Un Amour exemplaire, adaptation de Clara Bauer et Daniel Pennac, mise en scène de Clara Bauer

Un Amour exemplaire, d’après la bande dessinée éponyme de Florence Cestac et Daniel Pennac, adaptation de Clara Bauer et Daniel Pennac, mise en scène de Clara Bauer

©Jess Dupaux

©Jess Dupaux

« Sur le pierre tombale : Jean et Germaine BOZIGNAC: -3 avril 1927, 25 avril 1971- . Ils sont nés le jour de leur rencontre ! » Quand Daniel Pennac parle à Florence Cestac, de Jean et Germaine, un couple qui a marqué son enfance et façonné sa vocation de professeur et d’écrivain, il en naîtra une bande dessinée. Quand Clara Bauer  a envie de porter Un Amour exemplaire  à la scène, elle se demande: «Comment  monter une B.D. au théâtre ? La présence de la dessinatrice et de l’écrivain m’est apparue nécessaire.» Et c’est une bonne idée.

Le spectacle apparaît donc comme un bricolage malicieux entre les auteurs et  les deux comédiens chargés d’interpréter Jean, Germaine et des personnages secondaires. Mais ils sortent souvent de leurs  rôles pour commenter cette adaptation. Un cinquième compère (le régisseur ?) assure le rôle du père de Germaine, un  Napolitain colérique et macho, marchand de peaux de lapin. Daniel Pennac, lui, quitte aussi sa fonction de narrateur pour incarner le père de Jean, un noble et richissime vigneron bordelais. Furieux de la mésalliance de son fils qui, en 1927, a épousé Germaine, une cousette, il le chasse et le déshérite. Le couple se réfugie alors en Provence pour vivre d’amour et  d’eau fraîche, et aussi de lectures partagées. Et la vente des livres de collection de Jean et ses gains au poker assurent aux amoureux une existence modeste.

 Dans une petite maison, voisine de la résidence familiale de vacances, le petit Daniel rencontre ces personnages hors-normes qui ont alors environ soixante-six ans et qui le fascinent: «Ils sortaient des cadres et leur mode de vie était totalement romanesque. (…) J’étais leur petit visiteur. Ils passaient leur temps à me faire la lecture. (…) Une des raisons que  j’ai eu de devenir romancier, est probablement d’avoir fréquenté ce romanesque chez Jean et Germaine. » L’écrivain s’est inspiré d’eux pour créer dans La Fée Carabine, les parents adoptifs de l’inspecteur Pastor.

La mise en scène, sans prétention, se fait la chronique de la vie amoureuse de Jean et Germaine , de leur rencontre avec l’écrivain et explique aussi comme est née cette bande dessinée. La scénographie, très simple, définit à jardin, un espace de jeu autour du narrateur, Daniel Pennac, qui raconte,  met les comédiens en situation d’interpréter quelques scènes, et leur donne les indications nécessaires. A cour, une table à dessin accueille Florence Cestac qui, dos au public, croque en direct avec quelques traits d’encre noire et des taches de couleur, les scènes-clefs de cette histoire projetées sur un écran. Cette grande dame de la B.D., fondatrice des éditions Futuropolis et Grand Prix de la ville d’Angoulême, apporte un supplément d’humour à ce spectacle drôle et léger. Un bel hommage à l’amour et aux livres…

 Mireille Davidovici

Théâtre du Rond-Point, 2 bis avenue Franklin D. Roosevelt, Paris  VIIIème.  T. :01 44 95 98 21,  jusqu’au 18 novembre.

 Théâtre du Parc d’Andrézieux-Bouthéon (Loire), les 23 et 24 novembre.

 La bande dessinée Un Amour exemplaire est publiée aux Editions Dargaud.


