Antigone de Sophocle, traduction de Florence Dupont, mise en scène d’Olivier Py et Enzo Verdet

 

Antigone de Sophocle, traduction de Florence Dupont, mise en scène d’Olivier Py et Enzo Verdet, avec les détenus du Centre pénitentiaire d’Avignon-Le Pontet

 

©Christophe Raynaud de Lage / Hans Lucas

©Christophe Raynaud de Lage / Hans Lucas

« Tes lois sont sans valeur face aux traditions», lance Antigone à Créon. Des mots sonnent de manière particulière, quand ils sont incarnés par un homme devant ses codétenus. La tragédie, ramassée ici en cinquante minutes,  concentre le débat autour des questions de la justice humaine, imposée par Créon, un tyran aveuglé par son autoritarisme.  « Même si mes lois ne sont pas justes, dit-il, Il faut que je défende la société et l’ordre établi sans me laisser diriger par une femme … ».

 Comme Prométhée et Hamlet, deux précédents spectacles d’Olivier Py, le maître d’œuvre de ce projet,  Antigone est né en prison: «  Il y a deux ans, dit-il, que nous travaillons et jouons Antigone d’abord au Centre pénitentiaire, et maintenant au Festival. En prison, il y a ceux qui partent. La troupe varie donc. » Aujourd’hui, ils sont sept acteurs de l’atelier-théâtre que dirige depuis 2004 Olivier Py avec Enzo Verdet: Gryne, Jacques, Jean-Michel, Mourad, Paul Andria, Pierrick, Redwane et Youcef.

 La violence de cette tragédie réduite a minima, apparaît dans sa brutalité. Pour tout décor, la photo d’un vaste champ de ruines derrière un praticable carré, celui de Pur Présent (voir (Le Théâtre du Blog) autour duquel le public est installé. Sans accessoires, les acteurs ont pour seul appui, la traduction dépouillée et tranchante de Florence Dupont. Avec un jeu clair et franc. Sans temps psychologique. Ils s’envoient les répliques à bout portant.

Créon apparaît, nerveux et rigide, en costume noir. Antigone va l’affronter. Un duel dont elle sortira victorieuse, par-delà de la mort. Deux gestes lui suffisent pour figurer l’ensevelissement du corps de Polynice laissé  lui, « sans sépulture, son cadavre livré aux oiseaux et aux chiens », par décret de Créon. Son frère Etéocle sera mis au tombeau selon les rites funéraires dû à un guerrier.  Même simplicité dans la scène où Ismène refuse d’aider sa sœur : « Si nous transgressons la loi, nous mourrons ».  Et elle la traite de « pauvre fille ! ».
Une  situation vite campée avec un dialogue tendu : « -Antigone : Nous héritons ensemble des malheurs et des crimes d’Œdipe,  notre père. Nous sommes maudites toi et moi. Ce à quoi, Ismène lui répond : « Nos deux frères se sont entretués. » Parfois le Chœur-des voix parmi le public -intervient, hors champ. Surgissent aussi de la salle, le Messager, Tirésias, et le fils de Créon, fiancé à Antigone qui la suivra dans la tombe : pour mourir, on le voit simplement descendre du plateau et se coucher à ses côtés.

D’une rare efficacité, les mots émouvants de Sophocle s’entendent dans toute leur actualité devant la ville dévastée qui domine la scène. Et, malgré la dureté de la pièce, la poésie n’est pas loin comme dans la belle adresse de Tirésias à Créon : «Cette ville est malade à cause de toi. (…) Les oiseaux ne croassent plus les messages des Dieux, parce que leur bec dégouline de chair et de graisse humaine. (…) Oeil pour œil mort. Tu as fait descendre sous terre une fille qui appartient à la lumière. » On pense alors aux tyrans d’aujourd’hui, sourds aux  intérêts de leur peuple, enfermés dans leur superbe…

 Pour Olivier Py,  il est essentiel de travailler de grands textes : «Ce lien avec de grands textes- qui peut paraître aride-structure le quotidien de ces prisonniers qui doit donc absolument croiser une nécessité : les questions qu’ils se posent ou qu’ils veulent poser à la société. (…) Ils ont été frappés par cette Antigone qui pense que la dignité humaine est au-dessus du jugement social. (…) En prison, les détenus parlent beaucoup de cette double peine. Ils acceptent la perte de liberté mais pas celle de leur dignité. (….)  Les acteurs ont profondément compris qu’il y a dans Antigone, l’idée qu’un homme reste un homme, quoiqu’il ait fait.»

