Stück Plastik de Marius von Mayenburg, mise en scène de Maïa Sandoz

Stück Plastik de Marius von Mayenburg, mise en scène de Maïa Sandoz

© François Goize

© François Goize

 On est chez eux, on est chez soi. Le public est installé sur des gradins en carré autour du ring d’un combat familial et social: un salon branché et conventionnel, unité de lieu du théâtre bourgeois. Affaire simple : un couple de la classe dite supérieure : lui chirurgien, elle, assistante d’un célèbre artiste, encombrés d’un fils adolescent, engagent une femme de ménage. Cataclysme : Jessica ou Madame Schmitt introduit au cœur du foyer l’autre, irréductible. Parfaite, elle obéit à tout, s’intéresse au jeune garçon, fasciné. Perfection insupportable pour l’épouse, qui se voit évincée d’un territoire dont elle ne veut pas, y compris dans un geste d’affection envers son mari infantile « qui ne prend pas ses responsabilités ».

Avec cette comédie ordinaire déjà drôle et cruelle en elle même, l’auteur nous emmène bien plus loin, mettant la situation en abyme: le couple s’agite dans la mise en scène éculée du mariage, l’homme dans sa rêverie (s’engager comme médecin sans frontières), la femme dans sa frustration (a-t-elle oublié qu’elle-même voulait aussi être artiste ?). Le garçon filme, l’artiste outre le quotidien pour en faire jaillir l’outrage. Tout est perturbé  et violent, chacun égarant au passage son identité, la nourriture passant directement à l’état de merde. Seule, Jessica s’obstine dans sa fonction, affrontant le désastre. Pourra-t-elle longtemps anéantir l’humiliation en verrouillant son for intérieur… dont nous ne saurons rien ?

Maïa Sandoz, avec les acteurs fidèles de sa compagnie, a choisi une «ligne claire» et assume avec maestria la quadri-frontalité qu’elle a choisie: les comédiens, champions du jeu en 3D, maîtrisent l’espace à la perfection, et sans ornements. Une chose à la fois, à fond, et pas dupe. C’est drôle et bien envoyé : une bande dessinée au trait un peu appuyé, bien vue et vacharde. Cher public, nous nous comprenons, nous sommes du même monde, dans un même espace, en connivence ; nous savons comme nous nous débrouillons mal avec notre culpabilité.

Un spectacle parfaitement réglé, efficace et drôle, et on ne s’en plaindra pas. Un regret ou deux quand même… La caricature de l’artiste (et de l’idée que s’en font, quoi qu’ils s’en défendent, protagonistes et public) est trop réductrice pour qu’on entende ce qu’il apporte de réellement subversif. Il faut se souvenir de la mise en scène de Patrice Bigel, en 2017 à Choisy-le-Roi, pour en retrouver la force. La satire masque ici ce qui, dans cette pièce peut aller jusqu’à l’effroi, en particulier autour du jeune garçon (Maxime Coggio) à l’identité tremblante. Le couple Paul Moulin  et Aurélie Verillon, eux-mêmes enfermés dans la virtuosité de la satire, livrent le seul ridicule de leurs contradictions (et des nôtres).
Pudeur de la souffrance : ne laisser voir ni failles ni faiblesses… On peut discuter tel choix, relever une marche loupée dans la dramaturgie, mais le plus important est ce qui nous est donné en  cadeau : un spectacle prenant et qui «ne veut pas rien dire». Avec un vrai respect du public… Ensuite, à chacun d’aller fouiller dans son propre «tréfonds».

Christine Friedel

Théâtre des Quartiers d’Ivry-Centre Dramatique National du Val-de-Marne, Manufacture des Oeillets, Ivry-sur-Seine ( Val-de-Marne)  au 16 novembre.  T. : 01 43 90 11 11

 

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