Archive pour 21 octobre, 2018

Je parle à un homme qui ne tient pas en place, un spectacle de Jacques Gamblin et Thomas Coville

Je parle à un homme qui ne tient pas en place, un spectacle de Jacques Gamblin et Thomas Coville

 

©Nicolas Gerardin

©Nicolas Gerardin

«Le capitaine Mac Whirr avait parcouru la surface des océans, comme certaines gens glissent toute leur vie durant à la surface de l’existence, qui se coucheront enfin tranquillement et décemment dans la tombe,  qui n’auront rien connu de la vie, qui n’auront jamais eu l’occasion de rien connaître de ses perfidies, de ses violences, de ses terreurs. » (Typhon de Joseph Conrad).

 Avec l’aide du navigateur solitaire Thomas Coville, Jacques Gamblin raconte celui qui «a connu la vie». Naviguer pour explorer le monde révélait la quête d’un savoir, la volonté de maîtriser l’espace et de le conquérir. Mais, comme il n’y a plus rien à conquérir, certains types de navigation comme la plaisance relèvent d’une finalité ludique et sportive.

 Naviguer, avec les nouvelles technologies, évoque risques et plaisirs, peurs et émotions, avivées par les exploits des navigateurs solitaires: des passionnés qui sillonnent les océans pour le plaisir, le défi ou la gloire : «Un navigateur, dit Michel Tournier dans Eléazar, n’est pas un vivant à part entière… Il flotte, pour le temps de la traversée, dans les limbes situés à mi-chemin de la vie et de la mort. Le grand large n’a-t-il pas une évidente affinité avec l’au-delà? »

Le public est invité à suivre via une navigation virtuelle GPS chère aux internautes, à suivre le Tour du monde en solitaire de Thomas Coville en 2014. Ici, la grande voile est remontée et devient écran avec cartes océaniques et petits signes lumineux. Lors de la traversée de trente jours du navigateur en solitaire, Jac communique  tous les jours par mail avec Tom dont le comédien énonce les propos:   un encouragement pour Tom à se battre contre anticyclones et dépressions. Le sportif destinataire des mails, lui, reste silencieux et ses réponses sont rares:  juste des aveux émouvants et bien écrits qu’il dit de sa propre voix.

Via les images filmées de temps à autre, le public a l’impression d’être aux commandes de ce trimaran de plus de trente mètres avec les vitres de la cabine couvertes de gouttes d’eau et qui fend les eaux de la grande bleue aux aurores boréales.Objet poétique, force de rêverie et de peur, source d’inspiration, à la fois complice et ennemie, la mer dispense ou refuse ses faveurs. Aussi profonde par temps calme, que dans la tempête. Convulsion régulière des vagues, et menace miroitante des flots en perpétuel mais aussi attente et effroi pour le navigateur.

Dans le calme plat, donc avec des voiles en panne, c’est l’arrivée des insectes, la soumission aux courants, les dangers, la maîtrise impossible du bateau et l’épuisement des vivres et de l’eau potable : la mer devient alors un piège. Le long des côtes d’Amérique du Sud, le « pot au noir » correspond à la ceinture équatoriale des basses pressions venant des Tropiques. Avant de battre le record de vitesse du Tour du monde en solitaire en 2016, Thomas Coville avait dû rebrousser chemin : pris dans la glu du «pot au noir », il avait remonté l’Atlantique en plein hiver : de la fin janvier au début février. En héros.

Tom «échoue» et Jac pressent les états d’âme de son ami s’estimant responsable de son sort:  il se croyait capable de mener à bien un tel projet… Resté à terre, l’ami rappelle que l’échec mène à la solitude métaphysique, supérieure à la réussite, puisqu’elle offre une liberté existentielle. Jacques Gamblin, à la sensibilité délicate, compare les prouesses du navigateur à des choses  plus dérisoires, comme son trac avant d’entrer en scène en pleine lumière. Son héros a eu envie de fuir le quotidien et sa trivialité, mais n’a fait que se trouver.

Une jolie traversée maritime et théâtrale, une invitation au voyage, un chemin d’existence….

Véronique Hotte

Théâtre du Rond-Point, 2 bis avenue Franklin D. Roosevelt, Paris VIIIème, jusqu’au 18 novembre. T. : 01 44 95 98 21.

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