Ovni(s), pièce originale d’Ivan Viripaev, mise en scène et jeu d’Alexandre Castellon, Sophie Catani…..

Ovni(s), pièce originale d’Ivan Viripaev, traduction de Tanias Moguileskaia et Gilles Morel, scénario poétique de Jérôme Game, musique de Chloé Thévenin, mise en scène et jeu d’Alexandre Castellon, Sophie Catani, Gérgoire Monsaigeon, Antoine Oppenheim, Michel Pas

 

©CHRISTOPHE RAYNAUD DE LAGE/HANS LUCAS

©CHRISTOPHE RAYNAUD DE LAGE/HANS LUCAS

Cela commence- très mal!- par la lecture d’une lettre de l’auteur et cinéaste russe où  il dit n’avoir pu trouver un producteur pour un scénario de films. On a tout e suite l’impression qu’on va nous proposer un produite de recyclage! Vous avez dit maladroit? Pour cette pièce constituée de témoignages de gens trouvés par Internet qui, dans le monde, racontent quelle a été leur relation et les circonstances de leur rencontre avec des extra-terrestres…

“Lorsque ce collectif a découvert cette pièce, dit la note d’intention, le désir d’associer Jérôme Game au projet s’est très vite imposé ( sic) afin de lui demander d’imaginer ce scenario et d’inventer ainsi un fil rouge narratif qui relierait ces monologues en les racontant comme un film. (…) C’est un scénario d’un genre nouveau que Jérôme Game a inventé, où il devient en quelque sorte le chef opérateur poétique de ces différents monologues”.
D’où un “cinéma mental où rien n’est montré, un cinéma purement théâtral car uniquement raconté, transformant la scène en plateau de tournage et en studio de montage virtuels.” ( sic)
Sur le plateau nu, des chaises, quelque tables de mixage, de très nombreux micros et réflecteurs comme dans un studio. Et on comprend très vite que l’on ne va pas échapper à une succession de monologues. “Travailler autour de la thématique des extras terrestres au théâtre permet d’interroger notre rapport à l’invisible, à l’occulte et au sacré aujourd’hui”?

Quelle prétention! Tous aux abris! Va donc suivre une heure et demi durant, un écoulement de textes d’une rare indigence. Et essayer de nous faire croire que “le dispositif, la musique et les récits permettent au spectateur une vraie liberté d’interprétation” relève au mieux, de la naïveté la plus absolue, et au pire, de l’escroquerie artistique. On vous laissera choisir. Bien entendu, au bout d’une dizaine de minutes, un ennui profond s’abat sur la salle.

On avait déjà eu un avant-goût de la production de Sophie Cattani et Antoine Oppenheim il y a deux ans avec Sophie et Antoine font leur cinéma. Qui ne nous avait pas vraiment convaincu  (voir Le Théâtre du blog) mais ce brouet prétentieux et sans intérêt sur les plan textuel et visuel dépasse l’entendement. Et on ne voit même pas ce qui pourrait en être sauvé.

Le public semblait anesthésié, surtout dans cette salle Benoît XII, mal climatisée et  à trois heures de l’après-midi… Et cette espèce d’ersatz de théâtre, a  été fraîchement- excusez le jeu de mots- accueilli par le public, ici, en général plutôt indulgent. Reste à savoir comment cet ovni à tous les sens du terme, a pu arriver jusqu’au festival d’Avignon, ce qui lui donne une bien mauvaise image de marque.

Olivier Py ferait bien de veiller davantage à la qualité de sa programmation. Et on se dit aussi que la DRAC et la Région Provence-Alpes-Côte d’Azur ne sont vraiment pas exigeantes, quand elles donnent des subventions à ce genre de projet qu’il suffisait de lire pour voir qu’il ne pourrait  pas tenir  la route une seconde. Heureusement, Ovni(s) n’aura été joué que cinq jours en Avignon, et le sera peu en France…

Philippe du Vignal

Théâtre Benoît XII, rue des Teinturiers, Avignon.
Théâtre Ouvert, Paris du 21 septembre au 13 octobre.
Théâtre d’Arles le 29 mars.


Archive pour juillet, 2018

La Reprise, Histoire(s) du théâtre texte et mis en scène de Milo Rau

 

La Reprise, Histoire(s) du théâtre texte et mis en scène de Milo Rau       

(C)AFP Boris Horvat

(C)AFP Boris Horvat

Le metteur en scène suisse nouveau directeur du NTGent, théâtre national belge de Gand, s’est documenté sur l’histoire sordide et tragique d’un crime homophobe survenu à Liège en 2012, grâce à un des acteurs, Sébastien Foucault qui a assisté à toutes les audiences du tribunal. Mais il a aussi travaillé avec Sarah de Bosschere et Johan Leysen, tous trois compagnons de longue date. «Tom Adjibi, acteur franco-béninois, a été recruté pour cette pièce, dit le metteur en scène. Et à la fin, presque par hasard, deux comédiens amateurs se sont joint à nous. » Ensemble, nous nous sommes posé un certain nombre de questions : Pourquoi faisons nous du théâtre ? Comment dans quel but ? Je me suis rendu compte que, pour ne pas tomber dans le piège des vérités autobiographiques, je devais m’appuyer sur autre chose, quelque chose d’objectif. »

 Et Milo Rau a décidé d’adopter avec ce qu’il a appelé Le Manifeste de Gand, soit des règles très concrètes, comme le nombre d’acteurs non professionnels dans un spectacle et les langues parlées sur scène, la proportion maximale de texte non écrits par lui, le volume du camion pour le transport du décor. «Pour briser de manière méthodique, l’espace hermétique du théâtre.» (…) Curieusement, les règles dans l’art ont généralement quelque chose de libérateur». Bref, ces contraintes, comme seuls des artistes peuvent s’en imposer, rappellent curieusement la règle des trois unités du XVII ème siècle chez nous.

