Story Water direction artistique, chorégraphie, scénographie et lumières d’Emanuel Gat.

180722_rdl_1026Festival d’Avignon :

Story Water direction artistique, chorégraphie, scénographie et lumières d’Emanuel Gat.

 Cette œuvre, présentée dans le cadre unique de la Cour d’honneur du Palais des Papes, témoigne de l’union de deux expressions artistiques : celle de l’Emanuel Gat Dance, et la musique de l’Ensemble Modern de Francfort. Dans un environnement blanc, du tapis de danse aux costumes, dix danseurs dialoguent avec les partitions de Pierre Boulez,  Rebecca Saunders  et Emanuel Gat, jouées par des musiciens installés à cour sur le plateau.

 Les vingt dernières minutes de la cinquième partie du spectacle, sont de loin les plus intéressantes et émouvantes. Des textes projetés sur le grand mur du Palais évoquent, chiffres à l’appui, la situation des habitants de la Bande de Gaza. Et  les six danseuses et quatre danseurs évoluent en un groupe harmonieux sur une musique inspirée d’airs traditionnels que le chorégraphe a créée avec l’Ensemble Modern de Francfort. Mais le spectacle,  d’une durée variable : environ une heure vingt, en fonction des improvisations, est peu lisible et déçoit. Et un décompte du temps, lui bien visible, s’affiche en chiffres rouges, sous une fenêtre du Palais !

  «Je cherche des interprètes qui ont la capacité d’assumer une part de responsabilité par rapport à l’œuvre, ce qui permet ensuite une part de liberté à l’intérieur de l’œuvre», dit Emanuel Gat. Directives appliquées à la lettre par ses danseurs. Au début de spectacle, réunis en deux groupes distincts, ils prennent l’un après l’autre l’initiative d’un mouvement et entraînent leur partenaire à leur donner la réplique.
Dans la deuxième partie, ils se regroupent en cercle et semblent repartir dans d’autres improvisations résolument contemporaines, et un violoncelliste se mêle à eux, assis sur le plateau, en retrait de l’orchestre. Emanuel Gat dit avoir effectué une mise en scène chorégraphique et musicale dans un même processus de travail.
Musiciens et danseurs sont tous remarquables mais le tout reste froid, sans cohérence ni émotion. Et chaque séquence sauf dans la dernière partie, semble s’éterniser et l’ennui gagne. On peut quand même espérer que ce spectacle, avec de vraies dissonances, musicales et chorégraphiques, puisse évoluer d’ici l’an prochain…

 Jean Couturier

Cour d’Honneur du Palais des Papes, Avignon, du 19 au 23 juillet.

En janvier 2019, Théâtre National de la Danse de Chaillot,Paris ( XVIème).

 


Archive pour 25 juillet, 2018

Arctique, mise en scène d’Anne-Cécile Vandalem

©Christophe Raynaud de Lage

©Christophe Raynaud de Lage

Festival d’Avignon:

Arctique mise en scène d’Anne-Cécile Vandalem

Rendez-vous en 2025 à bord de l’Artic Serenity, pour son dernier voyage: tractée par un remorqueur vers le Groenland,  l’épave renflouée sera transformée en hôtel de luxe. Saboté lors de son unique traversée par des écologistes de l’A.P.F. (Artic Protection Front) luttant contre l’exploitation des ressources naturelles du Groenland, le navire accueille des passagers clandestins, tous convoqués par lettre anonyme.
Leur identité va se dévoiler au fil de la pièce : l‘ancien commandant de bord qui se prend pour le capitaine Francklin, l’ex-première ministre du Groenland, un journaliste bien curieux, une bourgeoise effarouchée, veuve d’un membre du Consortium minier, une femme revêche entre deux âges, une jeune fille énigmatique. Sans compter les fantômes dont celui de la chanteuse et militante Mariane Thuring, morte lors du naufrage. Bientôt, le bateau, largué par le remorqueur, dérivera aux milieux des glaces arctiques… Vaisseau fantôme en proie à une malédiction.