 Et nous partageons volontiers les questions de ces prisonniers sur la justice et les lois,  jusqu’à nous demander si l’injustice sociale ne serait pas la vraie coupable ? Joué dans un nouveau lieu hors les remparts, à deux pas de la porte Saint-Lazare, ce spectacle a rencontré un public chaleureux, saluant autant les acteurs que l’initiative. A en croire Olivier Py: « C’est un exploit juridique et administratif de pouvoir présenter cet atelier. » « Les représentations d’Antigone, précise le programme du festival sont conditionnées, aux autorisations de sortie délivrées quelques jours avant, par l’autorité judiciaire. »

 Mireille Davidovici

 Le spectacle a été joué  du 18 au 20 juillet, à la Scierie, 15 boulevard Saint-Lazare, Avignon.


Archive pour 23 juillet, 2018

In Vino Delyr, de et par Bruno Duchâteau et Sylvie Marin, mise en scène de Luc Chareyron

Festival d’Avignon :

 In Vino Delyr, de et par Bruno Duchâteau et Sylvie Marin, mise en scène de Luc Chareyron

Plus que des chansons à boire : des chansons à déguster, à savourer, et parfois à jeter par dessus l’épaule pour faire place à la prochaine. Des airs connus ou réveillés de l’oubli, dont les paroles ont été parfois réécrites pour la bonne cause : celle des femmes et du vin.

Pas seulement une affaire d’hommes : Sylvie Marin a plus que son mot à dire sur la question : elle a son chant, presque vinaigré dans certaines chansons satiriques, profond et limpide comme un vieux Bourgogne, veloutée comme un bon Bordeaux quand elle emprunte au répertoire de l’opéra, à commencer par le célèbre Libiamo de La Traviata, ou prend une lampée de Gounod, de Bizet ou Villa-Lobos.

Mais les chansons emmènent le plus souvent sa voix du côté d’un champagne rosé ou doré. nuancé et délicat. Sa présence sur scène est de la même couleur et de la même finesse. Pour tout dire, elle est délicieuse.  Bruno Duchâteau la soutient, lui renvoie la balle, la contredit, et  empêche, avec humour, qu’elle ne devienne une impressionnante diva. Pas de risque, avec cette bohémienne dansante.

On l’aura compris, chanter l’amour et le vin ne demande pas une structure dramaturgique en acier trempé. Les enchaînements se font au gré du vin et de la litanie infinie de ses saints patrons : passons sur Emilion, et n’oublions pas Pourçain ou Chinian : quels parents actuels oseraient donner ces prénoms? Nous aurons ici l’occasion de rencontrer plus simplement Joseph, Louis (de Touraine), Nicolas (à condition qu’il soit de Bourgueil), Georges, des Nuits et le plus populaire : Saint-Amour. Pas de grande cause à soutenir avec ce In vino Delyr : uniquement celle du plaisir, délicat et drôle. C’est déjà beaucoup et les viticulteurs de la région participent au cadeau.

Christine Friedel

Atypik théâtre, jusqu’au 28 juillet à 16h50, 95 rue Bonneterie-T.04 86 34 27 27.

Bruno Duchâteau et Sylvie Marin donnent aussi des concerts à domicile. T. : 06 68 40 50 01.

