Tartiufas, Tartuffe, de Molière, mise en scène d’Oskaras Korsunovas

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Festival d’Avignon

Tartiufas, Tartuffe, de Molière, mise en scène d’Oskaras Korsunovas, (spectacle en lituanien surtitré en français)

 C’est bien la pièce de Molière qui est jouée ici : un coucou s’installe  dans un nid et mange la  famille de l’intérieur : fille, femme, fortune. Et il pousse l’oisillon dehors pour faire sa place, tout ça avec la bénédiction du père. Ou encore : l’histoire d’un mâle dominant (ou se croyant tel), Orgon qui se soumet à un autre mâle dominant, et l’invite chez lui : il paraît que ça arrive entre les lions de la savane….

Molière s’en prenait aux hypocrites qui se servent de la religion pour s’emparer de tous les pouvoirs et des jouissances qui vont avec. Oskaras Korsunovas lui, suggère que tous les  autres personnages sont aussi hypocrites que Tartuffe, et que le prétexte religieux n’ a plus de nécessité: il n’est plus question ici que de politique. Déjà vrai dans la pièce originale. Donc ici : une Elmire allumeuse, un Orgon plastronnant, Damis et Marianne en ados soumis mais affichant les insignes de la révolte, une Dorine peu efficace dans ses projets (l’instant de vérité sociale ?),  et une madame Pernelle d’autant plus retentissante que l’actrice souligne la brièveté de son rôle. Quant à Tartuffe, personnage principal, il galope le plus souvent dans le décor…  Amant du placard qui a eu juste le temps de faire une boule de ses vêtements. Tartuffe en farce, pourquoi pas ? Ici,  haute en couleurs, elle ne manque ni de fantaisie et d’insolence, ni d’un mauvais goût gaillardement assumé. Certains comédiens sont de merveilleux improvisateurs et nous cueillent au tournant : impossible de ne pas rire parfois, même si nous sommes déçus par le déroulement du  spectacle. Mais, mais, mais… Korsunovas, qui nous avait éblouis par son originalité (entre autres, avec son Roméo et Juliette en 2003), a succombé à la mode de suivre avec une caméra  vidéo les acteurs dans les coulisses, où du reste, ils trouvent une autre dimension, plus grave. Mais le procédé alourdit inutilement le spectacle, crée de fausses attentes mais…  de vraies longueurs ! Le public espère avec patience que la farce reprendra. Mais qu’est-ce qu’une farce perdant son rythme en route ?

Quant au propos politique, il apparaît sur l’écran, sous la forme de savoureux serrages de mains électoraux sur un marché, et avec sur fond de  liesse populaire tout à fait opportune, agitation de drapeaux tricolores. Tartuffe prend alors les allures d’un président de région en campagne perpétuelle, ou de certains autoproclamés leaders populistes. Mais cet aspect de son personnage est mal raccordé à tout ce qui s’est passé auparavant, à l’histoire de cette famille. Sinon peut-être sur le thème du manque total de scrupules, du mépris des autres et du sans-gêne supposés nécessaires pour prendre et de garder le pouvoir… Sans compter la double, triple, quadruple personnalité qui permet de retourner les scandales et d’échapper à tout.

Tout cela se passe dans un labyrinthe à la française en escaliers (seul hommage, avec un lustre à pendeloques, à Molière, serviteur de Louis XIV), où tout le monde cavale, mais dont les possibilités de cachettes ne sont guère utilisées. La fameuse table sous laquelle sa cache Orgon, un banc de plexiglas transparent, devient urne électorale : bon, mais cette image de “transparence“ n’est pas des plus légères…

 Par moments (points d’orgue ou points d’ironie ?), le metteur en scène utilise des lumières  stroboscopiques de boîte de nuit, mais aussi le plein jour,  avec  ouverture de portes extérieures. On ne lui reprochera pas cet opportunisme-c’est dans l’improvisation qu’il est le meilleur- mais la lourdeur du spectacle, oui. Il nous arrive assez de râler contre les adaptations lointaines des chefs-d’œuvre. Mais celui-ci aurait mérité, vu le talent particulier de Korsunovas, d’être bien plus bousculé ! Bref, on aura beau tourner l’affaire dans tous les sens et féliciter les acteurs, le spectacle ne fonctionne pas. Beaucoup de bruit et de travail pour nous montrer que la politique peut être une chose vulgaire et lourdingue ? Hélas, on le sait.  Pis : cette vision n’aurait-elle pas, en elle-même, quelque chose de populiste ? Et cette mise en scène dont on attendait beaucoup, reste entre deux chaises et… chute.

Christine Friedel

Spectacle présenté à l’Opéra Confluence, Avignon, du 17 au 21 juillet.

 

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