Ces personnages mal appariés se révèleront tous concernés ou impliqués dans l’histoire de ce navire. Rassemblés  dans le luxueux salon, ils découvrent peu à peu la situation. Une bonne part de l’action se déroule hors-champ, filmée en direct  dans les coursives, la salle des machines, les cabines et le pont où ils circulent et s’affairent.  L’Arctic Serenity Band  -un pianiste, un guitariste et un batteur- intervient comme au cinéma, pour créer des ambiances à la David Lynch ou tel un orchestre d’hôtel, pour accompagner la chanson fétiche de feu Mariane Thuring, Serenity.

Des éclairages verts, bleus ou rouges, dilués dans une brume omniprésente donnent un côté  fantastique à cette intrigue politico-policière rondement menée, avec suspense et rebondissements jusqu’à la fin. Les comédiens habitent leur personnage en le composant assez légèrement pour rester crédibles. Mélanie Zucconi (Eleonor Ann Ormerod) force un peu sa voix et peut agacer, bien qu’elle joue une bourgeoise idiote; Epona Guillaume (Inka Thuring), par sa présence intrigante, garde tout le mystère de son identité, révélée lors du coup de théâtre final…

Dans un tempo parfait, cette création nous tient en haleine. La metteuse en scène cerne bien la situation paradoxale du Groenland à l’essor économique  fulgurant, et maintenant indépendant du Danemark… mais au prix d’une catastrophe humaine et écologique. «Situer l’action dans un passé relativement proche, dit la metteuse en scène, me permet d’alerter le spectateur sur les problèmes qu’embrasse le spectacle»,.

Elle a conçu Arctique après un voyage au Groenland, où elle voulait enquêter sur l’ouverture du mythique passage du Nord-Ouest, jusque là infranchissable, une bonne partie de l’année. Conséquence du réchauffement climatique, la fonte des glaces permet l’accès aux richesses du sous-sol, une aubaine pour les compagnies minières et pour certains Groenlandais, malgré la déportation de milliers d’autochtones. « Arctique, dit Anne-Cécile Vandalem, est l’histoire d’une vengeance : celle de la Nature sur un monde dérivant et sur la corruption profonde des êtres humains. Cette Nature, représentée par les Inuit du Groenland et leur monde dévasté, se venge. » Une pièce visionnaire…

Mireille Davidovici

Spectacle joué du 18 au 24 juillet, à La Fabrica, Avignon.

Le 11 octobre, International Theatre Forum Minsk (Biélorussie).
Les 7 et 8 novembre Le Volcan, Le Havre ; du  21 au 24 novembre, Théâtre de Liège (Belgique) ; les 29 et 30 novembre, Espace Jean Legendre, Compiègne 
Du 8 au 11 janvier, Théâtre des Célestins, Lyon; du 16 janvier au 10 févier, Odéon-Théâtre de l’Europe, Paris.
Les 14 et 15 février, Comédie de Saint-Etienne.

Les Gravats, collectif de réalisation : Jean-Pierre Bodin, Alexandrine Brisson, Jean-Louis Hourdin et Clotilde Mollet

Festival d’Avignon:

Les Gravats, collectif de réalisation : Jean-Pierre Bodin, Alexandrine Brisson, Jean-Louis Hourdin et Clotilde Mollet

© DIDIER GOUDAL

© DIDIER GOUDAL

On ne dit pas “vieux“, ça n’est pas correct. On dit “seniors“, sortes d’ex-jeunes  qui ont beaucoup de temps libre et rient de toute leur prothèse dentaire dans des réclames pour toutes sortes de choses qu’on peut acheter pour rester un éternel ex-jeune. N’empêche, on reçoit un jour, et ça peut même arriver en plusieurs fois, un “coup de vieux“. De là, à penser à la mort, il n’y a qu’un mauvais pas. «L’homme libre ne pense à rien moins qu’à la mort », dit Spinoza, mort lui-même fort jeune.

