Un Instant, d’après À la Recherche, de Marcel Proust, mise en scène de Jean Bellorini
Un Instant, d’après À la Recherche du temps perdu de Marcel Proust, mise en scène de Jean Bellorini
Ne pas s’attaquer au «monstre»: À la Recherche du temps perdu dans son ensemble mais juste en choper des moments dans l’enfance ou la jeunesse du narrateur. Ne pas s’intéresser au côté mondain d’ A la Recherche, mais aux questions métaphysiques, au Proust philosophe, théoricien de la réminiscence. Jean Bellorini propose un dispositif d’abord thérapeutique: comment se réapproprier une mémoire traumatisée? Le narrateur (Camille de la Guillonnière) permet à sa « patiente » (Hélène Patarot) de mettre au jour les traumatismes de son exil d’Indochine, en utilisant la méthode proustienne. Peu à peu, les textes se bousculent, se mélangent, et Marcel Proust dit la vérité d’Hélène Patarot. Belle idée, mais qui reste une idée.
Le charme commence à jouer, un peu, quand le comédien reprend à son compte le récit, et l’instant du traumatisme qui en est à l’origine : comment obtenir, dans son lit, le baiser maternel et vespéral sans lequel le petit garçon ne peut dormir et qui risque, de plus, de suffoquer… Le narrateur détaille non sans humour les ruses et angoisses propres à la situation. De même, avec plus de gravité, il ausculte une autre tragédie intime, survenue cette fois à l’adolescence: la mort de sa grand-mère tant aimée, et, pire, le fait qu’il n’a pas ressenti sur le moment l’immense chagrin qui s’abattra sur lui, après un déclic inattendu et apparemment peu signifiant …
Intermittences du cœur… mais pour le public bienveillant aussi. Dans ce spectacle, il y a des moments de charme, encombrés par la lourde scénographie de Jean Bellorini: les partenaires sont d’abord coincés à l’avant-scène par un empilement de chaises, et c’est aggravé, à la fin, par l’entrée -difficile- en fond de scène, d’autres empilements façon Tadashi Kawamata, le célèbre artiste japonais exposé il y a huit ans au Centre Georges Pompidou. On se demande -et on a le temps quand on n’est pas emporté par un spectacle! -si ces dizaines de chaises inoccupées figurent l’absence des nombreux personnages dont on ne parlera pas? Ou les souvenirs enfuis? La soupente perchée que les acteurs atteignent en escaladant une solide échelle, peut-elle être la petite chambre rassurante du narrateur?
Ajoutez à cela, la toux sévère d’une spectatrice, les odeurs de cuisine du restaurant du lieu: des perturbations qui font barrière à une écoute déjà fragile. Cet Instant n’est ni révélateur, ni décisif. Au théâtre, il arrive qu’on soit déçu…
Christine Friedel
Théâtre Gérard Philipe-Centre Dramatique National de Saint-Denis, (Seine-Saint-Denis), jusqu’au 9 décembre T. : 01 48 13 70 00.
Les 14 et 15 décembre, Théâtre de la Ville de Luxembourg.
Du 8 au 27 janvier, Théâtre Kléber, Méleau-Renens (Suisse).
Les 16 et 17 février, Théâtre Louis Aragon, Tremblay-en-France (Seine-Saint-Denis).
Du 13 au 16 mars, La Criée-Théâtre National de Marseille (Bouches-du-Rhône); les 20 et 21 mars Théâtre de L’Archipel-Scène nationale de Perpignan (Hérault); les 26 et 27 mars, Théâtre de Caen (Calvados).
Les 4 et 5 avril, Hérault-Culture, Domaine départemental de Bayssan, Béziers (Héraut).