Saison sèche, conception et dramaturgie de Phia Ménard et Jean-Luc Beaujault

 

 © Christophe Raynaud de Lage

© Christophe Raynaud de Lage

Festival d’Avignon :

Saison sèche, conception et dramaturgie de Phia Ménard et Jean-Luc Beaujault

Surprenante Phia Ménard (ex-Philippe Ménard) qui, une fois de plus, nous entraîne dans un univers en mutation. Après la glace fondue en eau (Belles d’hier) le vent (Foehn), la mer et le feu (Les Os noirs), c’est sur les corps qu’ici les transformations s’opèrent, en interaction avec le décor, comme à son habitude. A l’avant-scène, elle lance, avant de s’éclipser, un provocant et énigmatique : «Je te claque la chatte!»,  expression d’admiration mais à connotation sexiste ! `

Car de sexe, il est question, mais pas que féminin, dans ce spectacle qui explore le genre en trois mouvements (soumission naissance, combat) avec prologue et  épilogue. Sur la scène immaculée et sous un plafond trop bas pour s’y tenir debout, et symbolisant l’enfermement, sept femmes attendent, immobiles, en position gynécologique. Dans cette boîte, et sous l’éclairage fluo d’un salle d’hôpital, elles semblent relever d’une opération dans leur chemise de nuit blanche. Le plafond tantôt étouffant, tantôt relevé pour laisser libre cours à leur éveil, monte et descend au gré des trois tableaux composant la pièce.

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© Christophe Raynaud de Lage

 

«  Je vous convie à un rituel mettant en scène sept femmes à qui je demande de détruire la maison du patriarche », dit la metteuse en scène. Ce que vont faire les interprètes qu’on retrouve, après un noir sec,  nues, se grimant et se peinturlurant le visage, les seins et l’entrejambe,  avant de mener une ronde endiablée et joyeuse: un gai sabbat masturbatoire…

Une sorte de danse tribale dévergondée, qui tranche avec le tableau suivant où elles se déguisent en hommes,  empruntant à la gente masculine diverses panoplies, du chasseur en tenue kaki, au sportif en survêtement, en passant par l’homme d’affaires grisonnant en costume-cravate ou le mondain en smoking. Forçant le trait du machisme, elles défilent, raides et guerrières, sur un rythme militaire, jusqu’à la nausée…

La musique et les sons d’Ivan Roussel accompagnent discrètement mais  avec efficacité le spectacle. « Il me faut parler d’une plaie que l’affaire Weinstein a réveillée, dit Phia Ménard, le patriarcat et l’impact de ce pouvoir oppressif sur les femmes et donc sur l’humanité en général. ». Elle le fait en tournant ce pouvoir en dérision, puis en organisant sa chute symbolique : petit à petit, le décor prend l’eau et grâce à toute une machinerie sophistiquée, les murs se gondolent et une boue noire s’écoule sur le sol immaculé… La norme contraignante de ces murs-prison n’était donc qu’une construction dérisoire, un tigre en papier !

 Empruntant à la danse, aux arts plastiques, au théâtre, et s’inspirant ici du film de Jean Rouch, Les Maîtres fous, tourné au Ghana (1955) , montrant une danse rituelle de la secte religieuse des Haukas, Phia Ménard entraîne le public dans ses combats contre les diktats du patriarcat, revendiquant  des identités libres. Elle sait frapper les esprits avec des images fortes qui resteront dans la mémoire. «Je revendique, dit-elle, un théâtre de chair et de mythe où l’acteur, l’actrice prêtent leur corps au regardant, pour lui permettre  non seulement de sentir l’acte mais d’écouter un discours. »

Ce spectacle sans paroles en dit long. Fait d’images, de cris et colères, il pourra en choquer certains. Mais rondement mené en une heure trente, il atteint l’objectif que s’est fixé l’artiste: «Dans une forme onirique où l’identité est un jeu de masques, nous éclairer sur le factice et l’usurpation d’un pouvoir».

Mireille Davidovici

Jusqu’au 24 juillet, à Vedène (Vaucluse) à 18h : ATTENTION: départ de la navette à la gare routière d’Avignon (près de la gare S.N.C.F) à 17h.

Le 29 novembre, Bonlieu-Scène nationale d’Annecy .
Du 10 au 13 janvier, MC93 Bobigny ; les 17 et 18 janvier, Scène nationale d’Orléans .
Le 5 février, Tandem Douai Arras ; les 13 et 14 février, Comédie de Valence .
Du 28 févier au 2 mars, Théâtre de la Criée,  Marseille .
Le 7  mars, Théâtre des Quatre saisons, Gradignan; les 13 et 14 mars, Grand T à Nantes . Du 20 au 29 mars, Théâtre National de Bretagne, Rennes .
Le 4 mai, La Filature, Mulhouse.
 

 

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