Tragedy, mise en scène de Cécile Saint-Paul, musique de Jean-Christophe Marti

 

Tragedy, mise en scène de Cécile Saint-Paul, musique de Jean-Christophe Marti

f-4f4-5b3f43e7e6b8bSur le plateau, un amas de déchets, une forme humaine assise enveloppée dans un drap blanc, un piano. Un homme déplace un tas de chaises de cour à jardin. Deux hommes assis sont dévoilés, une femme au micro les fait déplacer, elle chantonne, le fantôme blanc se lève et sort. Quatre acteurs abrités sous des parapluies murmurent un chant, dirigés par le chef. Un autre chuchote dans un micro, pendant que, sur un long écran en surplomb, on voit des images en noir et blanc du château de la Roche-Guyon qu’Yves Chevallier, complice de cette expérience, a longtemps dirigé. On voit un couple monter les escaliers du château en lisant des passages d’Hamlet, en ne les comprenant pas bien. On arrive au monologue d’Hamlet, une chanteuse accompagnée par Jean Christophe Marti,en  entonne quelques vers… On voit une statue, un visage féminin, est-ce Ophélie ? Gertrude se plaint, Jean Christophe Marti disserte sur les accords des instruments. Ophélie « couchée en ses longs voiles » disparaît.

Nous sommes un peu perdus dans cet étrange voyage bien joué par Marc Bertin, Jean-Louis Coulloc’h, Odile Darbelley, Antoine Lengo, Jean-Christophe Marti et Cécile Saint-Paul.  Le spectacle a été élaboré en cinq étapes : la première  avec le choix d’Hamlet au Théâtre des Bernardines à Marseille, la seconde où lors d’une invitation au château de la Roche-Guyon les séquences du film ont été tournées, la troisième avec des projections publiques au Théâtre Berthelot de Montreuil pour une réflexion avec des psychanalystes, la quatrième à la Ferme du Bonheur à Nanterre où Jean-Christophe Marti a composé les chansons d’Ophélie et du Fossoyeur.

Cette dernière reprise de Tragedy est fondé sur un travail encore en devenir et nous laissera des souvenirs mitigés mais ce spectacle reste attachant, surtout quand on a fréquenté le Château de la Roche Guyon, Jean-Christophe Marti et Odile Darbelley.

Edith Rappoport

Théâtre de l’Échangeur, 59 avenue du Général de Gaulle, Bagnolet (Seine-Saint-Denis) jusqu’au 7 novembre. T. : 01 43 62 71 20


Archive pour 6 novembre, 2018

Patrice Chéreau à l’œuvre

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Patrice Chéreau à l’œuvre

Comment exposer le théâtre, art par nature «exposé» au risque de l’éphémère et du vivant? L’Université Paris 1-Panthéon-Sorbonne et les Archives Nationales s‘y sont essayé. Dès l’entrée de l’hôtel de Soubise, l’énergie de son visage et son regard, saisissent le passant. On ne dira jamais assez ce que l’histoire du théâtre doit à la photo. Cela commence par une belle galerie, en haut de l’escalier d’honneur : mieux que la vidéo, la photo sait capter des instants de vie mais sans les figer, dans leur élan suspendu.

Les archives proprement dites : lettres, articles de revues, coupures de presse, en disent moins. Émouvants pour ceux qui ont connu ces spectacles à leur création, curieux pour le public qui a découvert Patrice Chéreau dans sa maturité. Mais les quelques documents concernant ses débuts au groupe de théâtre du lycée Louis-le-Grand nous laissent quand même sur notre faim. Une belle image quand même : l’invention joyeuse du costumier Jacques Schmidt (1933-1996) celui qui fut longtemps celui de Patrice Chéreau, peignant la Grèce de Ménandre sur les T-shirts du Groupe de théâtre antique de la Sorbonne dans les années cinquante. Les premiers spectacles professionnels sont peu documentés et les photos parfois trop peu légendées, à l’exception de celles de vedettes comme Gérard Desarthe, Dominique Blanc, Pascal Greggory. Certes, l’exposition est consacrée à Patrice Chéreau et non à ses comédiens, mais vers qui serait tendu le geste du metteur en scène? Sinon vers eux, les moteurs de son désir de théâtre ?