Su le plateau noir, côté jardin, un bureau avec un tourne-disques et côté court, un autre avec de nombreux dossiers… Cela commence par une sorte de leçon de théâtre avec un monologue par le grand acteur Johan Leysen. Il dit, formidablement en anglais, les mots du fantôme du père d’Hamlet: «Un récit dont le moindre mot labourerait ton âme, glacerait ton jeune sang, ferait sortir de leurs sphères tes yeux comme deux étoiles. » Le ton est donné et Milo Rau n’a pas choisi cette scène par hasard dans cette pièce qui parle magnifiquement de l’art de l’acteur, du théâtre mais est aussi fondée sur un meurtre. Il se demande comment entrer en scène et quand, un acteur peut devenir un véritable personnage. Puis on parle un peu  théâtre et distribution de cette pièce, à l’occasion d’une audtion pour recruter les comédiens professionnels comme ces deux comédiens liégois amateurs, à la formidable présence: Fabien Lenders, maçon à Liège pendant treize ans, puis chômeur reconverti en magasinier, qui interprète un des assassins qu’il a rencontré en prison. Il s’aperçoit alors qu’ils ont eu tous les deux, à peu près le même parcours de vie. Suzy Cocco, elle, a une petite retraite, qu’elle complète, en gardant les chiens de maîtres en vacances. Elle joue la mère d’Ihsane Jarfi, la victime de cette tragédie qu’interprète Tom Adjibi, un comédien français d’origine béninoise qui a joué avec les frères Dardenne. Lui aussi recruté à cette occasion, met vite les choses à plat: «On me propose, toujours dit-il, de «jouer des origines, pas des personnages».  On demande aussi aux candidats  s’ils ont déjà joué nus, et s’ils ont déjà eu l’occasion de frapper quelqu’un en scène. Mais aussi ce qui les tente dans le théâtre. « Une liberté », dira magnifiquement Fabian Leenders. Et Tom Adjibi  lui,  citera Wouajdi Mouawad.

Puis en quelque soixante dix minutes, les comédiens, donc quatre professionnels et deux amateurs, vont nous faire revivre cette tragédie malheureusement trop banale qui, grâce au théâtre, prend valeur d’exemplarité de la bêtise humaine. Dont le premier titre: La Reprise, c’est à dire la répétition, reprend celui d’un essai de Søren Kierkegaard (1813-1855), et le second titre  pastiche les Histoire(s) du cinéma de Jean-Luc Godard. Deux références…

L’histoire s’est passée un soir de 2012, dans le centre de Liège qui, jadis ville industrielle florissante, a été dévastée par une très grave crise économique comme dans l’Est de la France à cause de la concurrence mondiale;  la production d’acier a chuté, et très vite les hauts-fourneaux se sont éteints. Chômage et perte de repères dans les banlieues de Liège sinistrées où des gens et leurs enfants qui n’avaient pour raison de vivre que leur travail. Avec des jeunes, sans argent, sans projet de vie, désemparés, tristes et parfois violents, quand la bière coule à flots le samedi soir…

L’aspect anodin des assassins qui furent condamnés aux Assises, à de très lourdes peines de prison, est frappant ! Des jeunes semblables à celui qui près d’un bar, est monté dans la petite voiture. Déjà bien alcoolisés, inconnus de lui, en quête de conquêtes féminines ils l’ont couvert d’insultes puis de coups très violents. Puis ils l’enferment, déjà défiguré, couvert de sang mais sans doute encore conscient dans le coffre de la voiture. Ils le jettent ensuite sur la route, le déshabillent entièrement  et continuent à le rouer de coups. Horrible ! Il agonisera sous la pluie,  seul sur une route en pleine forêt.

Sur le plateau on assiste à la fois à un direct des scènes reconstituées de façon trés réaliste: à la fois les mêmes et pas tout à fait les mêmes que celles qui ont été tournées. Et dont les images sont projetées sur grand écran au dessus de la scène. Cela peut choquer facilement.  Il y a de très beaux moments comme celui où les parents du jeune homme Johan Leysen et Suzy Cocco, tous deux nus, très angoissés, sont sans aucune nouvelle de leur fils, le soir de son anniversaire. Lui voudra savoir ensuite s’il était encore conscient quand, déjà agonisant, il a été jeté sur la route. Suivra une sorte de reconstitution du crime fascinante avec une petite voiture où les protagonistes sont filmés. Et on voit la plupart du temps en gros plan, le pauvre Ihsane Jarfi,  terrorisé et roué de coups, alors qu’un des criminels conduit impassible. Pas très nouveau ce décalage entre réalité et fiction, mais la vieille recette fonctionne encore après du public, surtout quand Milo Rau fait cela en virtuose… Et c’est assez impressionnant

Pourtant plusieurs choses ne sont pas tout à fait dans l’axe dans ce spectacle : d’abord ce théâtre dans le théâtre dont toutes les scènes européennes débordent comme ici, dans le in et dans le off. Et le recours systématique à l’image filmée. Que ce soit pour évoquer un cadre de vie comme ici avec des vues sinistres d’usines liégeoises en déshérence de gros plans de scènes filmés en direct depuis le plateau. Milo Rau le sait bien : cela fait plus de dix ans que nombre de metteurs en scène, y compris et surtout les Flamands  comme Ivo van Hove avec Tragédie romaines etc. (voir Le Théâtre du blog) recourent à ce qui est devenu un procédé assez facile et rarement justifié, même quand, encore une fois, il est appliqué comme ici avec une technique irréprochable.

Mais pourquoi ce constant aller et retour entre scène et écran, pourquoi ne pas avoir choisi de faire un film, façon et méthodes des frères Dardenne,  plusieurs fois cités dans cette pièce? Sur le plan de la représentation, Milau Rau a privilégié les vingt minutes de cette longue agonie de la victime mais… les véritables raisons de cette tragédie sont passées sous silence. La victime n’était ni au très bon endroit ni au bon moment, quand elle est monté ce soir-là dans la voiture. Mais très franchement, la référence à celle d’Œdipe-Roi de Sophocle est un peu facile, quand il y a une telle misère sociale et affective. Parler ici «d’imperméabilité  traumatique de la violence et d’indicibilité de la mort» ne nous a pas vraiment convaincu».

Reste un spectacle dont la direction d’acteurs comme les six interprètes à la parfaite unité de jeu sont fabuleux, et il faut tous les saluer car leur travail n’a pas dû être des plus faciles… Mais encore une fois, le résultat est décevant. Même quand Milo Rau pense que «nous racontons quelque chose pour comprendre le récit dans l’acte même, pour le surmonter. »

Philippe du Vignal

Gymnase du Lycée Aubanel, jusqu’au 14 juillet.

Et, du 22 septembre au 5 octobre, Théâtre des Amandiers à Nanterre  (Hauts-de-Seine). Du 9 au 11 janvier, au Lieu Unique, à Nantes.

 

Iphigénie, de Jean Racine, mise en scène de Chloé Dabert


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Iphigénie de Jean Racine, mise en scène de Chloé Dabert

 

Drôle d’histoire que celle d’Iphigénie:  Racine l’a bricolée en s’appuyant sur Stésichore, mais elle tient autant du conte que de la tragédie. En deux mots : selon l’oracle, le sacrifice d’Iphigénie, la fille aînée d’Agamemnon, le Roi des rois, libérerait les vents qui emmèneraient la flotte grecque guerroyer contre Troie. Agamemnon souffre, tergiverse et finit par obéir.

