Un jour j’ai rêvé d’être toi de et avec Anaïs Muller et Bertand Poncet
Festival d’Avignon:
Un jour, j’ai rêvé d’être toi, de et avec Anaïs Muller et Bertand Poncet
Il y a d’abord un petit film en noir et blanc, à la Jean-Luc Godard où on se trouve en haut des arènes d’Arles. Puis entrent une jeune femme en robe élégante et un jeune homme en costume neutre blanc, boucles d’oreille, bagues aux doigts, et ongles vernis. Bert et Ange jouent à jouer, ou jouent à être, on ne sait pas exactement. Ils ont quelque chose d’intemporel, et on ne parvient pas à savoir dans quel espace-temps, ils évoluent. Bert aimerait être une femme, Ange joue l’homme. Aucun n’est à l’aise dans sa personnalité. Et on sent chez eux une certaine tristesse et un sentiment d’échec.
Devant nous, ils rejouent des scènes, s’interpellent et nous perdent, on ne sait plus si ils sont eux-mêmes ou leur personnage. Mais eux non plus, ne le savent peut-être plus très bien. Il y a entre eux une grande complicité, une belle affection que les coups de colère de l’un ou de l’autre n’entame pas. Cette comédie est porteuse de belles références Anaïs Muller se compare physiquement à Bernadette Lafont dans La Maman et la Putain, et on croise aussi le film Femmes Femmes de Paul Vecchiali.
Pour ces créateurs et interprètes, « Bert et Ange se complètent et s’assemblent, et se renvoient tel un miroir, l’image fantasmée d’eux-mêmes. C’est l’idée du double qui s’exprime selon nous, par l’angoisse de savoir qu’on est incapable d’établir son existence par soi-même, l’angoisse de ne pas faire partie du réel. Mais les personnages découvrent qu’il est vain de rêver à être un autre, qu’il faut arriver à s’accepter soi-même, tel que l’on est. Notre pièce, c’est l’enterrement des fantasmes qu’on aurait de soi et des autres. »
Quel plaisir d’être baladés et perdus par ces acteurs qui jouent une partition bien plus précise et intelligente qu’elle n’y paraît d’abord. Anaïs Muller et Bertrand Poncet arrivent à « bien mal jouer» ce qui est très difficile au théâtre. Au-delà du rire, ils installent une jolie mélancolie et un rapport avec le temps qui passe, très finement pensé. Voilà un ovni qui fait du bien dans la paysage traditionnel du festival !
Julien Barsan
Théâtre du Train Bleu, 40 rue Paul Saïn, Avignon, jusqu’au 29 juillet à 17 h 30 T. : 04 90 82 39 06.