 Malgré la déception de voir à quel point le théâtre est vivant, donc mortel, ce qui ressort ici:  les images emblématiques du  metteur en scène qui, le doigt  tendu, indique, place, situe; le poing serré, il transmet son énergie. L’article nécrologique du Monde parle de sa nuque « solide » qui, en effet, exprime la même puissance concentrée, en réserve. L’exposition remplit alors son contrat et fait ressentir quelque chose de l’homme, de l’artiste. Mais là encore, pour la génération qui a suivi sa carrière: pas de Chéreau sans les costumes de Jacques Schmidt, ni les scénographies de Richard Peduzzi et les lumières d’André Diot. Ensemble, ils  ont inventé une nouvelle esthétique du théâtre, étendue à l’opéra conçu comme un « théâtre au-delà du théâtre », partenaires indispensables de Pierre Boulez pour Le Ring de Wagner. Cela est-il montrable dans une exposition ? Sans doute plus difficilement. Quelques beaux costumes de Caroline de Vivaise pour le film La Reine Margot ne suffisent pas à rendre la symbiose unique que le metteur en scène avait réussie à réaliser avec les artistes dont il s’est entouré et qui ont fait de lui, aussi, ce qu’il a été.

On aurait aimé voir de façon plus saillante les images de sa rencontre avec Bernard-Marie Koltès, et de leur compagnonnage des année 80 : quatre pièces en cinq ans, entre autres Dans la Solitude des champs de coton, créée en 1987, reprise onze ans plus tard, puis de nouveau en 95. Miettes de théâtre mais ici maigres et dérisoires, alors qu’on sait la force de l’expérience théâtrale quand elle est réussie. Tant de travail d’artistes, d’artisans prodigieux, tant de passion pour ces quelques instants qui restent dans la mémoire du spectateur, et presque là uniquement…

C’est un lieu commun de le dire mais il s’agit précisément aussi du lieu: commun à l’artiste et au public, partagé, où l’un et l’autre avancent, découvrent une vérité dans l’instant de leur rencontre, une vérité qui ne préexiste ni pour l’un ni pour l’autre. Comme en 1969, quand Chéreau monte au Théâtre de Sartrouville, un Dom Juan de Molière bouleversant. Plus de paysannes d’opérette : Charlotte et Mathurine sont celles de La Bruyère, d’ «étranges animaux penchés vers la terre»,aux mains noires de crasse et de soleil, ce qui rend les compliments du séducteur Dom Juan d’autant plus cyniques; grand seigneur, il est encore plus méchant homme. Elvire n’est plus une élégante bafouée et se tient le ventre à deux mains, criant son désir frustré. Et l’on voit les rouages des apparitions. Et tout ce travail, toute cette pensée qu’en serait-il, si le spectacle n’avait pas fait crier de protestations ou d’enthousiasme ? Il ne peut rien rester ou pas grand chose d’un tel événement dans les archives !

Bref, une exposition frustrante pour ceux qui ont connu les spectacles de Patrice Chéreau : ils ne peuvent y retrouver la flamboyance de leurs souvenirs. Et pour les autres, un vide-grenier un peu anecdotique, un reliquaire dont on voit mal comment il pourrait inspirer de jeunes metteurs en scène. Si, il reste quelques photographies de Patrice Chéreau au travail; Allez donc au théâtre vivant, tout de suite, sans espérer rencontrer un nouveau Chéreau mais un(e) jeune metteur(e) en scène avec la même exigence et la même audace.

Christine Friedel

Archives Nationales, Hôtel de Soubise, 60 Rue des Francs Bourgeois, Paris, III ème, jusqu’au 2 décembre.

 

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