Antisocial, direction du projet de Luminiţa Bîrsan, mise en scène Bogdan Georgescu

F2C10252-4C7E-46A3-86B0-EE15AB8001B6

Focus Roumanie au Théâtre de la Ville :

Antisocial, direction du projet: Luminiţa Bîrsan, mise en scène de Bogdan Georgescu

Au départ, une véritable affaire qui a été relayée et commentée par la presse locale : des lycéens roumains avaient créé un groupe secret sur Facebook, où ils ridiculisaient leurs professeurs. Grâce à un faux profil, l’un d’eux, avait réussi à s’introduire dans le groupe… Sous la pression populaire, aucun élève ne sera puni, et l’affaire sera oubliée. Le spectacle a été créé deux mois seulement après les faits au Théâtre national Radu Stanca de Sibiu et dans des lycées où il a été joué par des acteurs encore étudiants.

Bogdan Georgescu, metteur en scène et dramaturge de trente-quatre ans, veut traiter ici de la liberté d’expression et parler de «la place de l’intime dans l’espace public, la corruption et la dégradation du système éducatif en Roumanie. » Question récurrente : Facebook et morale publique sont-ils compatibles? Sur le plateau dans une demi-obscurité, Cristina Blaga, Paul Bondane, Anton Balint, Călin Mihail Roajdă, Alexandra Șerban, Cristi Timbuș et Gabriela Pîrliţeanu, quatre jeunes et trois jeunes comédie(n)nes, en complet ou tailleur bleu foncé, assis sur des fauteuils de bureau à roulettes autour d’une table à tréteaux rouge vif. Juste éclairés par la lumière de leur téléphone portable qu’ils consultent très concentrés, dans un silence total pendant plusieurs minutes.

Et on va entendre successivement élèves, enseignants, parents qui veulent savoir qui a dénoncé l’existence de ce groupe qui devait rester secret, et comment il faut réagir pour débloquer une situation inextricable où chacun se méfie de l’autre. Complicités et relations amicales de longue date vont voler en éclat avec des échanges souvent des plus virulents  et même de phrases pleins de haine, voire carrément injurieuses, et on en arrivera même à l’affrontement physique entre deux copains! Chacun dévoile un peu de sa personnalité, au  cours d’une sorte de dialogue qui n’en est pas vraiment. Tout à fait impressionnant !

C’est une composante à visée politique du théâtre roumain contemporain : faire du théâtre à partir de faits et situations de la vie ordinaire. « L’Art Actif, dit Bogdan Georgescu,  est de transformer la vie de tous les jours en une œuvre d’art collective. L’idée ; c’est de mettre en lumière des réalités qui, en général, sont ignorées, minimisées ou marginalisées pour créer une prise de conscience et construire une communauté autour du projet. » Ce théâtre que l’on pourrait donc qualifier de communautaire est fondé en grande partie sur la qualité du jeu, ici très rigoureux et absolument exemplaire, et même si le spectacle est court : une heure, on s’attache vite à ces interprètes qui ont pourtant chacun peu de texte.  Ils resteront tous sur le plateau, mais chacun, toujours assis, changera de place en faisant rouler sa chaise pour jouer la scène suivante. Et, à la fin, ils reviendront à la disposition initiale.

Mais on ne vous dévoilera pas le dénouement de ce court mais remarquable spectacle. Un peu gâché par un sur-titrage mal fait, trop rapide et donc fatigant qui oblige le spectateur à courir après le texte. Malgré cette réserve, allez voir cette création, même si elle ne se joue encore que deux jours, (il reste peut-être quelques places).  Elle apporte une bouffée d’air frais salutaire dans le paysage souvent morose du théâtre automnal parisien… Et cela fait un bien fou.

Philippe du Vignal

Théâtre des Abbesses, 31 rue des Abbesses, Paris XVIII ème, jusqu’au 13 décembre. T. : 01 48 87 54 42.

 

 

DAROU L ISLAM |
ENSEMBLE ET DROIT |
Faut-il considérer internet... |
Unblog.fr | Annuaire | Signaler un abus | Le blogue a Voliere
| Cévennes : Chantiers 2013
| Centenaire de l'Ecole Privé...