste et devient une sculpture vivante, esquissant pirouettes et demi-tours. «Lampedusa, d’Aladin, le fringant et frugal bien frusqué, la lampe et hop, le vieux port, Lampedusa, les mouettes bikini, les voiliers Gin tonic, terrasses de café gentilles, cuisses luisantes, come on come on, touristes Mastercard, rien que du blond tranquille, mon frère, rien que du simple, rien que du tranquillement simple blond. »

Harga désigne «les barques de la mort», celles  de l’immigration clandestine. Mais aussi et à la fois, une sorte de suicide collectif, une résistance à l’autorité, une action protestataire et une affirmation existentielle désespérée. Le comédien joue des reprises et répétitions du symbole  et ses personnages rieurs s’en amusent, tout en révélant leur propre envoûtement. La harga des jeunes est une aventure et le harrag, un héros mythique: celui qui a réussi le voyage d’une rive à l’autre de la Méditerranée, sans  papiers, sur un rafiot. «Gamberger, c’est ça qu’il faut. Gamberger sa petite tête pour trouver l’astuce, se glisser et se retrouver, salut madame l’Europe, je m’excuse de vous déranger, mais non, pas du tout… »

Le public rit de bon cœur, entre crudité des propos et finesse de l’analyse. Une performance d’acteur lumineuse, à la hauteur des enjeux humanistes.

Véronique Hotte

Manufacture des Abbesses, 7 rue Véron,  Paris XVIII ème, du 4 au 29 juillet. T. : 01 42 33 42 03. Lavoir Moderne Parisien, 35 rue Léon, Paris XVIII ème, du 12 septembre au 1er octobre. T. : 01 46 06 08 05.

 

 

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