Au nom du père, du verre et paf par terre, texte et mise en scène de Marilyn Klein

Au nom du père, du verre et paf par terre, texte et mise en scène de Marilyn Klein

 

© Agathe Hurtig Cadene

© Agathe Hurtig Cadene

La metteuse en scène  crée avec sa compagnie des spectacles  avec des complémentarités entre des formes esthétiques. A partir d’un travail sur le terrain, sous forme d’actions culturelles avec des publics variés. « Mon écriture, dit-elle, est un perpétuel va-et-vient entre l’intime et l’extérieur, se nourrissant de rencontres, de dialogues, de souvenirs… »

Le spectacle est le récit d’une addiction à l’alcool. « Qui n’a pas rêvé d’avoir un papa super-star, protégeant et sauvant à tout va tout en faisant des blagues? » Une fille unique raconte : son papa n’est pas du tout un héros rassurant avec de grosses épaules et bricoleur. Il boit énormément et parfois arrête de boire, mais en vain. Et elle a un besoin obsessionnel: raconter, se souvenir, comprendre et parfois se pardonner enfin d’un coup de poing dans la tête de son père… Cette  jeune femme est interprétée à la fois par Chloë Bonifait et Sarah Horocks, autour d’un frigo qu’elles ouvrent et referment sans arrêt pour y mettre des bouteilles, les retirer, et même s’y réfugier. Elles jouent aussi le boucher et la vendeuse du Super U. «Ma mère ne boit pas. Mon père entraîne ses copains à boire de l’alcool. On dit des alcooliques qu’ils ont ça dans le sang… ». Au jardin, il y a une table à repasser avec six bouteilles vides. Les filles parlent en même temps et dansent. « Ne pas boire, pour lui, c’était impossible. Mon père, il ne jouait jamais pour gagner, il jouait pour boire, il ne savait pas modérer sa consommation d’alcool, je croyais qu’il était méchant !»

L’une étend du linge sur un fil, l’autre débarrasse des bouteilles. «Mon papa à moi, c’est un gangster, il a été interdit d’hôpital quand Pépé Sauce Tomate est mort » (…) « Mon père, il pleurait souvent plus que ma mère. Pour la mort de Balavoine, il me prend dans ses bras, j’ai  neuf ans, il avait avalé l’essence de la voiture. Il casse les bouteilles pour montrer qu’il est malade. (…)  Je ne sais pas si j’ai peur pour moi même, ou pour mon père. « 

Une suite de témoignages hallucinants sur une enfance dévastée. et sur l’alcoolisme dans notre pays mais la pièce parle aussi de la difficulté d’avoir pour père, un être humain jugé comme un«moins que rien ».  Et racontée ici avec un certain humour par ces jeunes comédiennes.

Edith Rappoport
Maison des Métallos, rue Jean-Pierre Timbault, Paris XI ème, T. : 01 47 00 25 20, jusqu’au 20 octobre.

Archive pour 19 octobre, 2018

Jester Show de David Foster Wallace, adaptation et mise en scène de Laurent Laffargue

 

Jester Show, d’après L’Infinie comédie de David Foster Wallace, traduction de Francis Kerline, adaptation et mise en scène de Laurent Laffargue

Antoine-Basler-et-Déborah-Joslin-dans-Jester-Show-daprès-le-roman-de-David-Foster-Wallace-par-Laurent-Laffargue-photo-Pierre-PLANCHENAULTL’Infinie comédie (1996) est un roman-fleuve, hors-normes et quasi-encyclopédique (1.486 pages dont cent cinquante-sept de notes! ) de l’écrivain et philosophe américain né en 62 et qui se suicida en 2.008. Ce gros pavé, connu dans le monde entier mais traduit en français il y a trois ans seulement, est une sorte de peinture très pessimiste de l’avenir de son pays où règne une grande violence.
Ici, cette adaptation scénique traite surtout de l’addiction aux drogues de toute nature, notamment à la télé! Sur le petit plateau, avant que le spectacle ne commence, un écran diffuse avec un son très fort, des images d’actualité (discours de Trump, etc., vie quotidienne aux Etats-Unis, mêlées à des  publicités).

