Qui suis-je ?, d’après le roman de Thomas Gornet, mise en scène de Yann Dacosta

Qui suis-je ?, d’après le roman de Thomas Gornet, mise en scène de Yann Dacosta (à partir de douze ans)

 

Crédit photo : Arnaud Berthereau – Agence Mona

Crédit photo : Arnaud Berthereau – Agence Mona

Grégoire Faucheux  a conçu un espace scénique éblouissant de clarté  qui invite le public à pénétrer du regard l’espace de jeu: une surface blanche de papier glacé, avec sols et murs lisses ; il y a seulement des bancs adossés au châssis du lointain  qui fait aussi office d’écran de projection, avec des images de cour de récréation d’un collège, une salle de classe, des vestiaires de sport, l’intérieur d’un bus, mais aussi la chambre personnelle du protagoniste esseulé dans l’appartement parental…

 Sur l’écran frontal est aussi projetée dans un esprit facétieux d’album pour enfants, une bande dessinée cocasse réalisée par Hugues Barthe. Avec des personnages dessinés au crayon comme les parents du garçon Vincent, son frère Thibault, etc.  qui se mêlent aux acteurs sur le plateau. Comme s’il s’agissait d’une fiction réinventée, d’ une composition savante élaborée.

 Les spectateurs mais aussi les adolescents de tous les collèges du monde, sont comme invités à la démonstration tranquille d’un théorème scientifique : les données sont là, le personnage principal et ses amis, les bons et les méchants, la principale du collège, plus extérieure, le nouvel élève, et l’histoire se met en route avec  des hypothèses posées  pour résoudre un problème.

La mise en scène de Yann Dacosta est précise et poétique. Vincent (Côme Thieulin) est à la fois le personnage et le narrateur d’un parcours intime. Avec calme, retenue et pudeur, il expose au public les tenants et aboutissants de sa propre expérience juvénile, griffée de confusion et d’étrangeté. Un mal-être ressenti dans les vestiaires du collège : le professeur d’éducation physique et sportive le rabroue quand il a des difficultés à  monter à la corde ou des camarades se moquent de lui, de façon insistante. Et ses vrais amis, loin de le harceler, lui font tout de même des remarques difficiles à saisir.

 Vincent, tourné pourtant sur lui-même et sur ses rêves, ne se doute de pas de son orientation sexuelle et ne s’est pas encore posé de  question : «Je me suis toujours demandé ce que les gens entendent par «crise d’adolescence « . Je me demande si, chez moi, elle ne se traduit pas comme ça : une endive incapable de supporter son reflet… »

 Les notes du bon élève Vincent chutent au cours de l’année, et correspondant à l’arrivée d’un nouvel élève dans la classe dont il pressent l’influence : «Je repense à Myriam, à Aziz et ses pieds qui puent, Aux cours de montée à la corde. A la première fois où j’ai vu Cédric. Je regarde ses cheveux noirs. Ses yeux noirs. Son jean. L’élastique de son caleçon qui en dépasse. La grosse boule angoissante monte en moi. OK Je crois que j’ai compris. Ça va pas être facile. » Comment parler «librement» de l’homosexualité, quand on est adolescent, voire adulte ? Rien n’est plus difficile, même si on aborde le sujet avec une fière assurance. Le récit intime de Qui suis-je ? pose avec tact la naissance du désir amoureux, et cette confrontation avec soi perçue à travers l’aiguillon de la différence.

 Un spectacle au thème « sérieux », mais enchanteur et malicieux, et  à connotation enfantine. Et autour de Côme Thieulin, Théo Costa-Marini qui joue les affreux et les gentils, et Manon Thorel qui incarne avec allant, la bonne copine, la principale, etc. font de cette pièce, un joli moment de théâtre pédagogique, et foncièrement humaniste.

Véronique Hotte

11. Gilgamesh Belleville, 11 boulevard Raspail, Avignon, du 6 au 27 juillet, relâche le 18 juillet, à 14h 40. Tél : 04 90 89 82 63

Le roman est paru aux éditions du Rouergue.

