Convulsions d’Hakim Bah, mise en scène de Frédéric Fisbach
Festival d’Avignon :
Convulsions d’Hakim Bah, mise en scène de Frédéric Fisbach
La grande salle du Théâtre des Halles est pleine pour cette création de Frédéric Fisbach, un metteur en scène programmé aussi dans le In. Les six acteurs, à parité, vont jouer un épisode de la saga des Atrides, celui où Atrée et Thyeste torturent à mort leur frère bâtard pour ne pas avoir à partager l’héritage avec lui.
La pièce commence par cet épisode ultra-violent, mis en distance par des narrateurs qui nous indiquent qui parle, parfois avec un léger décalage, comme un journaliste le commenterait en direct. Puis nous revenons à la fiction imaginée Hakim Bah avec une visite du voisin, un fusil à la main, chez le couple Atrée/Érope. Il veut se venger d’Atrée qui couche avec sa femme. Une scène cocasse grâce à Érope qui fait tout ce qu’elle peut pour meubler la conversation avec ce voisin qu’elle ne connaît pas et qui s’introduit chez elle avec un fusil. On sent aussi une différence de classe sociale entre eux. Plus tard, Atrée effectue les démarches pour émigrer aux Etats-Unis. Les test ADN révèleront leur lot de surprises …
L’écriture d’Hakim Bah précise, n’élude pas la violence des situations. Pour Frédéric Fisbach « il fait partie d’une génération d’auteurs qui insuffle une vitalité nouvelle et une urgence à prendre la parole sur les plateaux (…) Pour Convulsions, Hakim Bah s’est inspiré de Thyeste, la tragédie de Sénèque, (mise en scène par Thomas Jolly cette année dans La Cour d’Honneur, voir Le Théâtre du Blog). Il en fait un conte d’anticipation effrayant où on peut avoir aux Etats-Unis, une « green card » par tirage au sort (…) La violence dans chaque scène, va jusqu’à l’épuisement, au bout de l’absurdité. »
La richesse de cette écriture c’est le talent avec lequel on glisse de la tragédie, au monde actuel sans qu’on ait l’impression d’une césure ou d’un lien artificiel.
Frédéric Fisbach a conçu une mise en scène où il souligne le dynamisme du texte et accroit son humour, et on rit souvent de cette histoire pourtant horrible. Il n’y a aucun effet superflu dans le jeu des acteurs, tous excellents qui sont parfois plusieurs à interpréter un même rôle, chacun garde sa propre style, tout en restant le personnage.
L’adresse au public confère une couleur populaire au spectacle et un bon rythme. Il fait émerger de cette pièce, un plaisir un peu coupable chez le public qui se délecte en effet du sang, de la trahison et de la violence parce qu’elle nous est apportée avec humour et recul.
Un spectacle intelligent, au texte bien écrit et jubilatoire, comme la mise en scène. Décidément, les vieux mythes ont encore beaucoup à nous dire !
Julien Barsan
Théâtre des Halles, rue du Roi René, Avignon. T. : 04 32 76 24 51, à 19 h 30, jusqu’au 29 juillet.
Théâtre Ouvert, Paris, du 18 janvier au 9 février T. : 01 42 55 74 40.