Europe connexion, d’Alexandra Badéa, mise en scène de Vincent Franchi
Europe connexion d’Alexandra Badea, mise en scène de Vincent Franchi
La pièce avait été montée, il y a un peu plus d’un an (voir Le Théâtre du Blog) par Matthieu Roy. C’est l’histoire d’un jeune énarque: ancien assistant parlementaire auprès d’une députée de la commission environnement-santé publique et sécurité alimentaire, il intègre vite un des plus gros lobbies sur le marché des pesticides. Séduit par les sirènes qui le payent bien, il va se mettre au service de multinationales qui, grâce à l’agriculture industrielle, font des bénéfices colossaux, en vendant sans aucun scrupule: engrais, pesticides, herbicides et autres gâteries. Raison majeure invoquée: nourrir une population mondiale en constante augmentation et tant pis pour la planète…
Ce beau jeune homme, pas très sympathique, se souvient de son grand-père qui avait un jardin et faisait son compost. Mais il a vite compris que ces temps-là étaient révolus: gloire à la mondialisation et à l’uniformisation céréalière! Qu’importe la vie des abeilles, le mépris affiché de la terre nourricière, les intoxications et cancers subies par les agriculteurs comme par les consommateurs, pourvu que le profit soit au rendez-vous. Avec, au besoin, sous n’importe quel prétexte de sécurité, interdiction d’échange de semences pour mieux cadenasser le marché, le monopole devant rester aux multinationales. Bravo et bien entendu, d’efficaces groupes de pression mettent tout en œuvre auprès des gouvernements et parlementaires…
Reste à inventer un argumentaire convaincant où règne la plus subtile mauvaise foi, comme on apprend à le faire aux futurs énarques. Il faut ce qu’il faut et cela, le beau jeune homme sait le pratiquer brillamment mais tout se paye: côté vie privée, c’est la dégringolade et une terrible dépression.
Mais comment faire passer ce texte d’Alexandra Badea qui avait obtenu avec Pulvérisés, le grand Prix de littérature dramatique 2012 (voir Le Théâtre du Blog) ? Cela ressemble à un exercice de style qui aurait pu être écrit en deux jours par un étudiant de Sciences Po muni de quelques bons dossiers… Et passées les cinq premières minutes, les soixante qui suivent sont bien longuettes.
Sur le petit plateau, un tapis blanc de danse de neuf m2 où debout Nicolas Violin, en costume- cravate, est comme enfermé et ne bougera presque pas. En fond de scène, trois écrans vidéo carrés avec projection d’images. Quand le texte évoque un homme avec son chien malade, le grand-père en maison de retraite ou le jeune lobbyiste dans sa luxueuse chambre d’hôtel ou déjeunant avec un député dans un restaurant de luxe, vous ne devinerez jamais les images que l’on voit ! Vous avez dit pléonasme ? La meilleure méthode pour parasiter un texte qui n’avait pas besoin de cela… Il y a là une erreur flagrante, et comme d’autres, Vincent Franchi s’est laissé piéger par l’image vidéo qui envahit de plus en plus les plateaux de théâtre. Côté direction d’acteurs, il fait afficher à Nicolas Violin un curieux sourire permanent mais l’acteur dit bien ce texte… qui reste toujours aussi peu convaincant. Surtout quand le metteur en scène compte sur ces images-vidéo qui ne servent rigoureusement à rien.
Donc aucun remords avant l’oubli… cette fois, vous pouvez rester au frais ou aller voir autre chose.
Philippe du Vignal.
Artéphile, 7 rue du Bourg-Neuf jusqu’au 26 juillet. T. : 04 90 03 01 90.