Cyrano de Bergerac d’Edmond Rostand, mise en scène de Jean-Philippe Daguerre
Cyrano de Bergerac d’Edmond Rostand, mise en scène de Jean-Philippe Daguerre
Cette pièce mythique créée en 1897 -Edmond Rostand n’avait pas trente ans!- est parfois boudée par les intellos mais adulée par de nombreux créateurs: entre autres, Denis Podalydès, Jérôme Savary, Dominique Pitoiset, etc.
Au cinéma, en 1990, Jean-Paul Rappeneau avait confié le rôle de Cyrano à Gérard Depardieu. La pièce a sans doute des longueurs et des facilités de rimes mais quelle progression dramatique, quels personnages! Et elle continue à attirer les jeunes metteurs en scène, entre autres, Jean Liermier, Lazare Herson-Macarel (voir Le Théâtre du Blog).
La reprise de cette mise en scène (2016) commence plutôt bien, avec, pour ce théâtre dans le théâtre, l’utilisation des premières loges au parterre de cette salle style XVII ème. Mais on déchante vite: direction d’acteurs floue, interprétation des plus limites et manquant singulièrement d’unité. Même les rôles principaux ne sont pas bien tenus. Charlotte Matzneff (Roxane) n’a pas l’âge du rôle ni une diction correcte. Stéphane Dausch, affublé d’un long nez et d’un bonnet noir, annone son texte sans grande sensibilité. L’acteur qui joue Christian n’a pas non plus l’âge du rôle, semble s’ennuyer un peu et on se demande bien comment Roxane a pu en tomber amoureuse…
On sait l’importance des différentes musiques dans Cyrano. Ici, Il y a un violoniste en scène, lui aussi affublé d’un nez noir postiche comme Cyrano, les Dieux savent pourquoi. Il accompagne très souvent les dialogues, comme si le metteur en scène avait besoin d’une béquille musicale pour faire passer le texte.
Un procédé bien connu et facile, utilisé dans les cours de théâtre mais insupportable dans un spectacle professionnel. Bref, rien ici n’est vraiment dans l’axe et tout manque singulièrement de rythme et de vraie poésie… On va encore nous dire que nous ne sommes pas venus un bon jour mais le public a toujours droit au meilleur, et non à l’approximatif comme ce soir-là!
Côté dramaturgie, le texte est mal coupé, surtout au début et la belle scène du Non merci très écourtée. Probablement faute d’un budget suffisant, les cadets de Gascogne sont réduits à la portion congrue, et il n’y a aucune trouvaille un peu intelligente, sauf l’utilisation d’un balcon de la salle pour la fameuse scène d’amour, malgré un mauvais éclairage et peut-être la seule qui puisse être sauvée de cette berezina programmée.
Celle-très fameuse- du siège d’Arras est bâclée, et la fin, (on ne peut le savoir quand on ne connait pas la pièce), quinze ans se sont écoulés depuis l’acte précédent. Ici, on ne sent en rien l’écoulement du temps, une chose que Jérôme Savary avait si bien réussie. Au Berliner Ensemble, suprême raffinement: pour figurer les années passées dans Mère Courage, les personnages avaient à la fin, des costumes portant des traces manifestes d’usure! Et, ici à la mort de Cyrano, qu’il est pourtant difficile de rater, il n’y a aucune émotion et pourtant quelle scène!
Pas de décors, ce qui n’est pas un inconvénient, sinon un banc rustique et une petite table à roulettes pour figurer l’auberge de Raguenau, bon… Côté costumes, mieux vaut oublier ces guêtres avec chaussures de ville contemporaines, au lieu des cuissardes que portent les cadets de Gascogne, bien peu crédibles, ou la triste robe de Roxane d’une laideur absolue qui ne l’avantage guère. Ces deux heures et quelque sont assez ennuyeuses et le public n’avait pas l’air enthousiaste! Après les saluts, Charlotte Matzneff vient, de la bouillie dans la bouche, recommander au public de parler de ce spectacle s’il l’a aimé, sinon d’éviter de le faire… Et puis quoi encore? On va se gêner peut-être après cette soirée ratée! Comme si on allait ne pas vous déconseiller d’aller voir cette médiocre chose!
Philippe du Vignal
Théâtre du Ranelagh, 5 rue des Vignes, Paris XVI ème, jusqu’au 13 janvier. T. : 01 42 88 64 44.