Le Roi Arthur, mise en scène de Jean-Philippe Bèche

Le Roi Arthur, mise en scène de Jean-Philippe Bèche

1aa19ee2889219ec9f7ccdcc15babd59Le mythe du Roi Arthur se situe aux premiers temps de la Chevalerie, vers la fin du Ve siècle ou au début du VIe siècle. « Nous sommes convaincus, dit le metteur en scène,  de la force de cette histoire, du souffle lyrique de cette pièce qui renoue avec le théâtre épique, populaire au vrai sens du terme. Nos héros sont des hommes et des femmes qui luttent pour aimer, qui se débattent dans leurs souffrances, à la recherche d’un idéal, d’un merveilleux qui pourrait bien les perdre… » Le personnage du roi Arthur a inspiré de nombreux films, séries télévisées, opéras, comédies musicales ou bandes dessinées mais… beaucoup moins des spectacles théâtraux.

 Ici, onze acteurs, comme chez William Shakespeare, accompagnés par une batterie pour interpréter cet étrange Roi Arthur. Dans la belle salle en pierre du Théâtre de l’Epée de bois, le spectacle prend une bizarre résonance. Le roi en toge rouge, supplie Merlin de l’aider « : Sans doute, tu n’es qu’un homme, mais, foi de Merlin, tu sera roi! » Une veuve entre : « Il s’agit de meurtre et de trahison. Un homme est venu vers moi, il avait les traits de mon mari. Je lui ai remis l’enfant, il l’a élevé, le voici, c’est Merlin. » Aujourd’hui, Morgane abandonne Merlin. «Merlin, je ne pourrai rien pour la Tempête qui se prépare. Ne construis ton nom que sur l’amitié. » «Mon roi, vous offrez mon bras à Genièvre, pour gagner et ne pas mourir !  Que Lancelot gagne, tout faire et ne pas vous suivre !»
Il y a de très belles entrées et sorties des acteurs accompagnés à la batterie, mais… on a bien du mal à suivre l’intrigue.

Edith Rappoport

Théâtre de l’Epée de Bois, Cartoucherie de Vincennes, route du Champ de manœuvre. T. :  01 48 08 39 94.

prolongé jusqu’au 14 octobre


Archive pour 21 septembre, 2018

Je m’appelle d’Enzo Cormann, par Garnouize Inc

 

Je m’appelle d’Enzo Cormann, par Garnouize Inc

©Vincent Muteau

©Vincent Muteau

Il passe sur le côté, comme en fraude. A la marge. Il tente de vendre sa quincaillerie: de petites Tours Eiffel aux spectateurs assis sur le bitume. Hagard, il jette un œil à gauche et à droite, à l’affût d’un éventuel débarquement des forces de l’ordre. Il ne cesse de recompter sur ses doigts. Une maigre recette ? Les années écoulées ?  Le geste semble lui permettre de s’assurer qu’il est encore vivant, que le monde reste tangible. Ceux qui ne le connaissent pas encore, peuvent croire qu’il est un véritable vendeur à la sauvette. Il en a tous les signes distinctifs : mine épuisée, corps nerveux, fringues usées, baskets bon marché… Il vend donc de petites tours Eiffel en métal, métonymie de toute la merdouille que draine le tourisme: allégorie du boulot de pauvre.