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Le Petit Chaperon Uf de Jean-Claude Grumberg, mise en scène d’Axel Gopfer

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Nous n’irons pas à Avignon Gare au Théâtre: 

Le Petit Chaperon Uf de Jean-Claude Grumberg, mise en scène d’Axel Gopfer

Devant une cahute à porte rouge mal ficelée, un loup plocier surgit. C’est Wolf qui va arrêter le petit Chaperon Rouge en exigeant des documents pour la laisser passer. Il la menace avec un revolver, empoche sa carte, lui arrache son capuchon rouge et veut lui en faire porter un jaune tout sale. Il lui apprend la triste vérité : elle est Uf et, comme pour tous les Ufs petits et grands, tout ou presque lui est interdit. Jean-Claude Grumberg revisite ici avec humour le célèbre conte populaire.

Elle veut appeler la police, mais en vain. Il vide son sac, mange sa galette, lui interdit le beurre, il mange tout et s’endort. Petit Uf ne veut pas jouer avec Oncle Wolf. Elle avoue que le code pour réveiller Mère Grand, est:  « C’est du bon tabac ».

Wolf mange aussi sa marmelade de coings, et gagne la course pour arriver chez Mère Grand, se déguise en Chaperon Rouge, mais Mère Grand refuse d’ouvrir. Le Petit Chaperon Uf arrive démasquée  et veut raconter la véritable histoire. La police arrive et  enferme le Loup. Marina Romary et Quentin Cabocel s’affrontent dans une conclusion chantée. Avec Jean-Claude Grumberg, ce conte devient une parabole douce-amère sur l’intolérance, sous la forme d’une allègre comédie musicale. Il nous emmène vers une dénonciation du racisme où notre pays baigne en ces temps d’exclusion de toux ceux qui fuient la mort dans leur pays.

Edith Rappoport

Spectacle vu le 22 juillet, à Nous n’irons pas à Avignon, à Gare au Théâtre, Vitry-sur-Seine (Val de Marne). compagnie.intranquille@gmail.com

Certaines n’avaient jamais vu la mer de Julie Otsuka, mise en scène de Richard Brunel

 

Certaines n’avaient jamais vu la mer de Julie Otsuka, mise en scène de Richard Brunel

(C) Jean-Louis Fernandez

(C) Jean-Louis Fernandez

«Sur le bateau, nous étions presque toutes vierges. Nous avions de longs cheveux noirs, de larges pieds plats et nous n’étions pas très grandes. Certaines d’entre nous n’avaient mangé toute leur vie durant que du gruau de riz et leurs jambes étaient arquées, certaines n’avaient que quatorze ans et c’étaient encore des petites filles. D’autres venaient de la ville et portaient d’élégants vêtements, mais la plupart d’entre nous venaient de la campagne, et nous portions pour le voyage le même vieux kimono que nous avions toujours porté-hérité de nos sœurs, passé, rapiécé, et bien des fois reteint. »

Ainsi débute le roman de Julie Otsuka qui évoque le terrible sort de ces japonaises de la première moitié du XX ème siècle. En débarquant à San Francisco, elles pensaient avoir une vie meilleure mais elles ont très vite déchanté. D’autant que la deuxième guerre mondiale mettait en cruelle opposition les deux pays.
Richard Brunel, directeur de la Comédie de Valence,  a adapté ce roman, dans une mise en scène cinématographique. Il nous plonge dans cette réalité méconnue pendant deux  heures… avec quelques longueurs. Illustrée par des tableaux très visuels et des projections vidéo, les  témoignages se succèdent, repris par les comédiennes…
Nous comprenons vite que le sort de ces jeunes immigrés japonaises pleines d’illusion va leur être défavorable dès les années vingt. D’autant qu’en 1941, l’aviation japonaise va bombarder Pearl Harbor. Cette bascule de l’histoire sera un des prétextes à l’expulsion de toutes ces américano-japonaises…

Les comédiennes sont justes et crédibles et Richard Brunel a su rendre efficace ce théâtre-récit, grâce à une scénographie mouvante faite de praticables et châssis mobiles, encadrée par les vieilles pierres du Cloître des Carmes. Natalie Dessay, en bourgeoise américaine chrétienne prise de remords devant cette situation, clôt cette parenthèse de l’histoire peu glorieuse des Etats-Unis.

