Epifónima par la compagnie Cirkus Cirkör, direction artistique de Tide Björs, composition musicale de Rebekka Karijord
Festival Les Boréales.
Epifónima par la compagnie Cirkus Cirkör, direction artistique de Tide Björs, composition musicale de Rebekka Karijord
Avec cette nouvelle création, la compagnie Cirkus Cirkör habituée des Boréales veut bousculer la hiérarchie masculine : « Nous avons, dit Tilde Björfos, sa directrice, déjà été témoins des ravages de la guerre et de l’impasse où elle nous conduit. Nous voulons explorer ce qui nous arriverait si nous rompions avec l’ordre hiérarchique traditionnel, si nous nous regardions dans les yeux au lieu de nous regarder de bas en haut. Si nous pensions en cercles plutôt qu’en angles droits, si nous marchions côte à côte plutôt qu’en file indienne. » Tout cela dans la droite ligne d’un pays où le mouvement féministe suédois naît au XVIIe siècle; en 1632, Catharina Stopia fut en Russie la première ambassadrice de son pays et Hedwig Charlotta avec son poème De la défense des femmes (1761) fut une précurseuse de l’égalité entre les sexes. En 1885, Sophie Adlersparre et Hilda Caselli furent les premières femmes à figurer dans un comité de gouvernement. Il y a plus d’un siècle, fut institué un congé de maternité de quatre semaines. Plus près de nous, en 2002 le maire de Stockhölm était Anika Billström.
Pour cette Epifónima (phonéma en grec ancien : son de la voix) et en grec moderne : exclamation, interjection : celles de ces jeunes femmes de la compagnie suédoise bien connue aux Boréales où elle est déjà venue plusieurs fois… Sur le plateau, sept artistes de cirque (Grèce, Canada, Palestine, Pologne, Suède, Suisse…) mais aucun homme ; Cirkus Cirkör dit s’être inspiré pour ce spectacle, de femmes aux parcours atypiques comme Usthar, la divinité de l’amour et de la guerre, Hildegarde von Bingen, la célèbre abbesse bénédictine et compositrice du XIIème siècle, ou Tarana Burke, la fondatrice de Metoo.
Ces jeunes et brillantes jeunes femmes emportent aussitôt l’adhésion du public ; très à l’aise sur le beau plateau du Théâtre de Caen, elles se succèdent seules ou à quelques-unes, dans des numéros d’équilibrisme et/ou de contorsionnisme, à la roue Cyr (un grand anneau) avec laquelle elle circulent sur le plateau, ou au mât chinois, aux tissus aériens mais aussi au trapèze volant mais sans filin à trois (un remarquable sans faute) et des équilibres sur les mains… Toute la chorégraphie est impeccablement réglée sur la musique presque planante par moments de la compositrice norvégienne Rebekka Karijord. Les numéros s’enchaînent vite sur la musique instrumentale qui accompagne aussi de belles chansons.
Au chapitre des réserves, des costumes couleur mauve et lie de vin pas très heureux que l’on peut quand même oublier, et un entracte sans doute indispensable vu les efforts physiques faits par ces jeunes femmes, mais qui casse les choses, et un léger flou dans la seconde partie sans doute à cause de dialogues en anglais non traduits. Malgré cela, si ce spectacle croise votre chemin, ne le ratez pas.
Philippe du Vignal
Le spectacle a été créé, pour la France, au Théâtre de Caen, 135, boulevard Maréchal Leclerc,
Caen (Calvados), du 18 au 24 novembre, en partenariat avec le festival Les Boréales. T. : 02 31 30 48 20
En février, à Fréjus et à Martigues (Var); puis à Oslo (Norvège).