Le Tartuffe de Molière, mise en scène de Peter Stein

©Pascal Victor/ArtComPress

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Le Tartuffe de Molière, mise en scène de Peter Stein

 

La biographie de Molière de Georges Forestier publiée ce mois-ci, révèle les difficultés d’autorisation du Tartuffe par Louis XIV : la pièce fut créée en 1664, avant une seconde version en 1667, puis une troisième en 1669. « Car prêcher « la vie en Dieu », comme le faisaient les adeptes de la dévotion, revenait à recommander l’anéantissement de soi et la pratique de l’humilité, de la pauvreté, de la pénitence, de la chasteté. Ce qui impliquait de tourner le dos à la vie mondaine, gouvernée par la recherche du plaisir, et aux conceptions galantes qui recommandaient la modération en tout, et notamment … en matière de religion. »

 Des différences entre les première et  seconde versions apparaissent,: le nouveau Tartuffe, escroc endurci, loin de se laisser chasser, une fois démasqué, comme le naïf et penaud directeur de conscience  du texte primitif, se révèle le vrai maître de la maison d’où on veut l’expulser. Molière pousse aux limites extrêmes le jeu d’une donation à un intrus.« Quand commença 1669, on attendait toujours Tartuffe… On dût vivre de reprises jusqu’à ce que le roi se décide enfin à dire oui à la pièce. Fort de l’aval de Louis XIV, Molière était satisfait : il avait pu afficher sa pièce sous le titre L’Imposteur ou le Tartuffe, qui combinait les deux titres interdits et annonçait que Tartuffe avait recouvré son nom, un temps effacé au profit de Panulphe ».

 En signe d’apaisement, Louis XIV avait fait frapper le 1er janvier 1669 une médaille commémorant « la Paix de l’Eglise », mais il attendait un signe ultime pour pouvoir tourner définitivement la page, et le 3 février, tombent deux «brefs» remis par le nonce du pape Clément IX. Il se déclarait satisfait de la soumission et de l’obéissance des quatre évêques jansénistes un rien excessifs…  Et Louis XIV annonça le lendemain à Molière qu’il l’autorisait à représenter la pièce.

 Ici, Tartuffe (Pierre Arditi), avec tout la morgue distanciée qu’on lui connaît, ne craignant pas de blesser les bienséances quand il s’adresse à la maîtresse de maison, goujat au possible, s’amuse avec  sournoiserie tranquille. Il fait perdre la raison au maître de céans, un Orgon incarné par le très humain Jacques Weber, grugé dans sa passion aveugle pour lui…

 Isabelle Gélinas est une belle épouse, respectable et élégante et Manon Combes, une servante facétieuse qui n’a ni son regard ni sa langue dans sa poche ; Madame Pernelle ( Catherine Ferran) est une mère austère,  entièrement dévouée à Tartuffe. Jean-Baptiste Malartre se glisse à merveille dans le rôle du beau-frère, honnête homme et courtisan, et Félicien Juttner est le jeune fils fougueux d’une famille bouleversée par la présence pesante de cet intrus hypocrite.

Dans une scénographie d’un blanc lumineux à deux niveaux avec un large escalier tournant, les personnages de la plus belle pièce de Molière se meuvent avec grâce, comme dans la clarté d’une mise en relief. Quand les compagnons déménageurs, vêtus du noir traditionnel et d’une capuche, la corde enroulée sur le dos, surgissent pour jeter les propriétaires hors de chez eux, ils rappellent de façon effrayante des figures fondamentalistes.

 De même, belle image finale quand apparaît l’Exempt, émissaire du Roi : sur le lointain, un soleil de rayons dorés s’installe majestueusement. Tartuffe, diable terrorisant, est ligoté, et en costume noir à capuche, et emmené en Enfer. Bref, la mise en scène de Peter Stein est un beau travail…

 Véronique Hotte

 Théâtre de la Porte Saint-Martin, 18 boulevard Saint-Martin,  Paris X ème.  T. : 01 42 45 53 66.

 

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