Laurent Laffargue avait reçu la proposition de Pierre Mazet, directeur de l’Escale du livre à Bordeaux de faire une lecture à l’occasion de la parution du livre en français. Mais il était resté, dit-il,  sur sa faim, et a voulu faire une mise en scène de ce texte presque méconnu chez nous. «Le théâtre n’a pas le temps de la lecture mais il a d’autres armes.»   Sans doute, mais attention danger! Il y a une mode actuelle: adapter au théâtre des essais, romans, etc. Mais rares ceux qui, même universellement connus, résistent à l’épreuve d’un grand ou petit  plateau de théâtre. «J’ai, dit le metteur en scène, cherché à traduire une atmosphère : à partir de plusieurs extraits qui me semblaient condenser les thèmes de Wallace. J’ai cherché à créer un univers où se rencontreraient le texte et le spectateur.» On veut bien, mais au-delà de ces  intentions assez convenues et qui ne mangent pas de pain comme on dit dans Le Cantal, qu’en est-il sur scène ?

Cela se passe donc à Ennet House, un centre de désintoxication pour drogués. Sur le plateau, un grand écran télé dans le fond, un lit roulant d’hôpital, un fauteuil blanc, une petite table et un tabouret. Il y a là une jeune psychiatre ou plutôt une caricature assez drôle. Déborah Joslin, très maquillée, en blouse blanche très courte sur des collants noirs, escarpins rouges et perruque avec deux grandes couettes, l’une bleue et l’autre rouge. Belle image très B.D. Et un patient, en collants résille et mini-short en cuir noir. La scénographie et les costumes  de Laurent Laffargue sont réussis. On comprend  qu’il s’agit d’un homme qui se prostitue pour avoir de quoi se doper. Déborah Joslin qui a une belle présence, se lance dans une danse effrénée sur une musique assourdissante. Puis Antoine Basler, à la diction d’abord approximative, raconte sa vie sans micro en chuchotant presque, ce qui n’arrange pas les choses, puis en hurlant son texte, muni d’un micro H F, ce qui alors devient vite insupportable, surtout dans une aussi petite salle

Et cela donne quoi, cette logorrhée bruyante d’une heure vingt-cinq ? Par courts moments, on entrevoit toute la folie contenue dans ce livre dont nous n’avons lu que quelques extraits. Mais comment réussir à extraire la substantifique moelle d’un long roman et à la mettre en scène? Mission presque impossible, surtout quand le texte n’a rien de vraiment théâtral, avec, ici, un long monologue déguisé!  Sous des éclairages LED aux violentes couleurs violentes parfois clignotants comme dans une fête foraine.

Heureusement, il y a les apparitions, souvent dansées de Déborah Joslin, ce qui aère un peu les choses. Mais l’adaptation et la mise en scène de Laurent Laffargue n’ont rien de  convaincant et il  on l’a connu plus inspiré, notamment avec Marivaux qu’il a monté plusieurs fois (voir Le Théâtre du blog). Ici, le spectacle distille vite un ennui profond. A cause de l’adaptation assez fastidieuse d’’un texte dont il ne semble pas bien avoir eu la maîtrise et qui, encore une fois, n’a rien à voir, avec une dramaturgie théâtrale. Les images vidéo sur grand écran n’apportent pas grand-chose, et semblent avoir une fonction de remplissage et de divertissement. Laurent Laffargue devrait revoir aussi d’urgence sa direction d’acteurs : quel intérêt y a-t-il à faire ainsi hurler Antoine Basler, immobile, face public pendant un quart d’heure? Cette manie du théâtre contemporain aurait-elle encore frappé? D’autant plus qu’il ne s’agit pas d’une création, et que le spectacle  déjà joué au Théâtre de la Lucarne à Bordeaux, doit être maintenant calé. Bref, ces quatre-vingt minutes sont une épreuve que nous ne vous conseillons pas, même si vous avez, comme des milliers de gens dans le monde, beaucoup aimé le roman…