Le jeu de Christophe Lafargue (alias Garnouize) est hyperréaliste. Comme ces tableaux américains qui concurrencent la photo et le réel, hurlant à l’impossible représentation ou à la démission des images dans une société saturée par le visuel. Déjà avec Rictus, spectacle toujours en tournée, il s’était saisi de la figure du clodo, avec une interprétation au premier degré, époustouflante de vérité. Il fait de la rue, un théâtre jusqu’au plagiat : un pléonasme de réalité.  Lorsque nous l’avions vu, à Chabeuil, un homme de la rue l’apostrophait, vidant sa canette aux pieds des spectateurs dont certains avaient osé des «chut». Incroyable moment de tension où la représentation atteint ses limites, bascule dans l’auto-réflexivité et les limites éthiques. La poésie de Jehan-Rictus (1867-1933)  qui avait connu la rigueur de l’hiver sur les trottoirs et la charité condescendante, résonne tellement juste. Une mise en scène déambulatoire nous emmenait sur les lieux rituels du vagabondage, ceux  des gens qui cherchent leur place : banc, porche, marches, grille, coin de trottoir… Elle vociférait devant les façades des responsables : mairie, maison bourgeoise, église… Dans ce nouveau spectacle, la scénographie reste fixe, en frontal. Comme si l’échappée belle était de plus en plus réduite. Et la confrontation sociale de plus en plus cruelle. Ce jour-là, à Sotteville-lès-Rouen, avait été choisi pour décor grinçant, l’enseigne Tchip Coiffure, jeu de mots sur cheap (pas cher) exhibé par l’entreprise elle-même.

Que reste-t-il d’un être humain ? Uniquement ce que les autorités impriment sur une carte d’identité ? Vient une litanie d’histoires réduites à des noms, prénoms, âges, métiers. Terrifiante généalogie des «damnés de la terre», de la pauvreté toujours chevillée au travail. Liste froide d’identités, comme on peut en lire sur les monuments aux morts. Karim, Christian, Juan… avec connotations populaires et sonorités de langues étrangères… Elle fait sonner tous les noms d’ailleurs (portugais, italiens, espagnols, arabes…) pour qu’ils cognent fort à l’oreille. Cette accumulation terrasse le concept d’identité nationale. Eh! Oui, n’en déplaise à Eric Zemmour : tous ces noms composent la France.

Le texte d’Enzo Corman est difficile, lancinant comme une plaie ouverte, obsédant comme une invocation ou une supplique. Pas chatoyant, ni provocateur et rieur comme la poésie de Jehan-Rictus, il bouscule le spectateur, c’est sûr. Plus aride. Répétitif jusqu’à la nausée, il balance sans apprêt le chaos des parcours de vie. Ce texte fait mal, épuise. Comme le capitalisme. Histoires d’accidents de travail, séjours en hôpital psychiatrique, tentatives de suicide de ces descendants de l’industrialisation. Oui, il y a mort d’hommes! Le statisme du dispositif est à l’image des personnages, en cale sèche. Ils ne bougeront plus guère, «ceux qui ne sont rien»: le travail leur a tout pris.

A côté du comédien, un panneau publicitaire numérique, grand écran dressé comme un téléphone surdimensionné, propose en contrepoint une création vidéo qui efface les visages au profit de publicités de luxe, fameux parfums cache-misère qui font croire que le pouvoir et l’argent sentent bon. On voit aussi des traits qui se lézardent, qui mutent ; cette imagerie, parfois trop illustrative et esthétique, nous détourne de la simplicité des mots.

« Je suis en vie, c’est tout ce que je peux dire. » Le spectacle de la misère ne peut être plaisant. Sidérant corps de Christophe Lafargue ! Il revêt tour à tour la peau du toxico, du mec de la rue, du saisonnier, du licencié et du séropositif. Et on y croit, malgré la poésie du texte. Les corps sont mécanisés, usés. A la bande-son du monde du travail manuel, de l’industrie, s’ajoute le tintement frénétique des tours Eiffel enfilées sur un fil de fer. Ces clochettes fêlées sonnent le glas, une alarme inquiétante. Ces hommes au bord de la crise de nerfs, on leur a «piqué des milliers d’heures». Ils pourraient bien exploser. Quand on s’initie à une langue, après les salutations d’usage, on apprend souvent à décliner son identité. C’est pourquoi ces Je m’appelle signifient surtout: « J’existe par ma parole : je suis, je me définis et vous interpelle. » Bravo pour cette parole brute, dure et nécessaire.  Pour cette incarnation au réalisme dérangeant.

