Festival Spot La Nuit animale, texte et mise en scène de Charles Chauvet

©-Léa-Maris

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Festival Spot

La Nuit animale, texte et mise en scène de Charles Chauvet, en français (et en portugais et anglais surtitrés)

 Place aux jeunes compagnies, pendant trois semaines, avec quatorze spectacles pour tous les âges. Ce festival se déroule à la fois au Théâtre Paris-Villette et au Grand Parquet, deux lieux réunis sous le label: Scène contemporaine jeunesse. « Un condensé de formes, et des équipes nouvelles repérées pour leurs gestes artistiques affirmés», précise Adrien de Van, codirecteur avec Valérie Dassonville. Chaque  spectacle est présenté deux jours.

Le soir de son anniversaire, et la veille de son examen, une étudiante brésilienne reçoit à son domicile la visite imprévue de son professeur venu préparer avec elle sa soutenance de thèse : « Du nomadisme à la mobilité des âmes chez les Cashinahua et les Yanomami »,  devant un jury international … Quittant la langue portugaise, elle expose sagement, en français et en anglais, le résultat de ses travaux, portant sur le régime matrimonial et les coutumes funéraires des Indiens. Mais la situation dérape quand elle évoque l’affaire du sang et la polémique soulevée par un livre The Darkness in Eldorado dénonçant les méfaits des anthropologues occidentaux en Amazonie. L’auteur accuse notamment un généticien et un anthropologue américains d’avoir collecté du sang auprès de tribus Yanomami, et cela contre leur gré, ce qui représente une grave atteinte à leurs coutumes et leurs croyances. Le professeur refuse d’aborder ce sujet qui met à mal l’avenir de son université et de son étudiante… Fin de la première partie.

On quitte alors brutalement un réalisme de bon aloi et les propos de l’étudiante (Isabel Aime Gonzalez) pour entrer dans une sorte de cauchemar surréaliste où un être emplumé, sorte de totem aztèque, s’adresse en langue yanomami au fantôme d’un Blanc: un esprit maléfique tel que les Indiens perçoivent le “scientifique occidental“. Pour renforcer cette ambiance fantastique, des fumeroles envahissent le plateau, aux rythmes de percussions guerrières !

De bons acteurs, une solide mise en scène : le spectacle d’une heure dix commençait bien, avec un débat intéressant sur l’anthropologie. Pourtant, même si une légère inquiétude s’immisçait dans le quotidien de l’appartement, le glissement vers le fantastique est loin d’être progressif. Il y a comme un hiatus, et le ballet final oscille entre mascarade et grotesque. Dommage ! On perd la pertinence du procès d’une certaine anthropologie: « Quel est le lien entre l’anthropologie et la vérité? » ironise l’un des personnages. Saluons le dynamisme des comédiens, qui manient habilement trois langues, la fluidité du jeu et l’aisance des mouvements d’Isabel Aime Gonzalez, quand elle quitte son personnage de jeune fille studieuse pour celui d’une fantasmagorie.

Reste le plaisir de découvrir de nouvelles formes de spectacle. Les curieux en prendront le risque en venant à ce festival…

 Mireille Davidovici

Spectacle vu le 18 septembre. Le festival Spot se déroule jusqu’au 6 octobre, au Théâtre Paris-Villette, 211 avenue Jean Jaurès, Paris XlX ème, et au Grand Parquet, 35 rue d’Aubervilliers, Paris XlX ème T. : 01 40 03 72 23.

 


Archive pour 19 septembre, 2018

Les Enivrés d’Ivan Viripaev, mise en scène de Clément Poirée

 

Les Enivrés d’Ivan Viripaev, texte français de Tania Moguilevskaïa et Gilles Morel, mise en scène de Clément Poirée

©Lena Roche

©Lena Roche

D’entrée, ils sont tous ivres. « Dieu, tu m’as cassé mon pot de vin !Tu m’as fermé la porte du plaisir C’est moi qui bois, Seigneur, et c’est toi qui es ivre? dit Omar Khayam Rubayat. Ici, quatorze personnages pour huit acteurs: on oublie assez vite les premiers, au bénéfice des seconds qui jouent des maris et des femmes, lors d’un mariage ou d’un enterrement de vie de garçon, avec des situations qui mènent au même état d’ébriété, quelles que soient les saillies biographiques accordées aux uns et aux autres. Donc, ce qui compte ici : les comédiens et leur plaisir à jouer…

Dans ses célèbres leçons, Antoine Vitez (1931-1990) suggérait, que, pour jouer un ivrogne, il fallait miser sur la raideur, la recherche d’un équilibre, plutôt que sur le déséquilibre ; même chose avec l’élocution. A l’opposé, Clément Poirée a choisi d’amplifier le mouvement. Dans une scénographie elle-même instable : un beau plateau tournant dont la vitesse varie au gré des reflux et des hoquets, il impose une chorégraphie permanente, baroque, quasi acrobatique, qui contraint les comédiens à se surpasser. Virtuoses et très drôles.
Cette troupe -beaucoup de fidèles- s’investit comme rarement, généreuse, vaillante. Tous les acteurs affirment une présence qui dilue presque les personnages, dont surnagent la pute vierge Rosa, avec toute la force de sa vraie naïveté (Camille Bernon), John Arnold, en directeur d’un festival international du film, qui lance des traits satiriques. Le fond de l’affaire, ici, c’est in vino veritas. Ils y arrivent, ces bouffons, ces “bourreaux de soi-même“. A travers d’épais nuages de mensonges, ils la regardent effarés, cette vérité, et finissent par la perdre sans savoir comment. Le texte et sa traduction, très pertinente, permettent cela et Ivan Viripaev maîtrise à merveille le langage non maîtrisé de l’enivré, répétitif, idiot, sincère, profond et vide, tournant en boucle. On n’oubliera  pas le comique de répétition de cet ivrogne se plaignant que « tout ça (une orgie carnavalesque engluée) se passe dans le restaurant végétarien de (s)es parents».

