Les Mystiques, texte et mise en scène d’Hédi Tillette de Clermont-Tonnerre
Les Mystiques, ou comment j’ai perdu mon ordinateur entre Niort et Poitiers, texte et mise en scène d’Hédi Tillette de Clermont-Tonnerre
Qui se lance dans l’écriture d’un essai, d’un roman, d’une pièce ou d’un scénario, sait qu’il met les pieds dans une sorte d’enfer. Celui des bonnes intentions. “Lui“ entreprend d’écrire sur Les Mystiques. Aussitôt, amis, rencontres, demi-sœur découverte à cette occasion, et même le fantôme de leur père, tous le noient sous les conseils et les livres du genre : «Juste pour toi, mais je ne l’ai pas lu». Vertige: d’un côté, la cohue des documents entassés, et de l’autre, une suite de collaborateurs artistiques, attachés de presse, éditeurs, bureaux de production qui vibrionnent autour de “Lui“. Et l’on dit que l’écriture est un travail solitaire… Une seule solution, la fuite.
Pas étonnant: cela commence par le cauchemar de tout travailleur intellectuel: perdre son ordinateur dans un train, et voir anéanti tout ce qui était capitalisé en vue du «projet». Peut-être est-ce du vécu, ou non. Avec beaucoup d’humour, Hédi Tillette de Clermont-Tonnerre met en scène son expérience des projets, un terme qui désigne toute œuvre d’art naissante et les bonnes fées qui se penchent sur son berceau, pour le meilleur dans le cas présent: résidence d’écriture et de création (au Moulin du Roc à Niort), coproductions, soutiens institutionnels divers. Et pour le pire, parfois. En tout cas pour l’artiste, tiraillé par les doute, ballotté, dépossédé de lui-même. Lui restera alors à entreprendre sa propre expérience mystique pour être délivré et entrer enfin dans la joie de la vie: osons le dire.
On l’aura compris : il s’agit d’une comédie, pointue et juste mais aussi d’une vraie pensée de ce que sont le théâtre et la création artistique, carte (maîtresse) du territoire qu’est la vie. Il faut bien trouver son chemin… Comédie donc, jouée par six virtuoses venus de tous les coins du théâtre et aussitôt constitué en troupe : Mathieu Genet, Bruno Gouery, Mireille Herbstmeyer, Flore Lefèbvre des Noëttes (en Frégoli), Lisa Pajon, Makita Samba. Dans des rôles à transformation ou non, ils partagent exactement le même rythme changeant, le même humour qui tend à ramener au sol quelques envolées aventurées…
Dans sa boîte blanche et mobile mais en douceur et capable de s’approfondir, la pièce tient du film avec ses intermèdes musicaux, chargés sans complexe de souligner les émotions, de la bande dessinée avec son trait légèrement appuyé et sa fantaisie. Mais on est quand même au théâtre et le spectacle ne se prive pas de moments de respiration, de suspenses. Et l’humour devient sérieux : où vais-je, où cours-je, surtout avec un clavier auquel manque la lettre ù (cas angoissant du héros). Ce sont des jeux de mots, mais aussi de vraies questions, l’objet d’une quête que le metteur en scène nous fait gentiment partager. La leçon: il faut savoir perdre, vous verrez quelle liberté vous y gagnez, et comme l’horizon s’élargit… On veut bien ! Voilà mieux qu’un bon moment à partager, avec rires garantis et philosophie pudique.
Christine Friedel
Les Plateaux Sauvages, 5 rue des Plâtrières, Paris XX ème, jusqu’au 23 novembre, puis du 26 au 30 novembre. T. :01 40 31 26 35
Le 6 décembre ACB Scène Nationale de Bar-Le-Duc (Meuse); les 11 et 12 décembre, Théâtre Montansier à Versailles (Yvelines), le 20 décembre,Scènes de Territoire, Bressuire (Deux-Sèvres).
Le 29 janvier, Le Gallia, Théâtre-Cinéma de Saintes (Charente Maritime) et le 31 janvier, 3T Scène conventionnée de Châtellerault (Vienne).
Et du même auteur-metteur en scène : Les Deux frères et les lions, ou ailleurs c’est bien aussi, du 8 janvier au 17 mars, au Théâtre de Poche-Montparnasse, boulevard du Montparnasse Paris (VI ème)