Adieu Jean-Loup Rivière

Adieu Jean-Loup Rivière

crédit Impressions nouvelles

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L’écrivain, enseignant et théoricien avait soixante-dix ans et est mort d’un cancer, il y a quelques jours. Déjà très jeune et passionné par les pratiques théâtrales, cet ancien élève de Roland Barthes, avait monté, entre autres, Bérénice, William S, d’après Shakespeare, au Département Théâtre de l’Université de Caen que dirigeait alors Robert Abirached. Il sera ensuite rédacteur en chef de soixante-dix à soixante seize, d’une bonne revue de théâtre, L’Autre Scène, puis en 1991, des Cahiers de la Comédie-Française, un théâtre où il avait été secrétaire général. Jean-Loup Rivière  collabora aussi à l’atelier de création radiophonique de France-Culture. 

Passionné d’enseignement et de transmission, il fut maître de conférences associé à l’Institut d’études théâtrales de la Sorbonne nouvelle-Paris III en 1995, et enseigna aussi  au Conservatoire National Supérieur d’Art Dramatique et à l’Ecole normale supérieure de Lyon. Il travailla longtemps avec le metteur en scène Jacques Lassalle sur Dom Juan et d’autres pièces classiques. Avec lui, Jean-Loup Rivière publia chez P.O.L, Conversations sur Dom Juan et est l’auteur de nombreux articles et publications sur le théâtre et l’art de l’acteur. Avec lui, disparaît un homme très ouvert, excellent connaisseur du théâtre français mais aussi européen qui  s’intéressa beaucoup aux mises en scène de Jerzy Grotowski et qui traduisit aussi L’Etau, et Je rêve (mais peut-être pas) de Luigi Pirandello.

Philippe du Vignal

Un hommage lui sera rendu le lundi 3 décembre à 13h 30, sous la Coupole du cimetière du Père Lachaise, Paris XIème.

 


Archive pour 27 novembre, 2018

No Border, de Nadège Prugnard, mise en scène de Guy Alloucherie

© Antoine Repessé

© Antoine Repessé

No Border, de Nadège Prugnard, mise en scène de Guy Alloucherie

En fond de scène, un écran dilue des encres noires sur une mer grise et mouvante vidéo de Jérémie Bernaer. On dirait les étangs du Nord, en hiver. On dirait des pleurs de charbon. Cela se passe à Culture Commune, sur l’ancien carreau de mine de Loos-en-Gohelle (Nord). Une véritable performance de Nadège Prugnard, autrice-actrice à la voix et à l’énergie de rockeuse.  Dès que Guy Alloucherie lui en a parlé, elle est partie, des mois, en résidence à Calais. Drôle de résidence où aucun migrant ne réside, si fluctuante, si précaire, si vaillante.

Elle a arpenté la lande, les pieds dans la boue de la “jungle“ pourrie, incendiée, passée au bulldozer et au canon anti-émeute. Pourtant, il y eut là une ville, avec son école, ses commerçants, sa mosquée et son théâtre, en palettes récupérées, en tôle et en bâches de plastique. Une Z.A.D. (zone à défendre) extraordinaire qu’on venait voir de loin, une utopie assez grande pour faire peur au Pouvoir et à l’Ordre. Inondée, gazée, rasée : Nadège Prugnard l’a arpentée dans tous les sens, a rencontré ses habitants, ses héros, et leurs ennemis, puis en a rapporté ce poème torrentiel qu’elle donne elle-même sur scène. En une seule respiration, il charrie tout ce que cette “jungle“ porte d’espoirs, violences, rixes, fleurs et pleurs écrabouillés mais aussi de sourires, trafics et de tout ce qu’on trouvera dans ce bidonville sans cesse reconstitué. Des noms, des lieux lointains, des guerres que les migrants ont fuies, des séparations, des noms encore : « Je suis Chanaz je suis arrivé il y a un mois je viens d’Ethiopie merci pour la rose ! Je suis Zahra je viens du Darfour est-ce qu’elle se mange la fleur ? Je suis Nazari je viens de Téhéran j’ai mis un an et un mois pour arriver the beauty is dead la beauté est morte ils ferment la réalité où aller ? Salut je m’appelle Thierry je suis bénévole et là-bas c’est un camion anti-émeute l’engin coûte un million d’Euros de quoi nourrir 300.000 réfugiés », des chiffres, donc.

Quelquefois, on se dit : trop exagéré, trop sentimental, de mauvais goût, et puis nous sommes emportés par l’héroïsme et la vitalité que les réfugiés ont communiquées à cette autrice-actrice : ce n’est jamais trop, et la belle âme, dont on se méfie tant, on l’aime, flamme dans ce chaos de toutes les couleurs, y compris les plus sales. Ce n’est plus le moment de faire dans le détail : on prend tout, avec l’émotion forte du vrai et de notre impuissance.

Guy Alloucherie  et la chorégraphe Pascaline Verrier l’ont  environnée, avec tendresse, de danseurs et circassiens, d’un joueur de percussions corporelles (Mourad Bouhlali), d’un musicien (Forbon N’Zakimuena) qui la soutiennent, fraternellement. On aime beaucoup le duo acrobatique en douceur entre la petite brune Blanca Franco et le grand blond Sébastien Davis Vangelder : que ne peut-on faire, quand on se donne la main !

Il faut souligner la concentration et la qualité d’écoute du public, surtout des collégiens et lycéens d’Hénin-Beaumont. Après les représentations à Culture Commune, Nadège Prugnard ne prendra pas le temps de souffler: elle s’est déjà engagée avec Koffi Kwahulé, Carole Thibaut, Valérie Schwarcz et le musicien Camille Rocailleux dans une création commune, Les Bouillonnantes, un récital rock poétique. À ne pas manquer non plus.

Christine Friedel

Le 24 janvier, Agora-Desnos, Scène Nationale de l’Essonne à Evry (Essonne).
Le 12 février CIRCA, Pôle national du cirque à Auch (Gers). Le 14 février, Agora, Centre culturel Boulazac-Aquitaine (Gironde). Le 27 février, Le Vivat, Scène conventionnée d’Armentières (Nord).
Les 12 et 13 mars, Le Bateau-Feu, Scène Nationale de Dunkerque (Nord).
Les 22 et 23 mai, Comédie de Clermont-Ferrand, Scène Nationale (Puy-de-Dôme))

Les Bouillonnantes, création du 4 au 7 décembre, Théâtre des Îlets, Centre Dramatique National de Montluçon (Allier).

 

 

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