Stéphanie Ruffier

Le 22 septembre à 15h et 18h15 à Annonay; le 23 septembre, à 11h et 14h30 à Peaugres, Quelques p’Arts, Centre National des Arts de la Rue et de l’Espace Public (07)
Intégralité du programme du Temps fort du 19 au 23 septembre : https://fr.calameo.com/read/000228743ced54d6a84c1?language=en&page=1&showsharemenu=true

On n’est pas que des valises texte d’Hélène Desplanques, mise en scène de Marie Liagre

 

On n’est pas que des valises, texte d’Hélène Desplanques, mise en scène de Marie Liagre

© Antonin Sabot

© Antonin Sabot

« Mamie fabriquait des valises … Là bas, au-delà des terrils, c’est l’usine de Mamie, enfin ce qu’il en reste», explique Geneviève, à Maeva, sa petite fille. A cette enfant, fil rouge du spectacle, sept ex- ouvrières  de  l’usine Samsonite d’Hénin-Beaumont vont conter leur lutte, depuis la fermeture du site, jusqu’à aujourd’hui. Une épopée qui conduira ces femmes, parmi d’autres délégués, jusqu’aux Etats-Unis, face à Mitt Romney, candidat aux élections présidentielles et star de la Bourse new yorkaise… Un autre monde s’ouvre à elles, celui du  cynisme des multinationales,  des ravages de la financiarisation… Elles ont osé l’affronter et leur combat se poursuit avec cette pièce, créée en 2016 dans le Nord de la France, et qui a fait salle comble au dernier festival d’Avignon.

 Hélène Desplanques suivait l’affaire depuis 2007, date de la liquidation de Samsonite-Energy Plast, pour réaliser un documentaire, Liquidation totale. «En 2014, dit-elle, avec le procès de Boston et l’élection d’un candidat Front national à Hénin-Beaumont, j’ai voulu montrer cette histoire de résistance et de résilience sur un territoire en perte d’estime de soi. Réinsuffler de la fierté … Avec elles, sur la scène. » Sept volontaires parmi les deux cents salarié(e)s  du site. «Au début, on n’était pas d’accord du tout ! »  plaisante l’une d’elles, lors d’un débat.

 Le spectacle, construit en tableaux titrés  avec  le présent du récit et des retours en arrière, expose clairement l’affaire Samsonite,  comme tant d’autres à l’époque, une machination juridico-financière de repreneurs voyous. En 2010, après une victoire devant les Prud’hommes à Lens, pour le première fois en France, les salariés attentent un procès contre un fond de pension américain, Bain Capital créé par Mitt Romney, son P.D.G. Des documents vidéo, extraits de films et de journaux télévisés restituent cette aventure, sans parasiter l’action théâtrale.
 Grâce à une sobre direction d’acteurs , les sept héroïnes font le poids auprès des trois comédiens professionnels : Bruno Buffoli, François Godart, qui jouent Mitt Romney en alternance,  Ghazhal Zati (son assistante), et Marie-Jo Billet, (Geneviève). Les sept comédiennes ex-ouvrières donnent à ce documentaire un supplément de vécu, et sont accueillies avec enthousiasme par le public. Bravo à tous et longue vie à cette troupe.

 Mireille Davidovici

 Jusqu’au 23 septembre dans le cadre du focus Récits de vie Maison des Métallos 94 rue Jean Pierre Timbaud Paris XI ème. T. : 01 47 00 25 20.

 Et le 24 janvier, Centre Culturel Jacques Tati à Amiens ; et en juin, Théâtre de la Verrière, Lille.

 

Tsukimi-Zatô ( L’Aveugle qui admire la lune ) et Sambasô, conception et scénographie d’Hiroshi Sugimoto

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Tsukimi-Zatô (L’Aveugle qui admire la lune) et Sambasô, conception et scénographie d’Hiroshi Sugimoto

 

