Le dernier jour du jeûne , premier volet d’un diptyque de Simon Abkarian

 

Le dernier jour du jeûne, premier volet d’un diptyque, texte et mise en scène de Simon Abkarian

(C) Antoine Agoudjian

(C) Antoine Agoudjian

C’est une évocation de la tradition en pays musulman où les femmes qui n’égaleront jamais les hommes, n’ont pas leur langue dans leur poche! Sur une musique orientale,  dans une cuisine,  Sandra, une philologue, invoque le ciel : « Il fait jour, debout les morts ! » La mère de famille entre en tenue légère pour faire le ménage, sa sœur arrive; elles minaudent et se révoltent. Les hommes veulent savoir qui va sauver le monde. Les femmes fument:  «Pénurie de la pensée engendre la peur du ventre vide ! »
On déploie le décor de la maison pour faire apparaître la ville. Une fille invoque le ciel pour trouver l’âme sœur, des femmes s’étreignent. Le fils raconte un rêve en chevauchant un cheval à tête de chien. Cinq femmes s’affrontent : «La main du temps t’a piqué la pomme et toi, tu rêves de la croquer.. »
Le père arrive et  sa fille se blottit contre lui. Un jeune moustachu drague une fille, ils s’embrassent et s’enfuient. Dans sa boucherie, un veuf, le gros Minas, vitupère : « Penses à te taire avant de parler ».
La mère polémique avec son futur gendre. Le boucher, que son fils a quitté, s’envoie deux apéritifs : « Peuple rassasié, jamais ne se soulève ! (…) Manger sans boire, c’est se battre sans condition ! » La tante aux cheveux blancs méprise le mariage, l’une des sœurs est amoureuse de l’étranger, mais les rencontres de fiançailles sont aigres-douces. L’étranger cueille des pommes, suivi par son amoureuse qui la prend dans ses bras : « Quand tu me dis: j’ai envie de toi, si je meurs, je partirai tranquille ! »
 
Le père prend sa fille dans ses bras, il croit que c’est sa défunte épouse et la viole. Toute l’assemblée porte un toast, c’est la rupture du jeûne ! Les changements de décors – dus à Noëlle Ginefri-Corbel-  rapides et spectaculaires sont réalisés par les acteurs, et cet étrange spectacle fascine le public qui salue d’applaudissements nourris Simon Abkarian, Ariane Ascaride, David Ayala, Assad Bouab Aris, Pauline Caupenne, Delia Espinat-Dief,  Marie Fabre, Océane Mokas, Chloé Réjon, Catherine Schaub-Abkarian , Igor Skreblin…

Edith Rappoport
 
Théâtre du Soleil,  Cartoucherie de Vincennes,  jusqu’au 14 octobre. Intégrale des deux volets,  les samedi à 16 h et dimanche à 13 h. T. : 01 43 74 24 08


Archive pour 6 septembre, 2018

Les Sots sous le clair de lune de Teodor Mazilu, mise en scène d’Anca Bradu

Les Sots sous le clair de lune de Teodor Mazilu, mise en scène d’Anca Bradu (en roumain, surtitré en français)

0A0FCD3B-8A1E-4643-8A19-0C22E775DCF0 Pour célébrer le 31 août,  Journée de la langue roumaine, l’Institut Culturel Roumain présente des créations du Théâtre Matei Visniec, à Suceava, en Bucovine, au Nord-Est du pays. «Je me suis beaucoup impliqué, dit Matei Visniec, dans la « construction » artistique de ce lieu de création et de diffusion, de rencontres et de débats. » Inaugurée en 2016, cette scène porte le nom du dramaturge qui nous invite aussi à découvrir sa région natale, et elle organise tous les printemps, en mai, un festival de « théâtre international de dimension francophone »…

 Pour cette première tournée en France, le Théâtre Matei Visniec met en valeur le répertoire roumain contemporain. Avec d’abord, une pièce de Teodor Mazilu, auteur qui dénonçait, dans les années soixante-dix, et malgré la censure, les dérives du régime. En particulier, la corruption généralisée. Une question ne semblant en rien avoir perdu de son actualité : le succès que rencontre ce spectacle rencontre un beau succès dans le pays… On assiste ici aux chassés-croisés de deux couples mal assortis, dans une intrigue construite en miroir : Gogu, un escroc notoire, quitte la trop honnête Clémentine, moraliste et pleurnicharde, pour l’aguicheuse et délurée Hortense qui s’ennuyait auprès de « l’incorruptible» contrôleur financier Emilian; au désespoir, celui-ci renoncera-t-il à exercer un contrôle fiscal sur les malversations de Gogu, pour récupérer sa pulpeuse moitié ? Après bien des péripéties, ces histoires d’amour où se mêlent les intérêts pécuniaires ne peuvent que mal tourner…

Sous couvert de burlesque, que la mise en scène souligne avec une gestuelle et une musique de cabaret signée Ovidiu Iloc, Teodor Mazilu épingle, dans cette parodie qui confine à l’absurde, une société hypocrite. Les acteurs sont  tous excellents, et Anca Bradu parvient à mettre à distance une dramaturgie un peu datée mais qui renvoie avec humour aux années noires du régime de Nicolae Ceaușescu.