Un beau travail qui fait renaître la mémoire de ces femmes à qui le metteur en scène rend ainsi un bel hommage.

Jean Couturier.

Cloître des Carmes, Place des Carmes, Avignon, jusqu’au 24 juillet à 22 heures.      

 

Café Polisson, conception de Nathalie Joly, mise en scène Jacques Verzier

(C)Sophie Boeglin

(C)Sophie Boeglin

 

Café Polisson, conception de Nathalie Joly, mise en scène de Jacques Verzier

A propos de l’érotisme dans ce film contreversé, L’Empire des Sens de Nagisa Ōshima ( (1933-2013) Jean-Louis Bory disait: «Quand on baise sur du Mozart avec des lumières de Georges de La Tour, quand on fait des fellations sur des cantates de Bach, c’est érotique…» Il dénonce le  terme pornographie  réservé à l’époque aux classes sociales les moins aisées. Internet a changé tous ces repères, mais à la fin du XIX ème siècle, les chansons surtout véhiculaient le mieux l’érotisme. Café polisson n’a pas eu besoin de ce qualificatif pour connaître le succès depuis sa création  il y a deux ans ans à l’auditorium du musée d’Orsay,  pendant l’exposition Splendeurs et misères, images de la prostitution 1850-1910

Nathalie Joly dit et chante, entre autres : Yvette Guilbert, Aristide Bruant, Vincent Scotto… Elle nous transporte dans un cabaret parisien de la « Belle Époque », aidée par une danseuse, Bénédicte Charpiat, du pianiste Jean-Pierre Gesbert et de Marion Chiron au bandonéon. Tous dans de beaux costumes  signés Claire Risterucci. Et on peut voir sans doute inspirés par des tableaux de l’exposition, on voi un moment intime, ou un rendez-vous avec un verre d’absinthe, dite la fée verte…
Des chansons grivoises, drôles, parfois crues et souvent pathétiques, parlent d’un état de la société où la prostitution était partout dans Paris…  De la mondaine entretenue à la demi-mondaine des beaux-quartiers, de la professionnelle du trottoir à Pigalle ou à la Lorette à … Notre-Dame de Lorette. Ou bien encore de la maison close aux règles strictes (voir Guy de Maupassant) et codifées par la loi, à la jeune ouvrière au salaire de misère qui n’avait pas d’autre choix pour compléter un salaire de misère, et vivre un peu moins mal, et parfois assez bien.  Mais  comédiennes, chanteuses ou danseuses, modèles de peintres, avaient aussi discrètement quelques clients, c’est dire que la prostitution était au cœur des activités artistiques des grandes villes. Tout cela avec la bénédiction de l’Etat.

«A qui veut casquer, pour un prix modique, je promets de faire, et sans nul chiqué Un travail soigné, tiré du classique. Pour un prix modique, à qui veut casquer …» cette air populaire ouvre le bal d’une succession de chansons interprétées ici avec une grande justesse par ces artistes.
Un remarquable spectacle qui participe d’une étude sociologique des années 1900. A revoir ou à découvrir…
Jean Couturier

Espace Roseau, 8 rue Pétramale, Avignon, jusqu’au 29 juillet, à 18 h.

Tartiufas, Tartuffe, de Molière, mise en scène d’Oskaras Korsunovas

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Festival d’Avignon

Tartiufas, Tartuffe, de Molière, mise en scène d’Oskaras Korsunovas, (spectacle en lituanien surtitré en français)

 C’est bien la pièce de Molière qui est jouée ici : un coucou s’installe  dans un nid et mange la  famille de l’intérieur : fille, femme, fortune. Et il pousse l’oisillon dehors pour faire sa place, tout ça avec la bénédiction du père. Ou encore : l’histoire d’un mâle dominant (ou se croyant tel), Orgon qui se soumet à un autre mâle dominant, et l’invite chez lui : il paraît que ça arrive entre les lions de la savane….

