Festival Interceltique de Lorient: Rhiannon Giddens et l’Orchestre symphonique de Bretagne
Festival Interceltique de Lorient :
Rhiannon Giddens et l’Orchestre symphonique de Bretagne
Cette ancienne interprète américaine à la voix exceptionnelle du Carolina Chocolate Drops au banjo et au fiddle, est aussi chanteuse de folk, blues et gospels. Avec grâce et dignité, elle s’est toujours engagée contre le racisme et pour la défense des libertés… Après des études de chant lyrique au conservatoire d’Oberlin dans l’Ohio, Rhiannon Giddens s’est affirmée comme soprano colorature. Familière du classique, elle chante aujourd’hui avec l’Orchestre Symphonique de Bretagne sous la direction du Gallois Grant Llewellyn, et passe du gospel blues, à la country, au bluegrass, à la folk américaine, au jazz et à la musique celte.
La voix maîtrisée paraît simplement posée, pure et intense, et sa puissance s’élève vers des hauteurs célestes pour retomber dans des profondeurs plus graves. Jouant de cet atout exceptionnel, Rhiannon Giddensmène un combat politique contre l’esclavage, les humiliations, persécutions et fusillades répétées de la police contre les populations noire et indienne, et toutes les minorités de son pays. De père blanc et de mère noire, elle sait ce que les lois anti-métissage et l’illégalité du mariage interracial signifient, depuis les lois encore en vigueur à la fin des années 1970 et au début des années 1980. Elle sait aussi que les violences de l’histoire afro-américaine, comme entre autres scandales, le massacre de Wilmington (1898) en Caroline du Nord, ne sont guère enseignées dans les écoles,
Son dernier album, Freedom Highway témoigne de la subsistance de l’injustice et de l’inégalité. Ainsi résonne ici une berceuse inspirée d’une esclave noire berçant le bébé de sa maîtresse, tandis qu’on vend le sien! Les droits civiques et «la vie en noir» sont à la base d’un répertoire de choix et elle interprète aussi des ballades traditionnelles irlandaises. «On peut me prendre mon cœur, on peut me prendre mes os, on peut me prendre mon sang, mais on ne peut pas prendre mon âme », dit en français cette artiste virtuose…
Birmingham Sunday rappelle la lutte pour les droits civiques dans l’Alabama. En écho aux manifestations policières de Ferguson et de Baltimore, Rihannon Giddens reprend Freedom Highway un standard des Staple Singers, l’hymne du mouvement des droits civiques, composé en 1965 pour la marche de Selma, violemment réprimée par la police. Avec dignité et tristesse, la chanson Tomorrow is my turn rend hommage à Nina Simone. La musique est un espace où les êtres peuvent mettre de côté leurs différences. Rihannon Giddens porte haut l’esthétique musicale des couleurs du monde, à travers des instruments primaires éloquents : le banjo d’origine africaine, le violon à une corde que l’on joue dans le monde entier et le tambourin d’Afrique du Nord, du Moyen-Orient et d’Italie. «Nous sommes plus semblables que différents» est le leitmotiv de cette amoureuse de William Shakespeare.
Une soirée majestueuse avec une ample musique symphonique et une voix d’exception.
Véronique Hotte
Espace Marine, à Lorient, le 7 août. Le Festival Interceltique se poursuit jusqu’au 12 août.