Ce festival présente deux autres créations : Kebab de Gianina Carbunariu, mise en scène de Daviel Iordan, et Chats, texte et mise en scène de Bobo Burlacianu. Il offre aussi l’occasion de découvrir l’hôtel de Béhague qui abrite depuis 1939, l’ambassade de Roumanie. Edifié en 1867 pour la comtesse Amédée de Béhague, cet hôtel particulier possède, entre autres trésors, un théâtre dont les colonnes de porphyre et les mosaïques de style byzantin, ont valu au bâtiment le surnom de « Byzance du VII ème arrondissement ».  

 Mireille Davidovici

Hôtel de Béhague, 123 rue Saint-Dominique, Paris VIIème, jusqu’au 6 septembre,.

https://www.eventbrite.fr/e/inscription-kebab-48326162854

De si tendres liens de Loleh Bellon, mise en scène de Laurence Renn Penel

De si tendres liens de Loleh Bellon, mise en scène de Laurence Renn Penel

 

Crédits Photo Lot

Crédits Photo Lot

Pour le philosophe Alain, l’amour maternel est éminemment égoïste, ou d’une autre façon, le plus énergique des sentiments altruistes. La figure de la mère représenterait le premier objet d’amour en soi, et toutes les autres affections se souviennent de cet élan initial qui la lie à son enfant, comme si ces affections  maternelle et filiale n’étaient qu’un seul élan fusionnel.

 Dans cette mise en scène à la fois sobre et lumineuse, Charlotte, (Christiane Cohendy) et sa fille Jeanne (Clotilde Mollet) sont l’une et l’autre ou l’une après l’autre, constamment aux aguets. Sur le plateau, selon les moments, se dessinent un salon, une chambre d’enfant, avec un espace cerné de parois légères et translucides dont une porte centrale ouvrant sur un  couloir, une cuisine et un couloir avec accès au dehors. Le public est invité  à voir vivre cette mère divorcée qui élève seule sa fille, et qui sort volontiers le soir avec des amis. Charlotte a aussi un amant avec lequel elle va vivre quelques mois avant la déclaration de guerre. Jeanne part, une fois, en vacances à la campagne, l’été chez les parents de celui-ci.  Elle se souvient d’une longue solitude  quand elle passe des soirées chez sa mère qui ne s’efforce jamais de rester un peu à ses côtés.  Elle évoque aussi ses vacances chez son père remarié.

 Mais Charlotte semble seule sans la compagnie chaleureuse de sa mère absente et tant aimée, qui pense, elle, n’avoir vécu que pour sa fille, délaissant même ses amis. Amertumes, petits regrets, et reproches accumulés au fil du temps, fusent des deux côtés. L’exigence filiale, que Jeanne considère comme un devoir chez un adulte face à un enfant, ne trouve ici nul écho sincère chez sa mère… Des années 1930 aux années 1970, le temps a déposé patiemment son volume de vie, dans  une succession éclatée de scènes significatives. Puis la situation bascule  et l’autorité s’inverse . Jeanne  qui souffrait de l’absence de sa mère, a grandi et, devenue plus assurée, inflige à sa mère vieillissante, mais sans le vouloir, la peine qu’elle a subie.

Christiane Cohendy joue une mère idéale qui n’existe peut-être pas : ni possessive, ni indifférente, elle ressent son état de mère comme une joie simple.  Elle aime son enfant sans exiger rien en retour, et donne son amour librement, et sa fille le lui rend avec une une présence attentionnée ou boudeuse.  Quand la mère lui parle de la fête des Mères, Jeanne la rabroue gentiment, et lui signifie la valeur commerciale de cette fausse célébration. Clotilde Mollet privilégie le retour à soi, en personne sensible, d’où naît un sentiment de solitude. Fillette, elle s’éloigne des divertissements bavards et des bruits alentour. Puis, devenue femme, elle éprouve à son tour le bonheur d’«être ».

A la fois présentes à soi et à l’autre, les comédiennes, pleines d’humanité, s’affrontent dans la grâce car elles connaissent la même expérience à travers la solitude ressentie et la constance d’un amour réciproque.

 Véronique Hotte

Le Lucernaire 53, rue Notre-Dame-des-Champs 75006 Paris VI ème, jusqu’au 20 octobre. T. : 01 45 44 57 34 

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