Molière s’en prenait aux hypocrites qui se servent de la religion pour s’emparer de tous les pouvoirs et des jouissances qui vont avec. Oskaras Korsunovas lui, suggère que tous les  autres personnages sont aussi hypocrites que Tartuffe, et que le prétexte religieux n’ a plus de nécessité: il n’est plus question ici que de politique. Déjà vrai dans la pièce originale. Donc ici : une Elmire allumeuse, un Orgon plastronnant, Damis et Marianne en ados soumis mais affichant les insignes de la révolte, une Dorine peu efficace dans ses projets (l’instant de vérité sociale ?),  et une madame Pernelle d’autant plus retentissante que l’actrice souligne la brièveté de son rôle. Quant à Tartuffe, personnage principal, il galope le plus souvent dans le décor…  Amant du placard qui a eu juste le temps de faire une boule de ses vêtements. Tartuffe en farce, pourquoi pas ? Ici,  haute en couleurs, elle ne manque ni de fantaisie et d’insolence, ni d’un mauvais goût gaillardement assumé. Certains comédiens sont de merveilleux improvisateurs et nous cueillent au tournant : impossible de ne pas rire parfois, même si nous sommes déçus par le déroulement du  spectacle. Mais, mais, mais… Korsunovas, qui nous avait éblouis par son originalité (entre autres, avec son Roméo et Juliette en 2003), a succombé à la mode de suivre avec une caméra  vidéo les acteurs dans les coulisses, où du reste, ils trouvent une autre dimension, plus grave. Mais le procédé alourdit inutilement le spectacle, crée de fausses attentes mais…  de vraies longueurs ! Le public espère avec patience que la farce reprendra. Mais qu’est-ce qu’une farce perdant son rythme en route ?

Quant au propos politique, il apparaît sur l’écran, sous la forme de savoureux serrages de mains électoraux sur un marché, et avec sur fond de  liesse populaire tout à fait opportune, agitation de drapeaux tricolores. Tartuffe prend alors les allures d’un président de région en campagne perpétuelle, ou de certains autoproclamés leaders populistes. Mais cet aspect de son personnage est mal raccordé à tout ce qui s’est passé auparavant, à l’histoire de cette famille. Sinon peut-être sur le thème du manque total de scrupules, du mépris des autres et du sans-gêne supposés nécessaires pour prendre et de garder le pouvoir… Sans compter la double, triple, quadruple personnalité qui permet de retourner les scandales et d’échapper à tout.

Tout cela se passe dans un labyrinthe à la française en escaliers (seul hommage, avec un lustre à pendeloques, à Molière, serviteur de Louis XIV), où tout le monde cavale, mais dont les possibilités de cachettes ne sont guère utilisées. La fameuse table sous laquelle sa cache Orgon, un banc de plexiglas transparent, devient urne électorale : bon, mais cette image de “transparence“ n’est pas des plus légères…

 Par moments (points d’orgue ou points d’ironie ?), le metteur en scène utilise des lumières  stroboscopiques de boîte de nuit, mais aussi le plein jour,  avec  ouverture de portes extérieures. On ne lui reprochera pas cet opportunisme-c’est dans l’improvisation qu’il est le meilleur- mais la lourdeur du spectacle, oui. Il nous arrive assez de râler contre les adaptations lointaines des chefs-d’œuvre. Mais celui-ci aurait mérité, vu le talent particulier de Korsunovas, d’être bien plus bousculé ! Bref, on aura beau tourner l’affaire dans tous les sens et féliciter les acteurs, le spectacle ne fonctionne pas. Beaucoup de bruit et de travail pour nous montrer que la politique peut être une chose vulgaire et lourdingue ? Hélas, on le sait.  Pis : cette vision n’aurait-elle pas, en elle-même, quelque chose de populiste ? Et cette mise en scène dont on attendait beaucoup, reste entre deux chaises et… chute.

Christine Friedel

Spectacle présenté à l’Opéra Confluence, Avignon, du 17 au 21 juillet.

