Hedda, texte et regard extérieur de Sigrid Carré-Lecoindre, mise en scène de Lena Paugam
Hedda, texte et regard extérieur de Sigrid Carré-Lecoindre, mise en scène de Lena Paugam
Un monologue librement inspiré de la vie d’Hedda Nussbaum, une Américaine de soixante-seize ans, célèbre il y a trentaine d’années, quand son mari l’accusa d’avoir tué Lisa Steinberg, leur petite fille adoptive. De nombreux personnes prirent sa défense et présentèrent Hedda comme une victime de violences physiques et psychologiques, exercées par son mari Joël Steinberg. Elle écrivit un livre Survivre au terrorisme intime. Avec la metteuse en scène et seule interprète Lena Paugam, elle s’est révoltée à l’annonce d’une récente loi russe dépénalisant les violences conjugales!
Juliette Azémar a conçu une pièce aux couleurs bleues et lunaires avec salle de bain attenante; une jeune femme y fait le récit de la rencontre avec son futur époux, et l’interprète aussi à l’occasion. Un spectacle imaginé et mis en scène par Lena Paugam autour de la violence domestique faite aux femmes et d’une animosité sourde, loin du regard des autres. Chez la victime, domine un état d’irréalité, dû à un sentiment d’isolement et au secret où on la confine, et à la chape de plomb qui l’enserre.
Coup de foudre : les amoureux vivent d’abord une passion et un vrai bonheur, avant de connaître les premières pertes de vitesse du sentiment amoureux. Sans en comprendre les causes, elle a la hantise permanente de recevoir des coups. Mélancolie et tristesse vont lui tenir lieu peu à peu d’univers personnel, et la jeune femme timide et enjouée va subir les brutalités de son mari. Dans une soirée entre amis, maladroite, elle renverse un verre et cela n’échappe pas à celui qui l’observe avec attention, décelant une fragilité qui convient très bien à ce prédateur…. Remarques insignifiantes et conseils vestimentaires : il veut dominer sa compagne, jusqu’à la réduire à néant mais va se retrouver face à un vide intérieur. Celui de l’enfer qui habite le bourreau et le rive à l’abîme sans fond où il a, pour se venger, d’abord projeté l’autre.
Dans une lumière bleue nocturne, celle d’un enfermement intime, la protagoniste perd de sa superbe: le mal est enclenché, et son mari accomplira la tâche qu’il s’est assignée : la détruire! Sigrid Carré-Lecoindre, avec une écriture poétique, délicate et précise, nomme ce qu’on n’ose jamais évoquer : «Avec le temps, même la douleur s’estompe. Le corps insensibilise, métamorphose. Prend des contours/ Se métisse d’absence à lui-même. On s’habitue à tout… » Le corps de la jeune femme n’est plus qu’une douleur étouffée. Lena Paugam se lève, marche, s’immobilise puis reprend son errance jusqu’au terrassement final. Un spectacle délicat où est montrée toute la terreur des perversités des humains…
Véronique Hotte
La Manufacture, 2 rue des Ecoles, Avignon, jusqu’au 26 juillet, à 14 h 45. T. : 04 90 85 12 71.