Rosa Luxemburg Kabarett, texte et mise en scène de Viviane Théophilidès
Rosa Luxemburg Kabarett, texte et mise en scène de Viviane Théophilidès
C’était il y a donc presque un siècle et elle demeure assez mal connue en France, cette Rosa Luxemburg, révolutionnaire allemande exemplaire Née polonaise elle avait fait des études en Suisse, devint allemande, et militante socialiste et membre de l’Internationale ouvrière socialiste. Cadre du Parti social-démocrate, Rosa Luxemburg travailla comme journaliste pour la presse socialiste, et comme traductrice (elle parlait yddish, polonais, russe, allemand et français) et donne des cours d’économie et d’histoire du socialisme. En 1904, elle est condamnée à trois mois de prison pour avoir critiqué l’empereur Guillaume II dans un discours et s’opposa aussi aux idées de Lénine sur une insurrection armée, préférant élever la conscience des ouvriers. Elle n’appréciait pas non plus sa conception d’une autorité centralisée.
Elle s’était vite estimée trahie par les sociaux-démocrates qui votèrent sans état d’âme les crédits de guerre en 1914, ce qu’elle dénonça vigoureusement. Avec Karl Liebknecht, elle fonda le mouvement spartakiste, marxiste et révolutionnaire. Mais deux semaines après, en janvier 1919, elle fut assassinée par les Corps francs qui ressemblaient déjà aux futurs nazis. Voilà résumée à grands traits, ce que fut la vie de cette jeune femme d’une rare intelligence qui consacra sa vie à la révolution. La ligue Spartakiste voulait une radicalisation de la révolution et l’accès au pouvoir des conseils d’ouvriers et de soldats créés en 1918 dans toute l’Allemagne. Et que la révolution s’étende à toute l’Europe, avec le soutien des soviets…
Et Viviane Théophilidès, pour essayer de raconter les moments forts de cette très riche aventure humaine et politique qui nous concerne encore, a réuni les discours de Rosa Luxemburg, ici bien interprétée par Sophie de la Rochefoucauld, des petites scènes avec elle et Bernard Vergne, mais aussi des mélodies yiddish, tziganes ou allemandes magnifiquement chantées par Anna Kupfer, accompagnée au piano-synthé par Géraldine Agostini. Sur le plateau nu, un portant avec des costumes, quelques chaises. C’est tout et c’est bien suffisant. Il y a dans ces textes forts, déjà la lutte contre les nationalismes qui menacent aujourd’hui une partie de l’Europe, mais aussi contre toutes les formes de capitalisme et d’exploitation de l’homme par l’homme. Décidément, l’histoire bégaie en ces temps de président des riches… Le spectacle, le jour de la première, manquait encore de rythme et d’unité : les extraits de discours auxquels mieux valait déjà être initié si on ne voulait pas s’y perdre étaient trop longs, et il y aurait eu sûrement des coupes à faire. La pensée de Rosa Luxemburg, souvent complexe, ne fait pas en effet toujours bon ménage avec une construction scénique qui doit, elle, aller à l’essentiel mais il y a des moments d’une grande beauté surtout quand chante Anna Kupfer. Depuis Viviane Théophilidès a sûrement revu la forme de ce spectacle qui a dû prendre son envol. Il le mérite car il est bien mis en scène et a d’excellents interprètes. Et c’est une bonne occasion de mieux connaître cette femme exceptionnelle que fut Rosa Luxemburg.
En Avignon, le temps est chichement compté quand on veut voir un certain nombre de réalisations, et nous n’avons pas eu le temps d’y retourner pour voir comment il avait évolué. Notre ami Julien Barsan encore sur place vous en dira quelques mots…
Philippe du Vignal
Théâtre des Carmes André Benedetto 6, place des Carmes, Avignon, jusqu’au 25 juillet, à 16 h 25. T. : 04 90 82 20 47