Poil à gratter, de et avec Adeline Piketty, mise en scène de Laurence Campet

Festival d’Avignon

Poil à gratter, de et avec Adeline Piketty, mise en scène de Laurence Campet

 

©Victor Tonelli-

©Victor Tonelli-

Ne pas se fier au titre : ça gratte, mais ça ne rigole pas, même si l’on sourit parfois de ce que dit d’elle-même, Chantalle, la clocharde. Elle gratte beaucoup plus profond. Ses premiers mots : «Je suis une femme», alors que nous avons devant nous, une silhouette indécise, épaissie par des couches de vêtements sombres, sans forme. Et ces premiers mots disent tout: sa force, sa vulnérabilité, l’injustice et la saloperie de l’ordre du monde.
De cet ordre,  Chantalle ne veut plus. Alors, elle s’est construit une bulle de crasse, de mauvaise odeur. Là, elle est protégée, intacte, là, elle trouve son identité. Là, est le sens de sa prophétie : demandez-vous ce qui pue vraiment dans cette société. Là, est sa révolte : faire triompher le désordre, parvenir au chaos.

Adeline Piketty est de ces actrices rares qui imposent d’emblée un présence forte et troublante, à condition d’avoir un rôle correspondant à sa trempe. Celui-là, elle se l’est écrit, en écoutant une personne qu’en général on écoute peu et devant qui l’on fait un grand détour. De cette femme qui fait baisser les yeux aux passants, la clocharde de la rue de la Roquette, elle a transcrit les paroles muettes, ou inaudibles. Et elle a entrevu ou imaginé des pans de vie où elle sort de son isolement : retrouvant ses réflexes d’ancien médecin pour secourir un bébé Rom, jouant à faire des grimaces avec une petite fille… Ce que l’on ressent ? Surtout sa solitude massive, fière. Cela donne un théâtre, bourré d’émotion retenue, avec une vitalité animale qui renvoie à la question de l’humanité.  Du solide, de l’implacable…

La mise en scène fait passer très simplement la comédienne, de l’incarnation au récit : d’un geste, d’un déplacement, elle s’adresse au public, et cela permet des respirations dans ce texte intense. Sans pathos, sans folklore urbain : le travelling est une question de morale, disait Jean-Luc Godard. La rigueur, la sobriété du costume et de la mise en scène, c’est du respect en actes. Voilà un texte rare et une grande comédienne : que demander de plus ?

Christine Friedel

Espace Alya, 14 h 30, jusqu’au 28 juillet. 31 bis rue Guillaume Puy, Avignon. T. : 04 90 27 38 23.

 

 


Archive pour 24 juillet, 2018

Shakespeare vient dîner, de William Shakespeare mise en scène d’Aude Denis et Thomas Gornet

 

Shakespeare vient dîner de William Shakespare, mise en scène d’Aude Denis et Thomas Gornet
 
©horric.comNous sommes chaleureusement invités à prendre place dans la salle, accompagnés par un homme et une femme élégants, tout vêtus de noir. Un invité se fait attendre, puis des coups de sonnette retentissent, ils se précipitent à la porte, mais cet invité-mystère ne vient pas… Shakespeare viendra-t-il dîner?

Quelques images s’échappent alors d’un vieux projecteur super 8 manipulé par le jeune homme, puis ce sont les murs d’une cuisine en stratifié comme dans les années 60 qui occupent l’écran de fond. A bien y regarder, on y découvre quelques anomalies, comme une poule qui picore le carrelage. On entend à la radio quelques vieilles réclames pour Cointreau, Alsa ou Aspro, pendant qu’une jeune femme prépare une recette à base de légumes. Un feuilleton commence sur les ondes,  et elle se prend à en suivre l’action, jusqu’à animer courgettes et brocolis pour qu’ils deviennent Démétrius, Hermia ou Titania du Songe d’une nuit d’été de Shakespeare ! A la fois drôle et très bien vu: le satyre est représenté par un couteau avec un manche en pied de chevreau, et la forêt prend vie avec une botte  de persil …

Lui débarrasse vite la table, pour en dresser une autre, celle d’un bistrot chic, pendant que la vidéo et la musique nous occupent.  La jeune fille lit Macbeth. Ici, la tragédie est suggérée par un steak de viande rouge avec épices et  du sang… Pour finir en apothéose, nous voilà transportés à la fin d’une  dans une noce avec gueule de bois des invités garantie et pièce montée dégoulinante. C’est bien sûr, Roméo et Juliette dans une salle des fêtes de village. Les protagonistes des deux familles ennemies sont représentées par des petits verres remplis de liquide bleu ou rose:  Montaigu ou Capulet.Là encore, les objets collent toujours bien à l’histoire. Grâce à la manipulation simple et efficace de Caroline Guyot, c’est drôle et la narration a toujours le dessus. Les  acteurs n’essayent jamais de nous en mettre plein la vue,  quitte à passer « par-dessus » l’histoire.

Un spectacle pour découvrir Shakespeare? Oui, mais mieux vaut surtout pour les plus jeunes, avoir déjà un peu avoir lu ces pièces, de façon ne pas être trop perdu dans les scénarios dont Caroline Guyot tire quelques épisodes pour que le spectacle dure une heure, temps imparti pour la représentation… La créatrice a rencontré récemment le théâtre d’objets avec des formateurs comme Christian Carrignon et Katy Deville du Théâtre de Cuisine, et Agnès Limbos, de Gare Centrale…Et elle y  fait une belle entrée avec ce spectacle qui vous apportera bien plus que les cinq fruits et légumes quotidiennement recommandés !
 
Julien Barsan
 
 Présence Pasteur, 13 rue du Pont Trouca, Avignon, jusqu’au 29 juillet à 19h. T. : 04 32 74 18 54

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