Convulsions d’Hakim Bah, mise en scène de Frédéric Fisbach

© Christophe Raynaud de Lage

© Christophe Raynaud de Lage

Festival d’Avignon :

 Convulsions d’Hakim Bah, mise en scène de Frédéric Fisbach

 La grande salle du Théâtre des Halles est pleine pour cette création de Frédéric Fisbach, un metteur en scène programmé aussi dans le In. Les six acteurs, à parité, vont jouer un épisode de la saga des Atrides,  celui où Atrée et Thyeste torturent à mort leur frère bâtard pour ne pas avoir à partager l’héritage avec lui.

La pièce commence par cet épisode ultra-violent, mis en distance par des narrateurs qui nous indiquent qui parle, parfois avec un léger décalage, comme un journaliste le commenterait en direct. Puis nous revenons  à la fiction imaginée Hakim Bah avec une visite du voisin, un fusil à la main, chez le couple Atrée/Érope. Il veut se venger d’Atrée qui couche avec sa femme.  Une scène cocasse grâce à Érope qui fait tout ce qu’elle peut pour meubler la conversation avec ce voisin qu’elle ne connaît pas et qui s’introduit chez elle avec un fusil. On sent aussi une différence de classe sociale entre eux. Plus tard, Atrée effectue les démarches pour émigrer aux Etats-Unis. Les test ADN révèleront leur lot de surprises …

L’écriture d’Hakim Bah précise, n’élude pas la violence des situations. Pour Frédéric Fisbach « il fait partie d’une génération d’auteurs qui insuffle une vitalité nouvelle et une urgence à prendre la parole sur les plateaux (…) Pour Convulsions, Hakim Bah s’est inspiré de Thyeste, la tragédie de Sénèque, (mise en scène par Thomas Jolly cette année dans La Cour d’Honneur, voir Le Théâtre du Blog). Il en fait un conte d’anticipation effrayant où on peut  avoir aux Etats-Unis, une « green card » par tirage au sort (…) La violence dans chaque scène, va jusqu’à l’épuisement, au bout de l’absurdité. »
La richesse de cette écriture c’est le talent avec lequel on glisse de la tragédie, au monde actuel sans qu’on ait l’impression d’une césure ou d’un lien artificiel.

Frédéric Fisbach a conçu une mise en scène où il souligne le dynamisme du texte et accroit son humour, et on rit souvent de cette histoire pourtant horrible. Il n’y a aucun effet superflu dans le jeu des acteurs, tous excellents qui sont parfois plusieurs à  interpréter un même rôle, chacun garde sa propre style, tout en restant le personnage.
L’adresse au public confère une couleur populaire au spectacle et un bon rythme. Il fait émerger de cette pièce, un plaisir un peu coupable chez le public qui se délecte en effet du sang, de la trahison et de la violence parce qu’elle nous est apportée avec humour et recul.

Un spectacle intelligent, au texte bien écrit et jubilatoire, comme la mise en scène. Décidément, les vieux mythes ont encore beaucoup à nous dire !

 Julien Barsan

 Théâtre des Halles, rue du Roi René, Avignon. T. : 04 32 76 24 51, à 19 h 30,  jusqu’au 29 juillet.

Théâtre Ouvert, Paris, du 18 janvier au 9 février T. : 01 42 55 74 40.

Ode to the attempt de Jan Martens et Ben et Luc de Mickaël Phelippeau

Festival d’Avignon:

Ode to the attempt de Jan Martens

 Après le Off,  les Hivernales accueillent un programme de danse qui réunit  deux propositions très différentes : d’abord Ode to the attempt, Otta pour les intimes, un solo du danseur et chorégraphe Jan Martens. Quand le public entre, il est à l’avant-scène, devant son ordinateur dont les informations ont projetées sur une toile en de plateau. Il fait défiler ses mails, la liste des invités programmateurs du soir (déclenchant quelques rires dans la salle) et même le budget de production du spectacle ! Il fait et montre aussi quelques selfies…

Le spectacle commence vraiment quand  il affiche une page blanche et y inscrit treize tentatives qui seront au menu du spectacle. La première « tentative » : vous rendre conscient de ce qui arrive, mais aussi pêle-mêle  celle d’être classique, minimaliste, d’être un interlude et une tentative de salut pour finir.