 Iphigénie souffre aussi mais, dès qu’elle a compris sa fonction, obéit avec une inquiétante loyauté. Clytemnestre souffre, défend sa fille à mort, et porte en germe le meurtre d’Agamemnon vainqueur. Achille, le fiancé d’Iphigénie, souffre dans son cœur et dans son amour-propre baptisé «gloire». Et Eriphile, sa captive, souffre, plus que tout autre, de sa naissance cachée et forcément royale et de son amour frustré pour Achille. On voit tout de suite ce qui apparente la pièce à un conte : cette gémellité des deux jeunes premières, la gentille et la méchante, l’une, héroïque et fade -que Racine nous pardonne- l’autre, violente et désespérée, sacrifiée de son vivant,  mais libre de sa mort.
 Il y a surtout ce dénouement moliéresque : la parole de l’oracle est toujours ambiguë, et c’est une autre Iphigénie, fille cachée de l’incorrigible Hélène et de ce « volage adorateur de mille objets divers « , ce Thésée (avant l’histoire avec Pâris) que réclamaient les vents ! Passons sur les justifications que donne Racine dans sa préface, insouciant : avec ce “miracle“ et la trouvaille d’une héroïne sombre, à côté de la vierge victime, il désamorce tout la trilogie d’Agamemnon et son enchaînement de vengeances, jusqu’à l’instauration du droit.

Chloé Dabert n’a pas choisi de représenter le conte mais la tragédie classique en costumes contemporains. Dans un camp militaire figuré par un mirador- où les acteurs grimpent de temps en temps sans raisons vraiment lisibles,  et fermé par des filets de camouflage malencontreusement chargés de paillettes (image du feu ?)… Cela suggère plutôt un incongru palais oriental où les femmes dérangent.
Racine laisse Agamemnon, ici plus commandant militaire que roi, se débrouiller avec elles. Yann Boudaud est très juste dans ce rôle de puissant désarçonné, déchiré entre sa tendresse (et fierté) paternelle et la transcendance du pouvoir, face à une Clytemnestre, excellente Servane Ducorps, décidément terrestre et ancrée dans la vie. Vision classique de la femme, psychologie “bourgeoise“ de Racine, au détriment du mythe… Sébastien Eveno, en Achille plus faible qu’héroïque, fomente déjà sa légendaire colère, entre soupirs et rébellion de jeune coq, plutôt de mauvaise humeur. Bénédicte Cerrutti a le beau rôle en Eriphile, rythmant avec vivacité, ses retournements opportunistes.

On a un peu de mal à croire à l’amour entre Iphigénie  et Achille mais Victoire Dubois porte son rôle de princesse avec la douce obstination de la foi en son père. La mise en scène ne va pas jusqu’à suggérer un fantasme incestueux, mais… C’est presque dommage, car on en reste à une psychologie bourgeoise, qui ne peut aller jusqu’à la tragédie.

Le personnage d’Ulysse, le pur politique, est l’emblème de ces choix de mise en scène et de direction d’acteurs: dire le vers, dans toute son exactitude et sa puissance, le laisser parler, rien de plus. Une approche sobre, loin des “adaptations“ dévastatrices fondées sur le principe qu’il il vaut mieux donner au spectateur le résidu de ce que l’on ressent de la pièce que la pièce elle-même. Ce sérieux a son revers : manque de choix, manque de radicalité. Ainsi, Arcas (Olivier Dupuy), secrétaire, homme à tout faire d’Agamemnon, est réduit à la fonction traditionnelle du confident, qui bat des bras, faute de trouver le moteur de son personnage. Et la gestuelle souvent imprécise, est entravée par un problème de mémoire du texte mais c’était une première… Un élément poétique : Arthur Verret, dans le rôle de Doris : un jeune camarade vaut bien une suivante.  

Ce travail inspire le respect mais on quitte la salle, en pensant qu’Iphigénie n’est pas une bonne pièce. Mauvais signe : si la metteuse en scène l’aimait vraiment, elle devrait nous communiquer cet amour. Et la traiter, avec plus de folie? Le dénouement ambigu, contradictoire : Iphigénie survit, Eriphile, une  autre Iphigénie, lui vole la vedette (et sa victime au prêtre) en se suicidant, et pourtant rien ne change. Il y a là, un début de piste qui pouvait, rétrospectivement, guider la mise en scène vers un mythe moderne. Chloé Dabert, nouvelle directrice de la Comédie de Reims, aura l’occasion d’affirmer ses choix. Qu’elle en profite, mais pour le moment, cette Iphigénie ne nous a pas convaincu…

Christine Friedel

Cloître des Carmes, Place des Carmes, jusqu’au 15 juillet, et diffusion sur Arte, le 14 juillet à 22h 30.

Du 18 au 22 février au T2G Gennevilliers (Seine Saint-Denis).
Du 26 février au 2 mars,  Le Quai à Angers.
 Du 5 au 10 mars, Théâtre des Célestins Lyon (69) ; les 14 et 15 mars Théâtre Populaire Romand, La Chaux-de-Fonds (Suisse) ; les 19 et 20 mars La Passerelle à Saint-Brieuc ; le 23 mars,  Théâtre Louis Aragon à Tremblay en France ; les 28 et 29 mars aux Salins, scène nationale de Martigues .
Le 2 avril, Scènes du Golfe, Théâtre Arradon-Vannes. Les 5 et 6 avril, Théâtre de Saint-Quentin-en-Yvelines . Le 9 avril théâtre de Chelles  (77) ; le 12 avril, Espace 1789, Saint-Ouen ; du 16 au 19 avril. Théâtre de la Cité Toulouse ; les 29 et 30 avril, Le Trident à Cherbourg (50).
Le 10 mai, l’Archipel, à Fouesnant (29) ; du 15 au 22 mai, Théâtre National de Bretagne, Rennes.

 

 

La Guerre des salamandres de Karel Capek, mise en scène de Robin Renucci

 

La Guerre des salamandres de Karel Capek, adaptation d’Evelyne Loew, mise en scène de Robin Renucci

Le 9 juillet 1936 à Prague, un acteur se coiffe d’une perruque, enfile un imperméable, gravit un escalier en chantant, trois autres personnages s’y accrochent et ils chantent un hymne sur la vieille Europe: «Il faisait chaud, très chaud !» Il y a une conférence de rédaction, mais les journalistes n’ont toujours pas d’éditorial pour le lendemain. On parle capitaux: «C’est incroyable comme l’argent attire les dingues, l’île de Tana Massa est bourrée de moustiques(…) Des requins, des escouades de requins, ces diables, on dit que ce sont des salamandres !».