Etant eux-mêmes aussi gens fort libres, Jean-Pierre Bodin, Alexandrine Brisson, Clotilde Mollet, Jean-Louis Hourdin et autres poètes n’ont pas besoin de nous faire la leçon. Pire, ils ont cherché et trouvé un grand nombre de titres, avant de s’arrêter aux Gravats. On rit trop pour s’en souvenir, et que, du coup (de vieux ?), on se met à son tour à carburer. Ex-jeunes, toujours-là ? Voilà du vrai « spectacle vivant » qui rend le public un peu plus vivant. Eux, ces trois-là et ceux qui ne sont pas sur le plateau, réussissent à mettre les objets eux-mêmes en liberté : voyez valser ces fauteuils-crapaud, roulez jeunesse ! Voyez ce lit “médicalisé“ avaler son usager, voyez l’attirail de l’homme orchestre –car la musique aussi est en liberté- décoré d’angelots-squelettes, assistez à l’extraction d’un os qui fait mal, écoutez les propos recueillis auprès de “vrais gens“, de vieux qui n’ont pas peur des vérités surprenantes !

Jean-Pierre Bodin et Clotilde Mollet illustrent chacun une décennie. On signale que Thierry Bosc, le doyen, remplace, presque au pied levé -oui, oui, c’est un sport pratiqué au théâtre-  son ami Jean-Louis Hourdin, excusé pour cause de soins médicaux. En voyant le spectacle, on a l’impression qu’il a été à l’origine du projet, et c’est une impression juste : il fait partie  de cette famille de théâtre, qui s’est illustrée, entre autres, à Hérisson, dans l’Allier, pas loin de Montluçon. Il a aussi en lui, toute l’histoire du Théâtre de l’Aquarium, et quelques autres aussi fraternelles et inventives. Ils se retrouvent donc  dans un collectif poétique, sans barrière autre qu’une éthique solide. Est-ce d’ailleurs une barrière ? Plutôt le socle de la liberté.

Mais revenons à nos moutons, qui ont décidé de ne pas l’être. Bon, on ne parlera pas des E.H.P.A.D. (Etablissement d’Hébergement pour Personnes Agées Dépendantes) où “le personnel » (façon des déshumaniser les jeunes femmes qui font ce travail) devrait coucher un vieille personne en sept minutes. À peine moins que le temps pour une femme de chambre d’hôtel de “faire“ la dite chambre. Dénoncer ? Du temps perdu…

 Jean-Pierre Bodin  et sa bande posent la question autrement, et répondent par l’affirmative : une vieille personne peut avoir la liberté d’être joyeuse, fantaisiste, si ça lui chante, ou triste selon la forme de son âme ; libre  aussi de désirer et le dire, comme tout être de parole, et susceptible de prendre du temps avec son corps qui se complique.  Les acteurs  prouvent le mouvement en marchant et pas dans les clous, en dansant.
Voilà un spectacle singulier, un bric-à-brac qui nous donne sans cesse à penser et à rire, avec des moments d’émotion tranquille et de respiration. Mais aussi avec des paroles qui rendent le spectateur intelligent et fraternel, et du temps pour se poser la question du temps et se rassurer… Eh ! Oui, inutile de courir après notre jeunesse, elle est en nous, dans notre mémoire. Et si d’aventure, on ne sait jamais, nous mourons, nous aurons vécu. Gloire au futur antérieur contenu dans notre présent. En attendant, comme il faut penser à tout, les acteurs nous distribuent à la fin, la très sérieuse Charte des droits du mourant. Avis à la population : défendez votre droit à voir ce spectacle singulier.

Christine Friedel

Fabrik’Théâtre,(théâtre permanent d’Avignon) à 11h, jusqu’au 29 juillet, 1 rue du Théâtre ( 10 route de Lyon) Avignon. T. : 04 90 86 47 81.

 

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