En attendant Godot de Samuel Beckett, adaptation et mise en scène d’Hélène Mavridou
En attendant Godot de Samuel Beckett, traduction d’Alexandra Papathanassopoulou, adaptation et mise en scène d’Hélène Mavridou
La pièce présentée pour la première fois en 1953 au Théâtre Babylone à Paris dans une mise en scène de Roger Blin, fut ensuite jouée dans le monde entier avec succès. En refusant les codes dramaturgiques traditionnels, son auteur inventait avec Eugène Ionesco, Arthur Adamov… un nouveau théâtre que l’on a appelé de manière réductrice: théâtre de l’absurde.
Au sortir de la guerre, l’Irlandais Samuel Beckett s’était mis à écrire en français, avec du 9 octobre 1948 au 29 janvier 1949 selon le manuscrit, cette incroyable pièce. «J’ai commencé d’écrire Godot pour me détendre, dit-il, pour fuir l’horrible prose que j’écrivais à l’époque». Il invente alors cette situation à la fois extraordinaire et banale de deux compères en rase campagne, près d’un arbre, qui espèrent la venue d’un certain Godot, censé les aider. Pozzo et son serviteur Lucky vont passer. Un jeune garçon à la fin annonce que Godot ne viendra pas ce soir, mais demain.
Un deuxième acte réitère le même schéma que le premier. Rien ne se passe donc: une situation à la fois dérisoire, comique et troublante.Tout finit par un effet de bouclage, avec les mêmes répliques qu’à la fin de l’acte I, mais les locuteurs changent, et cette fois Estragon parle en dernier. Même effet de distorsion entre ce qui est dit, et ce qui est fait : Le texte dit: « Allons-y. » mais la didascalie précise: ils ne bougent pas. Le microcosme scénique s’agrandit au macrocosme, avec le soleil et la lune en mouvement.
Dans cette adaptation, sur le plateau nu, dépourvue d’objets mais plein de fumée, l’arbre mentionné dans les didascalies n’existe plus. A sa place, un éclairage en cercle au milieu du plateau. Hélène Mavridou insiste sur la création d’une clownerie, entre burlesque et grotesque, pour exprimer la détresse et l’impasse de la condition humaine. Et les costumes et masques d’Ioanna Plessa renvoient à l’esthétique du cirque et du théâtre de rue. Les éclairages de Périclès Mathièllis tracent des lignes de démarcation et renforcent l’atmosphère ténébreuse de la musique et des sons de Giorgos Mavridis.
Avec ce spectacle fondé sur la corporalité et la scission du personnage, la metteuse en scène fait une sorte de commentaire du texte. Vladimir : Kimon Kouris et Giannis Léakos, et Estragon: Andreas Kanellopoulos et Giannis Karababas, ces couples jouent alternativement le texte. Quand le premier est muet, l’autre parle ou les couples se complètent et commentent l’action de l’autre. Kimon Kouris est un Pozzo d’une grossièreté adéquate au personnage. Et Giorgos Katsis incarne d’une façon exceptionnelle Lucky, en particulier dans son monologue délirant. Le jeune garçon est joué par deux comédiens, l’un sur le dos de l’autre et forment un personnage presque monstrueux.Et on ne voit pas qu’il s’agit de deux corps: Natassa Exindavéloni et Andreas Kanellopoulos ont une gestuelle généreuse.
Une mise en scène de grande qualité pour un chef-d’œuvre universellement connu.
Nektarios-Georgios Konstantinidis
Théâtre Choros, 6 rue Praviou, Votanikos, Athènes. T. : 00 30 210 3426736