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Un capitaine veut qu’on lui achète un bateau pour aller chasser les salamandres, elles prospèrent, pondent des perles, et allèchent le public qui les entasse. « Il était devenu le roi de la perle fine. » Le capitaine meurt, les salamandres sont cotées en Bourse. « Nous allons être les inventeurs du monde de demain! » Un homme dénonce l’exploitation des salamandres : « Camarades salamandres, le prolétariat industriel vous tend la main. « Au bout de cette marche triomphale vers un monde nouveau, deux cent cinquante millions de personnes cherchent un refuge, mais l‘adoration du veau d’or les a perdus. Ecrit en 1936, ce texte prémonitoire où les salamandres figurent la montée du nazisme, est mis en scène par Robin Renucci, directeur des Tréteaux de France, autour d’une grande oreille ouverte… et pourtant sourde.

Edith Rappoport

Festival Villeneuve en scène jusqu’au 22 juillet, à 19h, Clos de l’Abbaye, Villeneuve-lès-Avignon (Gard) juste de l’autre côté du Rhône. T. :  04 32 75 15 95.

Sélection de spectacles du in, du off au festival d’Avignon, Aurillac, Paris l’Eté, etc.

Sélection de spectacles du in, du off au festival d’Avignon, Aurillac, Chalon, Paris l’Eté, etc.

Comme l’an dernier, sont programmées des centaines de spectacles à Avignon où coexistent dans le off, parfois le meilleur… et souvent le pas bon du tout. De nombreux lecteurs nous  demandent ce que l’on peut voir ! Nous avons donc, pour faciliter vos choix, établi comme l’an passé, une petite liste de spectacles qu’au moins, l’un d’entre nous au Théâtre du Blog a vus, et que nous pouvons vous recommander. Ensuite, à vous de décider…Entre théâtre classique ou contemporain, danse, cirque, etc.

Nous tiendrons à jour cette liste pendant toute la durée du festival d’Avignon et au-delà. Bien entendu, toute l’équipe du Théâtre du Blog vous rendra compte aussi  quotidiennement de ce qui se passe dans le in, et dans le off qui a beaucoup évolué depuis cinq ans et qui, cette année encore, promet de belles surprises. On vous parlera aussi des spectacles de Paris-l’été et ensuite du festival d’Aurillac, mais pas seulement…

Bon été à vous…

Philippe du Vignal

Festival d’Avignon in: 

 *** Saison sèche de Phia Ménard pont.jpg, jusqu’au 24 juillet, à Vedène,  à 18h : ATTENTION : départ de la navette à la gare routière d’Avignon (près de la gare SNCF) à 17h..

*** Le Pays lointain (un arrangement) d’après Jean-Luc Lagarce, mise en scène de Christophe Rauck, du 20 au 23 juillet, à 19h, salle Benoit XII, rue des Lices, Avignon.

****De Dingen die voorbijgaan, d’après Van Oude menschen, de dingen, die voorbijgaan (Vieilles gens et choses qui passent), roman de Louis Couperus, adaptation de Koen Tachelet, mise en scène d’Ivo van Hove, jusqu’au 21 juillet,  à 22 heures, Cour du lycée Saint-Joseph, 51 rue des Lices,  Avignon.

*** Exposition à la Maison Jean Vilar: “Je suis vous tous qui m’écoutez.” Jeanne Moreau, une vie de théâtre.
Maison Jean Vilar, 8 rue de Mons, Avignon, jusqu’au 24 juillet, du lundi au dimanche de 11h à 20h. L’exposition se poursuit jusqu’en avril prochain. T.: 04 90 86 59 64.

*** Fenanoq, conception et interprétation de Pierre Fourny et Cécile Proust
Jardin de la Vierge du lycée Saint-Joseph, 62 rue de Lices, Avignon, jusqu’au 24 juillet à 18 heures.  Et le 6 octobre, à l’Echangeur, C.D.C.N. Hauts-de-France, Château-Thierry.

**** Léonie et Noélie de Nathalie Papin, mise en scène de Karelle Prugnaud, Chapelle des Pénitents blancs, Place de la Principale, Avignon, jusqu’au 27 juillet, à 11 heures,  et 15 heures.

Nous vous conseillons aussi : Ça va ça va le Monde programme R.F.I. : lectures de textes francophones dirigées par Armel Roussel du 14 au 19 juillet à 11 heures. Maison Jean Vilar, (entrée libre), Avignon.

Festival Villeneuve en scène, à Villeneuve-lès-Avignon (Gard), juste de l’autre côté du pont

 *** La Nuit unique par le Théâtre de l’Unité, Plaine de l’abbaye, les 10 et 11, les 13 et 14, 17 et 18, les 20 et 21 juillet de 23 h à 6 h du matin + une heure de petit déjeuner. T : 04 32 75 15 95.

*** Boxons jusqu’à n’en plus pouvoir de Stéphane Jaubertie, mise en scène de Fafiole Palassio et Philippe Ducou, Ecole Montolivet , jusqu’au 21 juillet, à 21 h 30. T : 04 32 75 15 95.

*** L’Absolu de Boris Gibé, texte de Julien Gaillard, du 10 au 22 juillet à 22 h, Clos de l’Abbaye. T : 04 32 75 15 95.

 Festival d’Avignon off:

*** Les Champignons de Paris d’Émilie Génaédig, mise en scène de François Bourcier, Chapelle du Verbe Incarné, rue des Lices, Avignon, jusqu’au 28 juillet à 21 h 35. T. : 04 90 14 07 49.

*** Shakespeare vient dîner de William Shakespeare, mise en scène d’Aude Denis et Thomas Gornet,  Présence Pasteur, 13 rue du Pont Trouca, Avignon, jusqu’au 29 juillet à 19h. T. : 04 32 74 18 54

*** Mu de Fabrice Melquiot, mise en scène de Laetitia Mazzoleni, Théâtre Transversal, 10 rue Amphoux, Avignon, jusqu’au 29 juillet, à 20 h 10. T : 04. 90. 86. 17. 12.

**** Plus grand que moi, texte et mise en scène de Nathalie Fillion, Théâtre des Halles rue du Roi René, jusqu’au 29 juillet à 17 h. T. : 04 32 76 24 51.

*** Cent Mètres papillon de Maxime Taffanel, mise en scène de Nelly Pulicani, La Manufacture, 2 rue des Ecoles, Avignon, jusqu’au 26 juillet à 16h 25. T. : 04 90 85 12 71

**** Bienvenue en Corée du Nord  création collective, mise en scène d’Olivier Lopez, jusqu’au 29 juillet à 14 h, Théâtre des Halles, rue du Roi René, Avignon. T. : 04 90 85 52 57.

*** Bizarres, scénario et mise en scène de Natasza Soltanowicz  (en polonais, surtitré en français), Campus international, 74 rue Louis Pasteur, jusqu’au 20 juillet. T. : 06 24 21 74 49.