 


Archive pour 16 juillet, 2018

Kitchen Blues, rhapsodie électro-ménagère de Jean-Pierre Siméon, mise en scène de Clémence Longy

Kitchen Blues, rhapsodie électro-ménagère de Jean-Pierre Siméon, mise en scène de Clémence Longy

7_2 Un défi, un exercice :  à la manière de Samuel Beckett qui écrivait aussi directement en français,  l’auteur a écrit en anglais, un monologue inspiré de Yeats, Synge et  Beckett.Et à partir de ce matériau initial,  il a composé pour Clara Simpson, d’origine irlandaise, un ensemble kaléidoscopique de sept « minilogues » en vers libres où sept personnages féminins prennent la parole.

Et l’auteur propose une version française de cette composition polyphonique dans un jeu d’aller-et retour efficace. Avec de drôles de dames pour de drôles de drames…

Dans ces courtes comédies mi-figue mi-raisin, s’imposent en effet des femmes aussi énigmatiques, que malicieuses, un rien inquiétantes qui n’hésitent pas à jouer avec l’homme auquel elles s’adressent : le mâle, l’époux, l’employeur, le prêtre, le juge… Comme elles le feraient avec elles-mêmes : «Je ne suis pas un reflet dans la vitre. »

Toutes s’apprêtent à quitter l’usurpateur ou le dominateur silencieux :  un adversaire  sans aucune argumentation ni défense circonstanciées. Soumises à un fantôme, elles se voient confinées dans une cuisine attenante à un salon avec un fauteuil. Mais ces femmes au foyer, dans leur solitude quotidienne, se rebellent, et ont une capacité inattendue d’échapper à cette réclusion symbolique. Elles s’inventent alors en dames, à la fois merveilleuses et inquiétantes, fées ou sorcières, et assument ainsi leur émancipation morale.

Jean-Pierre Siméon parle d’«une fenêtre ouverte sur un instant volé de la vie de cette femme»,  à l’imagination prolixe et qui possède une conscience politique. Avec une malice et un humour pétillants, Clara Simpson s’amuse de ses multiples transformations à vue. Assez pincée, assise dans son fauteuil, elle porte un tailleur en tweed «very british», et un chapeau loufoque avec un oiseau, puis va, peu à peu, s’en dégager. Libre alors de ses mouvements, elle détache ses cheveux, et met un autre costume plus souple : « J’adore mon mari, j’y suis habituée, à mon avis, l’habitude est le bon chemin pour l’amour. »

Ici,  l’espace privé relève du polar, avec grondements d’orage, pluie intense et éléments de fantastique comme ce micro-ondes qui s’allume ou ces lumières qui fusent ou s’éteignent tout à coup, grincements de portes, perceptions sonores aléatoires: «Tout dépend de l’humeur, et j’étais d’humeur pluvieuse, inexplicablement. »  L’actrice fait feu de tout bois, de la gravité au burlesque selon les situations, avec une tendresse infinie, une belle humilité et un goût évident du jeu.  Dans un entre-deux presque clownesque, elle nous emmène de la réalité à la fiction, et du pragmatisme, au rêve. Clémence Longy a saisi toute la poésie de l’enjeu théâtral et elle réussit à mettre à distance les ratés d’une vie pour mieux nous en faire rire librement.

 Véronique Hotte

Le Train bleu, 40, rue Paul Saïn, Avignon, jusqu’au 28 juillet  à 10 h, les jours pairs. T. : 04 90 82 39 06.

 

La véritable Histoire du cheval de Troie, adaptation et mise en scène et adaptation de Claude Brozzoni

Festival d’Avignon:

La véritable Histoire du cheval de Troie, adaptation de L’Iliade d’Homère et L’Enéide de Virgile et mise en scène de Claude Brozzoni

C’est le trentième spectacle de la compagnie Brozzoni créée en 1989. On se souvient, entre autres, d’Eléments moins performants, et de Médée Kali. Ici, Enée et son ami Tchavalo, une valise à leurs pieds, (Guillaume Edé, comédien-chanteur et Claude Gomez, accordéoniste) sont à la recherche d’une terre accueillante où poser leurs bagages après leur fuite de Troie qui a été détruite. Leurs compagnons, dont le plus grand nombre a échappé de justesse à la mort, sont effrayés par les rivages de la Méditerranée où  ils voient des Grecs partout.