Signalons, histoire de finir sur une note positive, la proposition de Marie Vialle qui dira, avec C’est de l’eau, les vagues, les amours, c’est pareil, le discours que prononça en 2005 David Foster Wallace, leur professeur, devant les étudiants du Kenyon College, à la cérémonie de fin d’études. Cela aura lieu au Monfort Théâtre à Paris, du 8 au 10 novembre. A suivre donc, et nous vous tiendrons au courant…

Philippe du Vignal

Théâtre des Déchargeurs, 3 rue des Déchargeurs, Paris I er,  jusqu’au 3 novembre.

Le roman est édité aux éditions de l’Olivier

Impulso, un documentaire d’Emilio Belmonte

Impulso, un documentaire d’Emilio Belmonte 

jour2fete-impulso-image-1547 En parallèle aux représentations à Chaillot de Grito Pelao, le dernier spectacle de Rocio Molina, (voir Le Théâtre du Blog) sortait un film exceptionnel sur son travail. Emilo Belmonte nous fait pénétrer dans le processus de recherche et de création de Rocio Molina, entourée par ses collaborateurs et complices.  Grâce à  la relation de confiance privilégiée qu’il a su établir avec Rocio Molina et son équipe, le réalisateur réussit à nous montrer le flamenco en travail, de façon sensible, respectueuse et délicate. Il dévoile les aspects les plus secrets, les plus intimes des recherches, improvisations, essais et  répétitions, sans omettre les échecs et la joie éclatante d’avoir enfin trouvé.

La mère de Rocio très émue parle ici de l’étonnement,  mais aussi de la crainte que suscitent en elle le talent prodigieux de sa fille et son besoin de recherche sans fin…  Autre témoignage, celui d’une danseuse gitane très âgée, la Chana, une des dernières références de la danse flamenca, telle qu’elle se pratiquait encore il y a une cinquantaine d’années :  dépouillée et sans fioritures.

Assises sur des chaises rapprochées, La Chana et Rocio se lancent dans un dialogue dansé : le martellement de leurs pieds sur le sol, le mouvement  démultiplié de leurs bras et de leurs mains dessinent et racontent un des secrets du Flamenco : la transmission directe, corps à corps, cœur à cœur. Nous avions eu la chance de connaître Carmen Amaya, de la voir danser, répéter, vivre…   Puis nous avons rencontré Rocio, au physique pourtant si différent de celui de Carmen. Mais elle  est de la même espèce, celle des artistes qui prennent des risques, essentiels à leur existence, et qui  inventent, à partir de l’ancien, un langage nouveau, indispensable!

La Chana dit qu’elle considère Rocio comme sa « petite fille », autrement dit, son héritière. Ce film est indispensable pour aider à comprendre la démarche et la quête incessante de Rocio Molina. Emilio Belmonte montre très bien que le Flamenco, qui prend racine dans un terreau ancestral  mais aussi actuel quand il est pratiqué par une artiste comme Rocio Molina, sait  être pleinement de son temps. Etrangère à tout académisme, elle rompt avec les codes contraignants, mais en restant toujours dans l’essence du flamenco : le «compàs», qui, plus qu’un simple rythme, correspond à une pulsation vitale.
Elle  invente un Flamenco qui lui est propre, comme a pu le faire autrefois l’immense Carmen Amaya, dont elle revendique l’héritage. Toutes deux novatrices, elles sont de tous les temps et possèdent cette force et cette énergie hors du commun qui viennent du plus profond de leur mémoire.  Pour pratiquer une danse tellurique, archaïque où  la gestuelle et le corps est entièrement en relation avec l’invisible. Elles  savent nous entraîner  très loin dans l’espace-temps.

Il faut remercier Emilio Belmonte de nous permettre, grâce à ce beau film, d’entrevoir les arcanes du travail de cette prodigieuse artiste, hors du commun, présent et avenir du Flamenco…

Chantal Maria Albertini

Le film est distribué par Jour 2 Fête.

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