Depuis son petit bureau, Jan Martens commande tout (sons et lumières) et s’adresse directement à nous. Le spectacle pourrait être sponsorisé par la marque à la pomme :  c’est presque de la publicité pour les ordinateurs et leurs différentes applications ; dans une de ces tentatives, Jan Martens ira même jusqu’à danser devant les écrans de veille aléatoires que l’ordinateur propose  au rythme de la musique.
Une danse élégante, ample et fluide, avec beaucoup de mouvements circulaires des bras mais juste à quelques moments pendant cette demi-heure et ,chaque fois, avec une grande intensité… Et la musique classique de « son vieil ami Schubert » lui permettra de reprendre son souffle !

 Avec une démarche humble, cet artiste veut être proche du public et n’hésite pas à montrer qu’il doute. Normalement, il ne quitte pas le plateau après les saluts et discute avec ceux qui viennent le voir mais pas ici. puisque la seconde partie doit commencer.  Ce solo, agréable et drôle, ne se prend pas trop au sérieux, même s’il ne nous laisse qu’un sourire amusé.

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Ben et Luc

Après un rapide changement de plateau, place donc  à la proposition de Mickaël Phelippeau qui réunit deux danseurs burkinabés, Ben Salaah Cissé et Luc Sanou. Le spectacle commence avec un échauffement, chacun arrivant de son côté. On sent vite une complicité entre les interprètes qui se massent l’un l’autre, rient ensemble, chahutent…
 Tout le spectacle jouera sur cette douce ambiguïté…. La confrontation entre tradition et modernité est bien ici le fil rouge, pour ceux qui vont passer d’une danse traditionnelle peule ou burkinabé, à une pop africaine très actuelle accompagnée de gestes suggestifs.

Mickaël Phelippeau à conçu ce spectacle après avoir vu un duo  qu’ils présentaient à un festival à Ouagadougou. Il y était question de la place de la femme et le chorégraphe n’avait pas totalement pris conscience que présenter un duo de garçons porteurs de féminité et de sensualité aurait pu se révéler dangereux pour Ben et Luc qui eux s’en étaient rendu compte mais ont fait preuve de courage. Et Mickaël Phelippeau  les a engagés pour réaliser ce duo. Une danse puissante, et c’est un plaisir de les voir évoluer sur le plateau et de faire ensuite leur connaissance.

 L’adresse au public, la prise de parole des interprètes et le fait qu’ils envoient parfois eux-mêmes leurs extraits musicaux donnent à ce spectacle beaucoup de générosité. Les nombreux et longs silences perturbent un peu le rythme global du spectacle, dont parfois, on ne comprend pas toujours le sens mais on se laisse emporter. Comme souvent chez ce chorégraphe, nous avons devant nous des êtres qui dansent mais aussi qui parlent, qui sont eux-mêmes. Vraie merveille, ce surprenant spectacle continuera à travailler en nous un moment.

Un bémol : on comprend mal pourquoi le festival  a réunis ces spectacles si différents dans un même programme…

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 Julien Barsan

Les Hivernales C .D.C.N. d’Avignon, rue Guillaume Puy jusqu’au 24 juillet

 Ode to the attempt , le 31 juillet et 1er août, festival Paris l’Été, le 15 novembre au Manège de Reims, les 22 et 23 mars à Pôle Sud à Strasbourg, du 2 au 5 avril au Théâtre Garonne,  Toulouse et du 6 au 11 mai, au Théâtre des Abbesses à Paris.

 Ben & Luc,  le 6 octobre à L’Échangeur, CDCN des Hauts de France à Château-Thierry, le 11 octobre à la scène nationale 61 à Alençon ; le 13 octobre au Théâtre Louis Aragon de Tremblay-en-France ; le 5 avril, à l’Orange Bleue à Eaubonne ; les 6 et 7 avril à la Scène Nationale de Poitiers ; le 10 avril au Théâtre 95 de Cergy et le 16 avril au Théâtre Paul Éluard de Bezons.

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