C’est dit, le metteur en scène, ce qu’on appelle une petite forme, celle d’un conte, où à travers le mouvement, le jeu, la voix et la musique, un moment où le verbe se fait chair, souffle et voix.  Cette histoire raconte comment à la fête des dieux, où la déesse Eris ne fut pas invitée et où on donna la fameuse Pomme d’or à Vénus, ce qui provoquera l’enlèvement de la belle Hélène par Pâris. Après avoir vainement assiégé Troie pendant dix ans, les Grecs eurent l’idée de construire un cheval géant en bois où se cacha Ulysse et des soldats. Malgré les avertissements de Cassandre, le cheval est tiré dans l’enceinte de la cité et les Troyens font alors une grande fête. La nuit, bien imbibés de vin, ils  se sont endormis, et les Grecs sortirent du cheval et ouvrirent alors les portes de la ville pour  permettre à l’armée de  massacrer, tous les hommes  et d’emmener en esclavage toutes les femmes. Et les enfants mâle furent eux aussi tués pour éviter une éventuelle vengeance.

 Troie sera détruite et ce fut la fuite sur les mers.« Enfuie-toi Enée, c’est l’heure inéluctable, il n’y plus de Troyens! (…) Permettez-nous de tirer nos vaisseaux sur le sable. Nous sommes paisibles ! »

Un chant, suivi d’un long silence de deuil partagé par le public, met fin au spectacle. A une époque où les migrants sont chassés sans pitié d’une frontière à l’autre, on peut méditer sur cette Véritable Histoire du cheval de Troie «Il me semble important, dit Claude Brozzoni, que les personnages sur la scène aient une belle langue.» Et ici, vous l’aurez compris, cela ne nuit pas au message….

Edith Rappoport

La Manufacture, rue des Ecoles, Avignon, jusqu’au 26 juillet, à 13 h 25, relâche le 19 juillet. T. : 04 90 85 12 71

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On prend le ciel et on le coud avec la terre , autour de l’œuvre de Christian Bobin, conception et mise en scène de Yan Allegret

 

Festival d’Avignon Off

On prend le ciel et on le coud avec la terre , autour de l’œuvre de Christian Bobin, conception et mise en scène de Yan Allegret

351976A3-1046-49CF-9655-FCB338614427« J’ai choisi d’aborder l’écriture de Christian Bobin, de façon panoramique, en puisant dans une dizaine de livres différents», écrit Yan Allegret.   Avec le musicien Yann Féry, il butine avec gourmandise dans la prose simple, limpide mais toute en sagesse de l’écrivain, avec des extraits de La Part manquante, Mozart de la pluie ou L’homme joie , et Lettre oubliée entre deux pages

On pénètre avec lui dans la « chambre d’écriture » de l’auteur et l’on partage, de séquence en séquence, son regard aigu sur le monde et les gens. Une jeune mère à l’enfant, rencontrée à la gare de Lyon-Part- Dieu devient une icône de la solitude des femmes, « elle se donne en pâture à son petit », avec son pendant, celle des hommes : « Les enfants naissent de femmes, les femmes naissent des femmes. (…) Il reste aux hommes le travail (..) les guerres ».  
Plus loin, il est question de clefs d’or mais «Il n’y a pas de porte ou bien, elle est ouverte depuis longtemps… ». Et souvent de la «sagesse éblouie de l’enfance ». Lui-même auteur, le comédien et metteur en scène nous amène vers une plus grande intimité avec Christian Bobin, jusqu’à la source de son écriture : «Depuis l’enfance,  je suis en pourparlers avec moi-même. Pour continuer à me parler, j’ai commencé d’écrire ».  
Un bouquet de mariée orne la chapelle du Théâtre des halles :  les âges de la vie défilent, de l’enfance à la mort, sous la plume de Christian Bobin,  habitée avec ferveur par Yan Allegret. Même s’il a parfois du mal à trouver sa place dans la salle et sur le plateau exigus, Yann Féry l’accompagne de susurrements, de bruits discrets  ou de quelques accords de guitare : un univers sonore apaisé…

Ce spectacle de cinquante minutes offre une entrée dans une œuvre qui,  depuis Lettre pourpre (1977) jusqu’à Ressusciter (2001) et Noireclaire (2015) trace une route singulière dans le paysage littéraire français.

