Madame Bovary, d’après Gustave Flaubert, mise en scène de Sylvie Blotnikas
Madame Bovary, d’après Gustave Flaubert, adaptation d’André Salzet et Sylvie Blotnikas, mise en scène de Sylvie Blotnikas
Le célèbre roman de Gustave Flaubert fut écrit de 1851 à 1856, publié dans la Revue de Paris mais le gérant, l’imprimeur, ainsi que l’auteur seront jugés un an plus tard pour «outrage à la morale publique et religieuse, et aux bonnes mœurs ». Gustave Flaubert sera finalement acquitté.
C’est l’histoire de la jeune Emma Rouault, fille d’un riche fermier, qui épousa Charles Bovary, un veuf, officier de médecine-un grade en-dessous de celui de médecin- qui était vite tombé amoureux d’elle. Mais Emma voit qu’elle a quitté l’ennui d’une propriété à la campagne pour celui d’un gros village, Tostes, à une trentaine de kilomètres de Rouen. Elle rêve d’une vie mondaine… et apprécie d’avoir été invitée au bal du marquis d’Andervilliers…
Puis Emma attend un enfant, et Charles son mari décide s’installer à Yonville. Elle y rencontre les notables du coin, comme le pharmacien athée et content de lui Homais, Bournisien le curé, Léon Dupuis, un clerc de notaire, et surtout Rodolphe, un riche châtelain. Emma déçue, par la naissance de sa fille (elle voulait un garçon), s’ennuie et n’a plus aucune attirance pour Charles. Alors, elle compense et achète des vêtements de prix dans la boutique de M. Lheureux. Elle cédera vite à Rodolphe comme à Léon, tous les deux fascinés par sa beauté et son élégance mais qui se fatiguent assez vite des rêves romantiques de la belle Emma… Tout irait quand même à peu près bien si- ce que son mari ne sait pas- elle n’avait fait une belle ardoise chez M. Lheureux qui exige d’être payé et la menace de saisie. Emma paniquée n’a pas un sou devant elle, et demande de l’argent à Léon de piquer dans la caisse de son patron puis à Rodolphe qui refuse de lui en prêter. Désespérée, elle ira voler un peu d’arsenic chez le pharmacien pour se suicider. Charles de nouveau veuf, erre, terriblement seul dans la maison vide, puisque tout a été vendu par la justice, et mourra très vite. La petite Berthe sera confiée à une tante pauvre qui ne pourra même pas la nourrir et l’enverra travailler dans une filature de coton. Tragédie dans le bocage normand… Ce roman-culte a souvent été adapté au cinéma notamment par Claude Chabrol avec Isabelle Huppert il y a presque trente ans mais moins au théâtre. Sans doute à cause de la difficulté de mettre en scène de nombreux personnages et lieux. André Salzet qui est déjà venu avec Avignon avec un beau solo avec La Colonie pénitentiaire d’après Franz Kafka et Le Joueur d’échecs de Stefan Zweig (voir Le Théâtre du Blog), a en fait une sorte de récit et demandé à Sylvie Blotnikas de mettre en scène ce solo. Il se révèle ici, une fois de plus, très bon conteur, précis et plein d’humour et incarne aussi l’amoureuse Emma, le cynique Rodolphe, le père d’Emma, ou le notaire… Le comédien, aussi efficace que discret, a acquis au fil des années un solide métier. Diction parfaite, ton juste. Aucun doute là-dessus, les spectateurs écoutent fascinés comme des enfants cette histoire qu’ils ont sûrement déjà tous lue.
Côté adaptation,l’essentiel du roman est assez bien condensé. Mais il y de sérieux défauts de mise en scène : le début et la fin où Gustave Flaubert semble se parler à lui-même sont du genre pas très finauds, avec un grand fil blanc incompréhensible sur le plateau. Des musiques trop solennelles (Litz au début, Chopin, Donizettti) sans unité et assez pléonastiques, qui couvrent parfois le texte, et le costume, pas très réussi et… mal repassé, fait théâtre amateur! La direction d’acteurs gagnerait à être sérieusement révisée: phrases mal dites, effets gestuels surlignant certains passages, etc. Tout cela nuit au spectacle et André Salzet mérite beaucoup mieux que ces approximations d’une réalisation qui reste timorée, un peu scolaire. Et comme la pièce a déjà été jouée plusieurs semaines l’été dernier à Paris, ce ne sont pas des défauts de jeunesse. Cela dit, si vous n’êtes pas trop difficile, vous pouvez toujours une heure durant et dans une petite salle calme, aller écouter la langue française d’une qualité sémantique et musicale absolument exceptionnelle de Gustave Flaubert. Et dite par un très bon acteur-conteur. Cela fait toujours du bien par où cela passe. Pour le reste, autant en emporte le mistral…
Philippe du Vignal
Salle Roquille, 3 rue Roquille, Avignon à 21h, du 6 au 26 juillet. T. : 04 90 16 09 27.