Le bon Grain, texte et mise en scène de François Dumont
Le bon Grain, texte et mise en scène de François Dumont
François Dumont avec cette sorte de fable farcesque proche d’un théâtre d’agit-prop, peint ici la vie d’un royaume pris dans un ouragan politique. Dirigé par un roi qui laisse prendre les décisions par son épouse, une reine assez hystérique qui voue une véritable passion à son potager mais indifférente à la vie de son peuple. Et le royaume n’est plus guère dirigé. Un ministre vient annoncer une très mauvaise nouvelle : une île vient de disparaître sous la montée des eaux à cause du réchauffement climatique. Seule solution radicale envisagée par la reine : mettre fin à toute activité industrielle… Le peuple va se révolter et exiger la redistribution des ressources. Mais la reine jupitérienne va éliminer les chômeurs du Royaume. Heureusement, le bon roi arrivera à remettre les choses d’équerre.
C’est on l’aura compris, un théâtre où se confrontent impératifs écologiques et société sans boussole où les hommes ont bien du mal à vivre. « Cette farce du Bon grain, je l’espère, amusera, tout en donnant à réfléchir, dit François Dumont, à quoi mène une écologie sans partage? » On veut bien mais voilà: rien de plus difficile que de mettre en scène une farce avec efficacité ! Cela se passe dans la médiocre salle de la Comédie-Nation : petite scène sans dégagements, plafond bas, visibilité très moyenne pour le public: bref, un rêve de théâtre! Sur le plateau, une autre petite scène de deux mètres sur deux, un perroquet pour accrocher les costumes et de chaque côté, quelques chaises où s’assoient les acteurs quand ils ne jouent pas. Donc l’essentiel pour un théâtre de tréteaux en plein air avec un public très proche disposé tout autour.
Ici, une mauvaise vision frontale ne favorise évidemment pas les choses. Et comme les ennuis arrivent en rafale, disait Jacques Chirac, le texte est bien bavard, dramaturgie aux abonnés absents, mise en scène et direction d’acteurs inexistantes. François Dumont, Pierre Clarard et Hadrien Peters font le boulot, ont une bonne diction mais peinent à être convaincants. Mélody Doxin, elle presque constamment en scène, criaille en permanence et c’est vite pénible. On est parfois à la limite de l’amateurisme et le jeu par moments dans la salle éclairée, n’arrange rien. Et on oubliera les« costumes» blancs ou aux couleurs vulgaires, qui n’en sont pas vraiment.
Que sauver de cette entreprise mal barrée : le thème intéressant et hélas, très actuel! Et une habileté technique indéniable des acteurs à changer de personnage. Mais même s’il y a un potentiel existant, il faudrait reprendre le texte, le resserrer en une demi-heure maximum, mettre la petite scène en quadri-frontalité, foncer le vert cru nauséeux de sa pelouse synthétique, confier la mise en scène… à un metteur en scène et pousser les feux du côté de l’agit-prop, et donc revoir de toute urgence, la direction d’acteurs et imaginer de vrais costumes. Puis aller jouer dehors ou à la limite en salle, mais on insiste: en quadri-frontalité. Bref, il y a encore du pain sur la planche… Un conseil d’ami aux quatre artistes: aller tous en voiture à Audincourt (Doubs) assister à un kapouchnik, ce cabaret très populaire et mensuel du Théâtre de l’Unité: il y a là du bon grain à rapporter et cela peut vous donner de formidables idées…
Philippe du Vignal
Comédie-Nation, 77 rue de Montreuil, Paris XIIème.