Mireille Davidovici

Jusqu’au 29 juillet à 22 heures 30, Théâtre des Halles, rue du Roi René, Avignon. T. 04 90 85 02 38.

La plupart des livres de Christian Bobin sont publiés aux éditions Gallimard.

Summerless, texte et mise en scène d’Amir Reza Koohestani, (en persan, surtitré en français)

© Christophe Raynaud de Lage / Festival d'Avignon

© Christophe Raynaud de Lage / Festival d’Avignon

Festival d’Avignon

Summerless, texte et mise en scène d’Amir Reza Koohestani, (en persan surtitré en français)

Après Timeloss, au Théâtre de la Bastille à Paris en 2014, que nous avions beaucoup apprécié, et  Hearing, moins convaincant (voir Le Théâtre du Blog), cette création du metteur en scène iranien situe l’action comme dans son précédent spectacle, dans une école mais cette fois une école primaire privée.

 Un tourniquet trône au milieu de la cour. Sur les murs, des dessins colorés d’enfants défilent… Un artiste peintre également professeur de dessin, recouvre d’une vaste fresque, les slogans célébrant les martyrs de la dernière guerre. Il a été engagé par sa femme, la surveillante  générale, qu’il vient de quitter pour d’obscures raisons .

Une mère d’élève vient chaque jour chercher Tobi, sa fillette de sept ans, à la sortie des cours et se comporte en inquisitrice. Un chassé-croisé s’instaure entre les trois personnages : crise de couple, reproches voilés de la mère sur un enseignement coûteux mais médiocre. Insidieusement, on questionne la présence de l’homme dans cette école de filles. Et il apparaît que la petite Tobi s’est entichée de son professeur de dessin, jusqu’à  fuguer pour le retrouver. On apprend aussi que la femme du peintre est enceinte, et que l’école, située dans une zone commerciale, va être vendue…

 Au fil des mois, de la rentrée de septembre au printemps, les dessous de cette étrange  histoire se dévoilent à l’instar de cette fresque dont le peintre n’arrive pas à couvrir les inscriptions sous-jacentes. L’action scénique est relayée par les images des personnages filmés en direct, qui viennent se superposer à la  peinture qui se délite.

Pour finir, l’image de la fillette apparaît sur l’écran, et elle vient dialoguer avec le couple d’enseignants, sa voix transitant par le corps de sa mère… Regard d’une enfant, sur ce monde d’adulte…

 Le titre : Summerless (Privé d’été) renvoie à l’obligation des écoles de rester ouvertes pendant les vacances estivales pour récolter des fonds et permettre aux maîtres d’arrondir leurs faibles revenus. L’auteur vise aussi le désengagement de l’Etat vis-à-vis du système scolaire, alors que la Constitution proclame la gratuité de l’enseignement. Mais Amir Reza Koohestani ne parle jamais politique dans son travail. Il préfère emprunter la voix métaphorique chère à la poésie persane, et aborder les questions de société par l’intime. Ici, l’échec du système va de pair avec les fiascos individuels et le pourrissement des relations. Il n’y a pas de traitement psychologique des personnages, des types sociaux pris dans l’engrenage d’une intrigue qui leur échappe. D’où une certaine dureté dans le jeu de Mona Ahmadi, Saeid Changizian et Leyli Rashidi.

Amir Reza Koohestani a créé le Mehr Theatre Group à Téhéran et, de création en création, il a su imposer son style, rompant avec le naturalisme de la tradition théâtrale iranienne. Dans Summerless, déroutant et parfois un peu bavard, il ose aborder avec tact des questions délicates, mais il faudrait sans doute pouvoir mieux lire entre les lignes pour en apprécier les subtilités…

 Mireille Davidovici

Spectacle vu le 14 juillet à la Chartreuse de Villeneuve-Lès-Avignon ( Gard).

Du 30 juillet au 14 août, Iranshahr Theatre, Téhéran (Iran). Du 6 au 8 septembre, La Bâtie, Festival de Genève (Suisse). Les  26 et 27 septembre, Künstlerhaus Mousonturm, Francfort (Allemagne). Du 22 au 24 novembre, Théâtre national de Bretagne, Rennes ; les 28 et 29 novembre, de Singel, Anvers (Belgique). Les  11 et 12 janvier, Festival Les Vagamondes, Thann. Les 16 et 17 janvier, Kaserne, Bâle (Suisse)  et les 19 et 20 janvier, Théâtre populaire romand, La Chaux-de-Fonds (Suisse).