Ce photographe et artiste septuagénaire de renom, s’est tourné depuis dix ans vers le spectacle japonais traditionnel mais dans une esthétique renouvelée. Il a créé en 2009, l’Odawara Art Foundation, pour favoriser le développement de la culture  de son pays. «La logique de la tradition, dit-il, est de se réécrire sans cesse au présent ».
Dans le cadre du programme Japonismes,  nous découvrons, dans la même soirée, un kyôgen la comédie populaire et pendant du nô- puis Sambasô,  une danse rituelle du Shintô. Pièces interprétées par des acteurs de kyôgen, membres de la famille Nomura: l’aïeul Mansaku, le père, Mansai et le jeune Yûki. Trois générations se transmettant cet art de père en fils (ce qu’on nomme la « filiation par le sang », autrement dit par l’origine)… Même si, de nos jours, l’héritage ne repose plus nécessairement sur ces liens de parenté, au Japon, modernité et tradition font bon ménage. Pour preuve, le travail du maître-d’œuvre: plutôt que d’opérer une synthèse entre un art traditionnel et art contemporain, Hiroshi Sugimoto donne corps à une  «extension des classiques » .

 Tsukimi-Zatô (L’Aveugle qui admire la lune )

En prélude, trois musiciens (deux tambours et une flûte) s’assoient cérémoniellement et font résonner de belles sonorités. Chants et  percussions alternent en boucle, tandis que la flûte intervient en continu. En fond de scène, un pan de lune brun-orangé, agrandissement réalisé par le metteur en scène d’un cliché pris par l’Observatoire de Paris en 1902… Apparaît un vieillard marchant en tâtonnant avec un long bâton (le maître Mansaku Nomura) « Je suis aveugle » dit-il.
 Venu admirer la pleine lune des moissons, ce villageois se contente «du chant des insectes », celui «des grillons mors de cheval» et « de ceux des pins ». Tout à son plaisir, il rencontre un habitant de la ville qui lui offre à boire. Aux cours de joviales libations, ils chantent, dansent, récitent des poèmes jusqu’à l’ébriété… A l’instar des farces de Molière, la comédie vire au drame, quand le citadin bastonne le vieil homme. Le genre veut que l’on montre des infirmes, victimes de persécutions… On sourit, plus qu’on ne rit, à ce petit drame paysan des origines, joué avec une grande économie de gestes.

  Sambasô, danse divine

Comme pour la première partie, une introduction musicale  avec  tambours, flûte et chants, est une sorte d’incantation préliminaire: voix de basses, cris, percussions et son grêle de la flûte accompagnent l’entrée solennelle des acteurs, et la cérémonie commence !  « Cette pièce se réfère à une danse sacrée qui renvoie aux premiers temps de l’humanité au Japon,  dit Hiroshi Sugimoto. » Sambasô désigne à la fois la performance de l’acteur et le personnage de la pièce Okina, un rituel shintô proche du théâtre nô, mais c’est “un nô sans en être un“». Avec deux danses : le «momi no dan », sans masque, et le «suzu no dan», interprété avec masque noir et grelots à la main.  Le primesautier Yuki puis son père, Mansai, accélèrent progressivement le tempo, sautent et  frappent le sol du pied, foulant la terre. « On dit “fouler Sambasô“,  dit le metteur en scène, car il s’agit d’apaiser les divinités agrestes ». On admire le style de ces artistes, aux gestes codifiés et vêtus de costumes somptueux.

Nous ne saisissons pas toute la symbolique de cet art ancestral, mais nous  sommes subjugués par la beauté du spectacle. Rideaux de scène et costumes ont été réalisés à partir de l’œuvre photographique d’Hiroshi Sugimoto. Pour Sambasô, un grand éclair blanc oblique barre le fond de scène, réplique de Lightning Fields, qui résulte de l’impression directe sur la pellicule de traces de décharges électriques. Il s’illumine aux acmés de la danse On retrouve ce motif sur le kimono de Mansai Nomura, tandis que des grues ornent celui de son fils. Entre ciel et terre, ce trait lumineux capte les énergies que renvoient musique, chant et danse. Rien de folklorique dans cette épure que nous recevons malgré nos manques en culture nippone.

 Mireille Davidovici

Espace Cardin-Théâtre de la Ville, 1 avenue Gabriel, Paris VIIIème dans le cadre du Festival d’Automne à Paris, jusqu’au 25 septembre. T. : 01 42 74 22 77

 

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