Entropie, chroniques parisiennes, de Eric Da Silva, Henri Devier, Frédéric Fachéna

Entropie, chroniques parisiennes, d’Eric Da Silva, Henri Devier et Frédéric Fachéna

 

ob_47c96f_resized-entropie-v1-920011Entropie n.f. En physique : fonction exprimant le principe de la dégradation de l’énergie ; processus exprimé par cette fonction. Augmentation du désordre ; affaiblissement de l’ordre.

Il était une fois trois mousquetaires, ou quatre ou plus, c’est variable, autour d’Eric Da Silva en d’Artagnan. Pour cette fois, un pour tous et tous pour un, ils explorent Paris, avec leurs chroniques d’une ville secouée par un attentat. Secoués, ils le sont tous les trois, ce qui les rend ultra-sensibles et réactifs. Et on a envie de dire perméables au monde, aux sons, à la musique, aux mots pris aux mots, d’autant que leur costume est fait d’un imperméable tagué comme un mur qui parle. On les suit dans le présent d’émotions et d’impressions qui n’oublient jamais le monde autour d’eux. Au contraire : ils le répercutent de la façon la plus percutante qui soit, vive, rapide.

C’est de cela que ça parle. Comment nous avons, que nous le voulions ou non, le monde et la ville dans la peau, comment notre «moi», notre identité s’étirent ou se rétrécissent, tiraillées par les vibrations de ce milieu dans lequel nous baignons. Où suis-je ? Au coin de la rue, dans le métro, sur l’écran. Et je n’y suis pas «de passage», j’y suis, je commence à chaque instant à y exister. Houlà ! Nous voilà en pleine métaphysique ! N’ayons pas peur, elle revêt ici parfois des nez de clowns ou prend la forme d’un jeu d’enfants : on dirait que ce serait ton tour d’être le garçon avec qui on ne veut plus jouer et que tu serais mort pour dix minutes, par exemple.

Eric Da Silva, Henri Devier, Frédéric Fachéna nous font vivre un spectacle qu’on pourrait qualifier (avec toutes nos excuses pour la trivialité, mais comment dire autrement ?) d’autonettoyant. Rien que du v : relations entre eux, dans l’instant, paroles et images, maniement des outils comme l’ordinateur ou le téléphone portable, les trois gaillards ne laissent passer aucune approximation, aucun bluff. Le spectacle ne ment jamais : impossible quand on traque à ce point le vivant. De la vie, ils nous en distillent goutte à goutte autant qu’ils nous en balancent à la figure. Une façon de s’exposer à tout ce que la ville renvoie, de l’expérimenter, avec des images fragiles et mouvantes, dans une réelle précarité qu’il faut bien prendre à bras le corps. Une façon de réinventer le théâtre : sous la double raison sociale du Melkior théâtre et de l’Emballage théâtre, ils renaissent une fois de plus tel le phénix, brûlants, légers, inquiets, rapides.

Une première version, lue aux Collectif Douze, durait trois heures ; il ne nous en laissent qu’une heure vingt-cinq, mais cela suffit à nous déployer la ville dans toutes ces circonvolutions tourmentées et joyeuses. On n’en dira pas plus : il faut découvrir ce théâtre singulier, vécu en direct par «des gens de trente ans qui en ont soixante», ce défi contemporain. Et fraternel, de surcroît.

Christine Friedel

Spectacle vu  à l’Anis Gras. L’Échangeur, à Bagnolet, du 16 au 20 novembre, relâche le dimanche 18. T.: 01 43 62 71 20

 


Archive pour 30 octobre, 2018

Orphée et Eurydice de Christoph Willibald Gluck mise en scène d’Aurélien Bory.

©-Pierre-Grobois

©-Pierre-Grobois

Orphée et Eurydice de Christoph Willibald Gluck mise en scène d’Aurélien Bory.

Devant cette version du mythe d’Orphée, remaniée par Hector Berlioz en 1859, nous nous souvenons du sublime spectacle de Pina Bausch à l’Opéra Garnier où le héros tente de ramener Eurydice des enfers. Pour Aurélien Bory  Pina Bausch est une référence : « Pina Bausch a été très importante dans mon parcours et reste, à mes yeux, une artiste majeure de la seconde moitié du XXe siècle, qui a totalement renouvelé notre rapport à la scène théâtrale». Le metteur en scène s’est engagé dans cette aventure à la demande de Raphaël Pichon qui assure la direction musicale de l’œuvre et d’Olivier Mantei directeur de l’Opéra-Comique : «J’aborde le théâtre comme un art de l’espace».

A chacune de ses créations, Aurélien Bory change les repères habituels de la scène comme avec Plexus ou Espæce, (voir Théâtre du Blog). Pour cet Opéra dont la deuxième partie se situe dans le monde des morts il utilise une technique d’illusion datant de la fin du XlXe siècle : le Pepper’s Ghost. Un cadre de 12 mètres de haut et 9 mètres de large, suspendu aux quatre coins du grill et tendu d’une toile en plastique : suivant son angulation elle peut être transparente ou réfléchissante reflétant alors la salle, la fosse d’orchestre avec les musiciens de l’Ensemble Pygmalion, les cintres ou le plateau.

Pendant la première partie, l’image d’une toile peinte de Jean-Baptiste-Camille Corot, datant de 1861 qui s’étale au sol surprend. Elle représente Orphée ramenant Eurydice des Enfers. Le tableau ainsi que les interprètes présents se reflètent en fond de scène. Un bel effet, surtout quand Orphée plonge dans les enfers comme dans un siphon sans issue ! Pour Aurélien Bory : «Ce dispositif optique, qui retourne l’image qu’il reflète, peut évoquer, par sa surface tantôt transparente tantôt reflet, la séparation ténue entre le monde des vivants et des morts. Il crée littéralement sur le plateau un au-delà, non seulement par l’image, mais aussi par l’acoustique, puisque son empreinte crée un éloignement». Les voix des chanteurs se trouvent ainsi modifiées suivant leurs positions.

  Aux trois rôles principaux : Orphée (Marianne Crebassa), Eurydice (Hélène Guilmette) et Amour (Lea Dessandre), se joignent les membres du chœur. Des danseurs et des artistes circassiens se mêlent aux chanteurs de cet ensemble. Ainsi le metteur en scène donne à ce groupe un corps matériel différent par sa mobilité inhabituelle. Là encore Aurélien Bory bouscule avec bonheur les repères de la scène, résultat d’une direction de jeu précis.

Ce spectacle a très vite affiché complet, comme les nombreuses productions de l’Opéra-Comique. Les abonnements sont déjà ouverts pour 2019 avec, au programme, des metteurs en scène tels qu’Olivier Py, Anne Kessler, Michel Fau ; ou Valérie Lesort et Christian Hecq, de retour après le succès du Domino Noir vu la saison dernière.

Jean Couturier

A l’Opéra-Comique 1 Place Boieldieu 75002 Paris, joué du 12 au 24 octobre, puis en tournée du 2 au 12 juin 2019 à l’Opéra de Lausanne et la saison prochaine 2019 à l’Opéra Royal de Versailles, l’Opéra Royal de Wallonie, le Théâtre de la ville de Luxembourg et l’Opéra de Zagreb.

 

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