*** Bruit de couloir, solo de jonglage chorégraphique de Clément Dazin  (tout public, à partir de dix ans), La Caserne des Pompiers, 116 rue de la Carreterie , Avignon, jusqu’au 23 juillet, à 13 h 30. T. : 04 90 01 90 28.

*** L’Établi d’après Robert Linhart, mise en scène d’Olivier Mellor, du 6 au 28 juillet à 20 h, Présence Pasteur, 13 rue Pont Trouca, Avignon. T. : 04 32 74 18 54.

** Monsieur, d’après la véritable vie de Marcel Creton, écriture scénique et mise en scène de Claire Vienne, du 6 au 29 juillet, à 13 h 10, La Factory,  4 rue Bertrand, Avignon. T. 02 43 36 23 32.

**** Kyz-Zhibek, comédie musicale de Gabit Mousrepov, du Théâtre du Music-hall d’Astana, Kazaksthan, musique d’Evgeni Broussilovski, et mise en scène d’Askat Maemirov, collège de la Salle,  3 place Pasteur, du 19 au 25 juillet, à 21 h 45 (surtitré en français).

*** Love and money de Dennis Kelly, mise en scène de Myriam Muller, 11-Gilgamesh Belleville, 11 boulevard Raspail, Avignon. T. 04 90 89 82 63.

**** Korkut, d’Iran-Gaiup, mise en scène d’Ionas VaÏtkut, Théâtre du drame M. Auezov d’Almaty, (Kazaksthan), collège de la Salle, 3 place Pasteur, du 13 au 17 juillet, à 21 h 45,  (surtitré en français).

*** Le Jeu de l’Amour et du hasard, de Marivaux, mise en scène de Salomé Villiers,  jusqu’au 29 juillet  à 19 h 05, Théâtre du Roi René, 4 bis rue Grivolas, Avignon. T. : 04 90 82 24 35.

 *** Le Maître et Marguerite, d’après le roman de Mikhaïl Boulgakov, adaptation et mise en scène d’Igor Mendjisky, jusqu’au 27 juillet, à 19 h 40, 11-Gilgamesh Belleville, 11 boulevard Raspail, Avignon. T. 04 90 89 82 63.

*** Une Saison en enfer d’Arthur Rimbaud, mise en scène d’Ulysse di Gregorio,  jusqu’au 26 juillet à 11 h, Théâtre des Halles, rue du Roi René, Avignon. T. : 04 90 85 52 57.

** Respire, Picardie Forever, mise en scène de Clément Montagnier (à partir de huit ans), jusqu’au 27 juillet à 15 h 20, festival Théâtr’Enfants, 20 avenue Monclar, Avignon. T. : 04 90 85 59 55.

*** Les Monstrueuses de Leïla Amis, mise en scène de Karim Hammiche, jusqu’au 26 juillet, 11-Gilgamesh Belleville, 11 boulevard Raspail, Avignon. T. : 04 90 89 82 63.

 *** Stand Up, rester debout et parler de Florence Pazzottu, conception et mise en scène de Rachel Dufour, jusqu’au 27 juillet à 20 h 20, au 11-Gilgamesh-Belleville, 11 boulevard Raspail. T. : 04 90 89 82 63.

*** Les Années d’Annie Ernaux, adaptation et mise en scène de Jeanne Champagne, jusqu’au 29 juillet, à 10 h 50.  Théâtre du Petit Louvre, 23 rue Saint-Agricol, Avignon. T. : 04 32 76 02 70.

*** Gros Câlin de Romain Gary (Emile Ajar), mise en scène d’Hélène Mathon,  jusqu’au 29 juillet à 15 h 50, Présence Pasteur, 13 rue Pont Trouca, Avignon. T. : 06 33 52 65 69.

*** La Magie lente de Denis Lachaud, mise en scène de Pierre Notte, jusqu’au 27 juillet à 19 h 10, Arthéphile, 7 rue du Bourg-Neuf, Avignon. T. : 04 90 03 01 90.

** Pulvérisés d’Alexandra Badéa, mise en scène de Vincent Dussart, jusqu’au 29 juillet à 16 h 40, Présence Pasteur, 16 rue du Pont Trouca, Avignon. T. : 04 32 74 18 54.

*** Penser qu’on ne pense à rien, c’est déjà penser quelque chose » écrit et mis en scène par Pierre Bénézit, jusqu’au 29 juillet à 12 h 45 (à 17 h 35, les 11, 18 et 25 juillet), Théâtre des Béliers, 53 rue du Portail Magnanen, Avignon. T. 04 90 82 21 07.

*** Dévaste-moi spectacle musical, mise en scène de Johanny Bert, le 17 juillet, festival Contre-Courant, complexe du Rond-Point, 2.201 route de l’Islon,  Avignon.

**** Le Voyage de D. Cholb, Penser contre soi-même, jusqu’au 25 juillet à 18 h 30, Le Grand Pavois, 13 rue Bouquerie, Avignon. T. : 06 62 08 61 25.

**** On aura pas le temps de tout dire, portrait d’acteur#1, conception/adaptation d’Eva Vallejo/Bruno Soulier, acteur/textes de Gilles Defacques, jusqu’au 26 juillet à 14 h 30,  La Manufacture 2 rue des Ecoles, Avignon. Le spectacle a lieu à la patinoire: ATTENTION,  navette à 14h  .T. : 04 90 85 12 71.

 Festival Paris-L’Eté :

**** Italienne, scène et orchestre, conception et mise en scène de Jean-François Sivadier, à la MC 93, 9 Boulevard Lénine, Bobigny (Seine-Saint-Denis). T. : 01 41 60 72 60

*** Iliade, d’après Homère, mise en scène de Luca Giacomoni, du 3 août au 3 août, à 14 h au Monfort, Paris XV ème. (Durée: dix heures… avec quatre pauses de vingt minutes, et une heure d’entracte. Ou par séries d’une heure quarante chacune, à : 14 h, 16 h, 18 h, 20 h 45 et 22 h 45 ce même 3 août). T. : 01 44 94 98 00.
 
**** Ça ira (1) Fin de Louis, texte et mise en scène de Joël Pommerat, du 16 au 20 juillet, à 19 h 30, au Cent-Quatre, 5 rue Curial, Paris XIX ème.
 
A Paris
*** Iliade d’Homère, traduction de Jean-Louis Backès, mise en scène de Damien Roussineau et Alexis Perret, jusqu’au 27 août, à 19 h, Théâtre du Lucernaire, 63 rue Notre-Dame des Champs, Paris VI ème. T. : 01 45 44 57 34.
**** Dévaste-moi spectacle musical d’Emmanuelle Laborit, mise en scène de Johanny Bert, arrangements et compositions d’Alexandre Rochon. Maison des Métallos, 94 rue Jean-Pierre Timbaud, Paris XI ème, du 3 au 8 juillet. T. : 01 47 00 25 20.
Et le 24 juillet, au festival Mimos, Périgueux.