“Aimer“ et “merde“ : pas tout à fait les mêmes lettres, mais presque. Parce que, bien sûr, ça tourne à l’ivresse métaphysique dostoïevskienne. Et si, dans ces propos fumeux, il y avait une aspiration vraie ? Marre du modèle occidental et du capitalisme qui ont infesté la Russie –elle a ses propres pestes, elle n’en avait pas besoin-, marre de cette culpabilité molle –et là on ne peut qu’entendre Viripaev-, marre de «se pisser dessus», car, ce faisant , nous pissons sur l’Homme. Et sur le corps de Dieu : l’ivrogne spinoziste nous rappelle que Dieu étant la Nature (Deus sive Natura), si nous offensons notre propre dignité, nous offensons celle du monde (pour ne pas prendre parti et dire “la création“).

Mais, au bout d’un moment, la lassitude s’installe et logiquement, la gueule de bois survient, avec l’impression de s’être fait avoir par une certaine roublardise de la pièce. Métaphysique, oui, questions éthiques envapées, on veut bien, mais enveloppées d’ironie. Alors, on ose, ou on n’ose pas,  donner un moment à l’émotion que les enivrés touchent presque du doigt ?  Et il reste quand même une petite fâcherie contre le traitement infligé aux Poèmes du vin d’Omar Khayam, proférés en intermède par des «chargés de poésie»… Mais loin de faire preuve des mêmes vertus de comédien que dans le jeu. Ces “instants poétiques“ font redondance et freinent cette ronde qui ne tourne plus au rythme enlevé, imaginé par son auteur. En une soirée, avec ces Enivrés, on peut se laisser tourner la tête par de vrais moments de bravoure, et/ou s’acagnarder dans l’ironie. Entre deux chaises, ou tantôt sur l’une, tantôt sur l’autre.

Christine Friedel

Théâtre de la Tempête, Cartoucherie de Vincennes, Route du Champ de manœuvre,  jusqu’au 16 octobre. T. : 01 43 28 36 36. 

Le texte publié aux éditions Les Solitaires intempestifs

 

1830 Tout commence

1830, Tout commence, texte et mise en scène de Manon Montel

©DR

©DR

Stéphane Dauch, Thomas Marceul et Manon Montel incarnent dans une sorte de feuilleton créé l’an passé en Avignon, trois célèbres écrivains: Victor Hugo, porte-drapeau du romantisme naissant, Honoré de Balzac, le romancier, inventeur du réalisme et George Sand, l’auteur de nombreux romans, pièces et articles, et déjà féministe. Les comédiens parcourent les œuvres de ces auteurs dont la vie des plus tumultueuses: combats politiques, passions amoureuses, etc.  reste une belle source d’inspiration pour la scène. On accompagne ici ces boulimiques de travail et d’amour, parmi les génies de la musique: Frédéric Chopin qui fut l’amant de George Sand, de la peinture: Alexandre Delacroix, du roman: Alexandre Dumas, du théâtre: Alfred de Musset, autre amant de l’écrivaine. Parmi les textes empruntés ici, on retrouve avec plaisir la réplique bien connue d’On ne badine pas avec l’amour: «J’ai souffert souvent, je me suis trompé quelquefois mais j’ai aimé», tirée en fait d’une lettre de George Sand à son amant, Alfred de  Musset…qui reprit sans scrupules cette belle phrase …

Ils vont s’affronter pendant la révolution avortée de 1830.  Charles X suspend la liberté de la presse. Balzac, jaloux, incarne un prêtre séduit par Esmeralda de Notre Dame de Paris qu’on torture! En juin 1832, il y a une insurrection populaire. Le Roi s’amuse de Victor Hugo est retiré de la scène. Manon Montel incarne Juliette Drouet : «Votre mère n’est pas folle, elle est seulement méchante ! (…) « Une femme doit toujours aimer un homme supérieur…»
 
Honoré de Balzac crée la Société des gens de lettres en 1842 : «Les êtres vulgaires m’intéressent plus, qu’ils ne t’intéressent. » « Comme on dit en France, on se relève de tout, même d’un canapé ! » Deux ans plus tard, George Sand fondera L’Eclaireur de l’âme, journal des départements de l’Indre, du Cher et de la Creuse. On assiste ici, avec ce dialogue entre les trois personnages, à un parcours historique ! « Notre président ici, c’est un bric-à-brac ! (…) Il n’existe pas de grand talent sans grande volonté ! »
Tout opposait Hugo, Sand et Balzac, en politique, en amour, comme en littérature.«Féministes, dit Manon Montel, républicains, monarchistes, mais avant tout humanistes!» Ce texte imaginaire (curieusement, George Sand n’a jamais en effet rencontré Victor Hugo!) est d’une belle écriture théâtrale, même si on a un peu de mal parfois à démêler qui est qui, parmi ces personnages et leurs œuvres. Mais on se plonge avec plaisir dans cette évocation remarquablement interprétée.

Edith Rappoport
 
Théâtre Essaïon, 6 rue Pierre au Lard, Paris IV ème, jusqu’au 15 janvier. T. : 01 42 78 46 42.
 
 
        

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