 

 

Pas Pleurer de Lydie Salvayre, adaptation et mise en scène de Denis Laujol

Pas Pleurer de Lydie Salvayre, adaptation et mise en scène de Denis Laujol

8B3B0F07-85D1-44E8-8C84-AFB46093332E  C’est l’histoire de la mère de l’auteure, Montserrat  (Montse), plongée  à quinze ans dans la guerre civile espagnole, à l’été 1936. Nonagénaire à présent, victime de troubles de mémoire, elle a oublié sa vie, sauf cette courte période où un vent de liberté a soufflé sur elle. Elle a vécu une aventure collective politique avec  l’invention de la révolution sociale et autogestionnaire, faite par des anarcho-syndicalistes engagés, issus des villes et des campagnes. Ils brandissaient le drapeau d’une Espagne en rouge et noir, mouvement dont se réclame le frère aîné de Montse et ses amis, la plupart travailleurs agricoles.

 Le spectacle s’articule à partir de deux voix entrelacées, deux conscience parallèles.  Celle révoltée, de Georges Bernanos, témoin direct de cette guerre civile; il dénonce la terreur exercée par les Nationaux, avec la bénédiction de l’Eglise, contre les « mauvais pauvres». Son pamphlet Les Grands Cimetières sous la lune (1938) heurtera même son propre camp, la droite catholique française et européenne. Sur l’île de Majorque, il a assisté, horrifié, aux massacres de paysans républicains par les Franquistes dont la violence répressive est notoire. La voix off suggestive d’Alexandre Trocki prend en charge la parole mélancolique de Georges Bernanos et sur le mur au lointain, s’animent en fondus-enchaînés les images-vidéo de Lionel Ravira, un film de tableaux conçus par Olivier Wiame, lui-même inspiré par les maîtres de la peinture catalane, Tàpies et Miro, pour s’en éloigner ensuite.

Il y a aussi la voix et le corps de Montse, interprétée par l’enthousiaste et malicieuse Marie-Aurore d’Awans, prix 2017 de la Critique du meilleur espoir féminin pour Pas pleurer, au Théâtre de Poche de Bruxelles. Dans une langue savoureuse et expressive, le fragnol, mélange de français et d’espagnol parlé par la mère de l’auteure, réfugiée en France depuis des années.

 La comédienne, catalane d’origine, parle le français, l’espagnol et le catalan. Energie, fougue, humour et idéalisme, elle est cette jeune paysanne, silencieuse qui prend de l’assurance, et qui finira par rejoindre Barcelone et son rêve politique. Elle quitte donc sa campagne pour cette ville révolutionnaire, et est toute étonnée quand elle voit des femmes qui ne sont pas prostituées, vêtues d’un pantalon et fumant dans la rue…

 L’actrice joue la fille mais aussi sa mère, à qui elle offre des anisettes, laquelle est heureuse de narrer les éblouissements de sa vie : «J’écoute ma mère et je me demande… Ses rêves se sont-ils dissous (sont-ils tombés au fond d’elle-même comme ces particules qui se déposent au fond d’un verre ?) Ou bien un feu-follet brûle-t-il encore au fond de son vieux cœur, comme il me plaît infiniment de le croire ? Les braises encore tièdes de ce mois d’août 36 où l’argent fut brûlé comme on brûle l’ordure… »

 Rêve d’une société égalitaire où l’argent-roi est déchu, comme un tyran abusif. La foi en un monde meilleur déclenche une énergie vitale chez la mère. La comédienne, reprend avec rage et talent les leitmotivs de Malena Sardi, à la guitare et à l’archet.

Un beau spectacle théâtral et musical où l’artiste déclame,  d’un personnage à l’autre,  et des années de la Guerre d’Espagne aux nôtres, strictement contemporaines, le récit d’un cycle qui laisse se dessiner des lendemains qui chantent…

 Véronique Hotte

 Théâtre des Doms, 1 bis rue des Escaliers Sainte-Anne, Avignon, jusqu’au 26 juillet, à 14h30. T. : 04 90 14 07 99

 Le texte est édité aux éditions du Seuil/Points. 

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