Festival Chalon dans la rue
**** The Woodpeckers  (Les Piverts) réalisation de Marco Barotti, (L’emplacement des Piverts dans Chalon, est indiqué chaque jour sur : marcobarotti.com)
Et ailleurs: *** Le grand Cirque des sondages, par la compagnie Annibal et ses éléphants, mis en scène de Frédéric Fort,
Le 10 août à Bernay (27). Les 11 et 12 août à La Hague (50).
*** Le Film du dimanche soir par la compagnie Annibal et ses éléphants, mise en scène de Frédéric Fort, le 23 août, à Beauvais (60) le 25 août

.Festival international de théâtre de rue d’Aurillac:

*** La Nuit unique par le Théâtre de l’Unité, mise en scène d’Hervée de Lafond et Jacques Livchine, les 21, 22 et 23 août, de 23 h à 6 h du matin (+ une heure de petit déjeuner). T. : 04  71 43 43 70. 

 

Cent Mètres Papillon, texte de Maxime Taffanel, mise en scène de Nelly Pulicani

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Festival d’Avignon

Cent Mètres Papillon, texte de Maxime Taffanel, mis en scène de Nelly Pulicani 

 

C’est l’histoire d’un jeune homme qui, sous l’influence de son père, devient très vite accro aux courses de natation à un haut niveau de compétition. Une histoire autobiographique, celle de Maxime Taffanel devenu élève-comédien à l’Ecole de Montpellier que l’on va suivre ici quand il s’entraînait quotidiennement, au cours de séances éprouvantes pour le corps comme pour l’esprit. Bien entendu, avec le but de devenir un grand champion. Mais le jeune homme devra obéir scrupuleusement à son entraîneur doté d’un juge impitoyable : le chronomètre qui rappelle les exigences du cent mètres en secondes au centième près. Comme au théâtre, il faut sans cesse répéter mais ici jusqu’à la nausée, les départs, les retours au bout du bassin, et avec une méthodologie savamment mise au point, les trois temps du parcours. Tout cela pour gagner ces quelques centièmes de seconde qui différencieront le premier des autres et le consacreront champion régional, national, puis peut-être un jour olympique.

De quoi rendre parano plus d’un athlète et le faire douter de ses engagements et de sa vie qui lui apparaît de plus en plus comme un esclavage du corps et de l’esprit. A la limite de la bêtise quand il faut tout sacrifier pour ces foutus centièmes de seconde. Et quand il ira voir son entraîneur pour lui dire que c’est bien fini pour lui, il y a dans ses yeux, à la fois la fierté d’avoir donné le meilleur de lui-même, mais la nette conscience qu’il y a aussi un terme à ne pas dépasser : il sent bien que son corps lui lance des signaux d’alerte. On le voit aussi rempli de la joie d’avoir progressé en lui-même, en renonçant librement à une vie de sacrifices permanents, et à l’idée finalement absurde de devenir un champion.

Maxime Taffanel a écrit un texte intelligent et d’une remarquable lucidité, sur l’expérience qu’il a vécue des années durant avant de vouloir être comédien. Sur le plateau, rien qu’une chaise et une indispensable petite bouteille d’eau mais il a une présence et un jeu, gestuel surtout, absolument fascinant qu’aucun acteur ne pourrait et pour cause, reproduire. Il faut le voir expliquer en détail les mouvements très précis de cette natation, réappris, corrigés de façon à avancer encore, et encore plus et sans relâche, jusqu’à lépuisement. Cela tient même parfois d’une véritable chorégraphie. Maxime Taffanel joue donc ici son propre personnage- on le voit vraiment nager!- mais aussi son entraîneur goguenard, au langage et aux mines un peu vulgaires mais très clairs, avec ses encouragements et aussi ses engueulades riches en métaphores quand il parle des autres concurrents : les requins et les dauphins…

La mise en scène de Nelly Pulicani est d’une précision absolue, mais elle a juste tendance à patiner sur la fin sans doute en grande partie à cause du texte- un peu trop long- qui perd alors de son acuité. Mais bon cela peut être facilement corrigé et ce spectacle reste une belle performance au sens artistique et physique : Maxime Taffanel en ressort heureux mais épuisé…  Comme après une importante épreuve de natation. Chapeau !

Cela sera sans aucun doute le meilleur solo du festival. Cette petite mais très grande performance a une autre vérité que les approximations de Thomas Jolly dans la Cour d’honneur ( voir Le Théâtre du Blog) et le public enthousiaste a salué généreusement ce jeune acteur dont la maîtrise gestuelle rappelle souvent celle du célèbre mime Marcel Marceau.

Philippe du Vignal

La Manufacture, 2 rue des Ecoles, Avignon, jusqu’au 26 juillet à 16h 25

Une Saison en Enfer, d’Arthur Rimbaud, avec Jean-Quentin Châtelain

 Festival d’Avignon

Une Saison en Enfer, d’Arthur Rimbaud, avec Jean-Quentin Châtelain, mise en scène d’Ulysse Di Gregorio

 une-saison-en-enfer-ulysse-di-gregorio-1024x683En général, l’auteur du spectacle, au sens latin de responsable, est le metteur en scène. Ici, c’est l‘acteur, celui qui agit, soutenu, mené à bien par  son metteur en scène en scène, planté dans le cercle de terre et d’eau– rien de moins que le purgatoire de Dante-  imaginé par Benjamin Gabrié.
  Un spectacle comme celui-ci gagne à être dépaysé en Avignon, dans la chapelle du Théâtre des Halles. On avait salué cette Saison en Enfer au théâtre du Lucernaire à Paris ( voir Le Théâtre du Blog) mais ici,  dans cette conque idéale, pur écrin pour le verbe d’Arthur Rimbaud, elle nous a fasciné.

L’esprit souffle. On peut douter qu’il soit saint dans cet enfer, avec l’énergie de Rimbaud à ne jamais perdre pied dans le réel, mais il est là. Le texte émerge peu à peu de la diction particulière de l’acteur, comme s’il le faisait remonter de profondeurs inaccessibles à d’autres et  dont il nous fait toucher le bord. Dès lors, on respire avec lui : souffle coupé, grandes inspirations, souffle retenu. Le poème hétéroclite, dont nous avons tous quelques bribes en mémoire, nous revient, trouve son unité, et ces bribes mêmes s’accrochent aux fonds marins d’où elles sont nées et s’amplifient de cette naissance qui a lieu en notre présence.

