Summerless, texte et mise en scène d’Amir Reza Koohestani, (en persan, surtitré en français)
Festival d’Avignon
Summerless, texte et mise en scène d’Amir Reza Koohestani, (en persan surtitré en français)
Après Timeloss, au Théâtre de la Bastille à Paris en 2014, que nous avions beaucoup apprécié, et Hearing, moins convaincant (voir Le Théâtre du Blog), cette création du metteur en scène iranien situe l’action comme dans son précédent spectacle, dans une école mais cette fois une école primaire privée.
Un tourniquet trône au milieu de la cour. Sur les murs, des dessins colorés d’enfants défilent… Un artiste peintre également professeur de dessin, recouvre d’une vaste fresque, les slogans célébrant les martyrs de la dernière guerre. Il a été engagé par sa femme, la surveillante générale, qu’il vient de quitter pour d’obscures raisons .
Une mère d’élève vient chaque jour chercher Tobi, sa fillette de sept ans, à la sortie des cours et se comporte en inquisitrice. Un chassé-croisé s’instaure entre les trois personnages : crise de couple, reproches voilés de la mère sur un enseignement coûteux mais médiocre. Insidieusement, on questionne la présence de l’homme dans cette école de filles. Et il apparaît que la petite Tobi s’est entichée de son professeur de dessin, jusqu’à fuguer pour le retrouver. On apprend aussi que la femme du peintre est enceinte, et que l’école, située dans une zone commerciale, va être vendue…
Au fil des mois, de la rentrée de septembre au printemps, les dessous de cette étrange histoire se dévoilent à l’instar de cette fresque dont le peintre n’arrive pas à couvrir les inscriptions sous-jacentes. L’action scénique est relayée par les images des personnages filmés en direct, qui viennent se superposer à la peinture qui se délite.
Pour finir, l’image de la fillette apparaît sur l’écran, et elle vient dialoguer avec le couple d’enseignants, sa voix transitant par le corps de sa mère… Regard d’une enfant, sur ce monde d’adulte…
Le titre : Summerless (Privé d’été) renvoie à l’obligation des écoles de rester ouvertes pendant les vacances estivales pour récolter des fonds et permettre aux maîtres d’arrondir leurs faibles revenus. L’auteur vise aussi le désengagement de l’Etat vis-à-vis du système scolaire, alors que la Constitution proclame la gratuité de l’enseignement. Mais Amir Reza Koohestani ne parle jamais politique dans son travail. Il préfère emprunter la voix métaphorique chère à la poésie persane, et aborder les questions de société par l’intime. Ici, l’échec du système va de pair avec les fiascos individuels et le pourrissement des relations. Il n’y a pas de traitement psychologique des personnages, des types sociaux pris dans l’engrenage d’une intrigue qui leur échappe. D’où une certaine dureté dans le jeu de Mona Ahmadi, Saeid Changizian et Leyli Rashidi.
Amir Reza Koohestani a créé le Mehr Theatre Group à Téhéran et, de création en création, il a su imposer son style, rompant avec le naturalisme de la tradition théâtrale iranienne. Dans Summerless, déroutant et parfois un peu bavard, il ose aborder avec tact des questions délicates, mais il faudrait sans doute pouvoir mieux lire entre les lignes pour en apprécier les subtilités…
Mireille Davidovici
Spectacle vu le 14 juillet à la Chartreuse de Villeneuve-Lès-Avignon ( Gard).
Du 30 juillet au 14 août, Iranshahr Theatre, Téhéran (Iran). Du 6 au 8 septembre, La Bâtie, Festival de Genève (Suisse). Les 26 et 27 septembre, Künstlerhaus Mousonturm, Francfort (Allemagne). Du 22 au 24 novembre, Théâtre national de Bretagne, Rennes ; les 28 et 29 novembre, de Singel, Anvers (Belgique). Les 11 et 12 janvier, Festival Les Vagamondes, Thann. Les 16 et 17 janvier, Kaserne, Bâle (Suisse) et les 19 et 20 janvier, Théâtre populaire romand, La Chaux-de-Fonds (Suisse).