Rimbaud a mis dans ce grand combat avec l’Ange, quelques poèmes préexistants qui l’obsèdent : «Elle est retrouvée -quoi, l’éternité- c’est la mer allée avec le soleil et la couleur des voyelles, et quelque liqueur d’or qui fait suer (Alchimie du Verbe). L’histoire exacte de son âme, qu’on ne peut réduire à des éléments biographiques, même s’ils comptent beaucoup, après sa séparation d’avec Verlaine, d’avec son enfance, d’avec Dieu, qui devient le grand maudit, mais aussi d’avec la Beauté «amère». Un grand poème avant tout dialectique : toute affirmation, toute révélation suscite son contraire jusqu’à épuisement.

André Breton dit que la poésie se fait dans la bouche. Ici, donc la poésie de Rimbaud et celle de Jean-Quentin Châtelain sont aussi indissociables, dans ce moment passé ensemble, que mer et soleil. Vêtu d’un oripeau ni masculin ni féminin (signé Salvador Mateu Andujar) de l’exclu, du réprouvé, il parcourt l’immense chemin d’un tourment plein d’Illuminations. Il regarde avec la lucidité et l’humour du poète, la souffrance nécessaire à l‘horrible «travailleur» en quête constante du vrai. Tous les mots nous parviennent dans leur plénitude, et se fondent dans leur propre mouvement, revenant perpétuellement à leur source. L’acteur a trouvé -et retrouve- sans doute chaque matin à onze heures, le rythme juste, celui de l’effroi, de la joie, de la gaminerie parfois. Plus qu’un spectacle,  une expérience vécue ! Mystique traquant le mysticisme, dans un grand lessivage du langage et de la pensée. On comprend que ce soit un œuvre ultime. Jean-Quentin Châtelain nous y emmène, dans une splendide épreuve de vérité. Après ça, on a l’air un peu idiot d’ajouter : à voir, et à écouter absolument.

Christine Friedel

Théâtre des Halles,  Avignon jusqu’au 26 juillet, à 11h. T. : 04 32 76 24 51.

 

Joueurs, Mao II, Les Noms, d’après Don DeLillo, adaptation et mise en scène de Julien Gosselin

Festival d’Avignon

Joueurs, Mao II, Les Noms, d’après Don DeLillo, traduction de Mariane Véron et Adélaïde Pralon, adaptation et mise en scène de Julien Gosselin

©Christophe Raynaud de Lage

©Christophe Raynaud de Lage

Julien Gosselin, souhaitant prospecter dans la caverne des littératures contemporaines, se penche sur une lecture croisée d’œuvres de Don DeLillo : Joueurs, Mao II, Les Noms, un matériau qui  lui permet de tisser une étoffe dont la trame suit les motifs de la violence politique et sociale des années 1970 à 90.

Rapports de pouvoir entre les forces sociales d’un libéralisme décomplexé, surgissements terroristes : le spectacle évoque l’utopie généralisée de cette époque. Mais l’artisan adaptateur et metteur en scène a aussi des perspectives éthiques et esthétiques qui lui sont chères: variations des écritures, sous-textes, pouvoir des mots, et rapport inexorable de notre modernité au Temps.

 Faire à la fois fiction et événement d’œuvres énigmatiques dans un monde éclaté où les flux d’informations alternent avec le temps suspendu. Les durées de la fiction et du réel se croisent ici : violence et terrorisme d’un côté, écriture et mise en scène de l’autre. Slogans, manifestes, paroles politiques fortes, et violence du langage (Les Noms), la discontinuité fait école, inspirée aussi par Jean-Luc Godard dont Don DeLillo s’est inspiré lui-même pour Joueurs. Comme, ici rejouée, cette scène du train de La Chinoise du cinéaste

Des bribes de texte apparaissent sur l’écran que le public lit rapidement: des citations de littérature contemporaine qui s’ajoutent à l’abondance des images, comme ces extraits de documentaires de la secte Moon, entre autres, qui soumet les gens par les mots ; une marche dans un sous-bois nocturne, un fouillis sylvestre qui cache un prisonnier. Ainsi, sur le plateau des projections de films mais peu de théâtre, et trois musiciens. Fractionnements et étirement du temps:  fiction et quotidien avec une dramaturgie brisée, non linéaire. Ici, peu de jeu scénique et beaucoup de soumission au pouvoir et à la présence de la caméra. Le public ne voit pas directement- un mur les sépare- les acteurs qui compensent le peu de présence effective (projetée sur trois écrans  avec des images en direct), en proférant leur texte- messagères et messagers en colère de la modernité- avec force sur fond musical et sonore appuyé.

 Les visages filmés de près de personnages fermés à eux-mêmes. Des scènes d’intérieur intimistes dans un bureau, un appartement… entre collègues de travail et partenaires sexuels, hétéros et homos. Images d’attentats, trame de polars et fumigènes pour signifier et souligner la confusion des cœurs et des esprits.

 Le mur tombe, une partie du spectacle est l’expérience d’un cinéma en direct: coupé de la salle, le plateau tient alors d’un studio, et on discerne au loin sur la scène, que cachent un peu à la vue d’immenses rideaux et des vitres transparentes, les comédiens furtifs suivis de leur cadreur. Don DeLillo a le mérite de poser les questions géopolitiques de notre temps et de s’intéresser au monde alentour, hors les Etats-unis, Athènes, Londres, Beyrouth…  traduisant le mal-être d’individus en souffrance: sentiment de solitude, angoisse existentielle, insatisfaction foncière, et sentiment amer d’avoir manqué à soi et à sa vérité, à l’intérieur d’un temps qui vous échappe.

  Avec cette création, Julien Gosselin offre à son public un nouvel épisode du rapport convivial qu’il a noué avec son collectif depuis quelque dix ans. Avantages et inconvénients : le groupe donne l’impression de se clôturer sur lui-même.  Quand bien même, est présent pour la seconde fois, Frédéric Leidgens qui apporte le poids d’une d’expérience de théâtre et d’une existence vécue pleinement.

 Les jeunes et beaux et acteurs, enjoués et impliqués, ne peuvent exprimer dans leur pleine mesure, les épreuves sinueuses des jours qui passent: il leur manque les indispensables repères intergénérationnels qui pourraient jouer sur les aléas de la vie et des temps divers dans un même présent, ici et là. On a l’impression d’assister avec ces moments festifs répétés, au bruit et à la fureur d’un univers de jeunes en goguette, celui de séries télévisées avec alcool et tabac surabondants: oubli de soi et des autres, au profit de jouissances minimales…

 Véronique Hotte

 La Fabrica, les 9, 11, 12 et 13 juillet.

 Le Phénix, Scène nationale de Valenciennes, les 6 et 7 octobre. Théâtre du Nord, Lille, du 14 au 20 octobre.

 Odéon-Théâtre de l’Europe, Festival d’automne à Paris, du 17 novembre au 22 décembre.

Europe connexion, d’Alexandra Badéa, mise en scène de Vincent Franchi

 

Europe connexion d’Alexandra Badea, mise en scène de Vincent Franchi

 87C5AAD2-6EF4-4968-8823-ADB29B55D897La pièce avait été montée, il y a un peu plus d’un an (voir Le Théâtre du Blog) par Matthieu Roy. C’est l’histoire d’un jeune énarque: ancien assistant parlementaire auprès d’une députée de la commission environnement-santé publique et sécurité alimentaire,  il intègre vite un des plus gros lobbies sur le marché des pesticides. Séduit par les sirènes qui le payent bien, il va se mettre au service de multinationales qui, grâce à l’agriculture industrielle, font des bénéfices colossaux, en vendant sans aucun scrupule: engrais, pesticides, herbicides et autres gâteries. Raison majeure invoquée: nourrir une population mondiale en constante augmentation et tant pis pour la planète…

Ce beau jeune homme, pas très sympathique, se souvient de son grand-père qui avait un jardin et faisait  son compost. Mais il a vite compris que ces temps-là étaient révolus: gloire à la mondialisation et à l’uniformisation céréalière! Qu’importe la vie des abeilles, le mépris affiché de la terre nourricière, les intoxications et cancers subies par les agriculteurs comme par les consommateurs, pourvu que le profit soit au rendez-vous. Avec, au besoin, sous n’importe quel prétexte de sécurité, interdiction d’échange de semences pour mieux cadenasser le marché, le monopole devant rester aux multinationales. Bravo et bien entendu, d’efficaces groupes de pression mettent tout en œuvre auprès des gouvernements et parlementaires…

Reste à inventer un argumentaire convaincant où règne la plus subtile mauvaise foi, comme on apprend à le faire aux futurs énarques. Il faut ce qu’il faut et cela, le beau jeune homme sait le pratiquer brillamment mais tout se paye: côté vie privée, c’est la dégringolade et une terrible dépression.

Mais  comment faire passer ce texte d’Alexandra Badea qui avait obtenu avec Pulvérisés, le grand Prix de littérature dramatique 2012  (voir Le Théâtre du Blog) ?  Cela ressemble à un exercice de style qui aurait pu être écrit en deux jours par un étudiant de Sciences Po muni de quelques bons dossiers…  Et passées les cinq premières minutes, les soixante qui suivent sont bien longuettes.

Sur le petit plateau, un tapis blanc de danse de neuf m2  où debout Nicolas Violin, en costume- cravate, est comme enfermé et ne bougera presque pas. En fond de scène, trois écrans vidéo carrés avec projection d’images. Quand le texte évoque un homme avec  son chien malade, le grand-père en maison de retraite ou le jeune lobbyiste dans sa luxueuse chambre d’hôtel ou déjeunant avec un député dans un restaurant de luxe, vous ne devinerez jamais les images que l’on voit ! Vous avez dit pléonasme ? La meilleure méthode pour parasiter un texte qui n’avait pas besoin de cela… Il y a là une erreur flagrante, et comme d’autres, Vincent Franchi s’est laissé piéger par l’image vidéo qui envahit de plus en plus les plateaux de théâtre. Côté direction d’acteurs, il fait afficher à Nicolas Violin un curieux sourire permanent mais l’acteur dit bien ce texte… qui reste toujours aussi peu convaincant. Surtout quand le metteur en scène compte sur ces images-vidéo qui ne servent rigoureusement à rien.
Donc aucun remords avant l’oubli… cette fois, vous pouvez rester au frais ou aller voir autre chose.

Philippe du Vignal.

Artéphile, 7 rue du Bourg-Neuf jusqu’au 26 juillet. T. :  04 90 03 01 90.

Au-delà de la forêt, le Monde, texte et mise en scène d’Inês Barahona et Miguel Fragata

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 Festival d’Avignon

Au-delà de la forêt, le Monde, texte et mise en scène d’Inês Barahona et Miguel Fragata, traduction de Luís de Andrea (à partir de huit ans)

Émilie Caen et Anne-Élodie Sorlin attendent devant le public, le feu vert du régisseur pour commencer. Assises sur un entassement de valises, malles, boîtes en osier et vanity-case comme on disait dans les années soixante. Au sol, un long tapis qu’elles vont dérouler, et en fond de scène, une grande carte peinte de l’Europe et du Moyen-Orient  jusqu’en Afghanistan… Elles vont une petite heure durant, à la manière d’un conte, nous dire l’histoire de Farid, un jeune garçon afghan d’une dizaine d’années que sa mère a poussé à partir avec son frère vers l’Europe et surtout l’Angleterre, via Calais. En quête d’un avenir plus sûr. Le prix à payer est déjà lourd sur le plan financier mais elle sait aussi qu’elle ne les reverra qu’adultes et donc différents, ou peut-être même jamais. Farid brutalement séparé de son frère, souffrira de la faim, du froid, de la solitude la plus extrême et surtout du danger permanent qui le guette pour traverser l’Europe quand il essayera de passer en Angleterre. Il y réussira enfin, caché dans dans un camion frigorifique.

C’est donc de l’actualité la plus récente et de la crise des réfugiés en Europe dont veulent nous parler les auteurs portugais avec Au-delà de la forêt, à travers le regard et la parole d’un enfant. Avec ces grosses valises qui servent de relais au récit et accompagnent l’interminable voyage de Farid.  Il y a aussi-belle image- une grosse malle ancienne que les conteuses ouvrent et où l’on voit une mini-mer Méditerranée avec un canot chargé de migrants qui fait naufrage. Cette sorte de conte pour enfants en cinquante minutes évoque à travers la tragédie vécue par le petit Farid, celle de milliers de gens qui fuient quotidiennement la misère et le chaos politique où est plongé leur pays. Le propos n’a rien de très neuf mais après tout, pourquoi pas ? Les deux conteuses font le boulot mais l’acoustique de la chapelle étant ce qu’elle est, on ne les entend pas toujours très bien et la mise en scène, trop approximative, se résume le plus souvent à d’inutiles manipulations de valises.

« De la fiction à la réalité, le temps des personnages côtoie celui des spectateurs et le récit se met en suspens pour assimiler la brutalité des situations, disent Inês Barahona et Miguel Fragata. Mais le récit de ce voyage, assez conventionnel, laisse un goût de trop peu. Les bonnes intentions au théâtre, on le sait depuis longtemps, cela ne fonctionne pas…

Philippe du Vignal

Chapelle des Pénitents blancs jusqu’au 13 juillet,  à 11h et à 15h, (à partir de huit ans). T. : 04 90 14 14 14.

Festival Todos à Lisbonne,  du 21 au 23 septembre  (et autres dates au Portugal). Festival de Liège (Belgique) les 8 et 9 février. Théâtre de la Ville, Espace Cardin, du 14 au 23 mars.

 

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