L’Affaire Jean Zay, adaptation et mise en scène de René Albold
L’Affaire Jean Zay d’après Souvenirs et solitude et Ecrits de prison de Jean Zay, conception, adaptation et mise en scène de René Albold
Un simple lit en fer, et une table avec un ordinateur et deux personnages accompagnés en musique par Camille Albold. Le 19 juin 1944, sa famille reçoit la dernière lettre de Jean Zay exécuté dans un bois de l’Allier où ses assassins ont laissé son corps. Ministre exceptionnel de l’Éducation Nationale et des Beaux-Arts de juin 1936 à septembre 1939 dans le gouvernement du Front populaire, il mit en place entre autres: l’Ecole jusqu’ à quatorze ans, les classes d’orientation, les activités dirigées, les enseignements interdisciplinaires, la reconnaissance de l’apprentissage, le sport à l’école, les œuvres universitaires. Il créa aussi -on l’oublie souvent- le C.N.R.S., le Musée des arts et traditions populaires et le musée d’Art moderne, la Réunion des Théâtres lyriques nationaux, le festival de Cannes…
Il s’engagea dès le début de la guerre. Embarqué sur le Massalia le 20 juin 1940 avec le gouvernement provisoire en partance pour le Maroc, Jean Zay tombe dans le piège tendu par Vichy. Renvoyé en métropole, il est arrêté à Casablanca et ses biens confisqués; d’abord emprisonné à Marseille par le régime de Pétain qui nourrit une haine implacable contre les juifs et la démocratie. Puis le 25 janvier 1941, il sera transféré à la prison de Riom: «La prison nous apprend que nous pouvons nous passer du monde»puis condamné après un simulacre de procès, à la déportation et à la dégradation militaire pour « désertion en présence de l’ennemi « . Des prisonniers meurent de froid. Lui s’exerce à tuer le temps avec des programmes rigoureux de gymnastique. De 7 à 8 h: culture physique; de 8 à 9h : promenade, de 11 à 12 h : étude.
Le 4 octobre 1940, son procès ou plutôt un simulacre, a lieu à Clermont-Ferrand. Il survivra cent jours à son exécution: «Ce n’est qu’en prison qu’on comprend Proust! » Jean Zay, symbole du Front populaire, est victime d’un procès politique et condamné à une peine qui n’avait plus été prononcée depuis Dreyfus. Vichy se venge sur ceux qu’il tient pour responsables de la défaite. En prison, Jean Zay entretient une correspondance quasi quotidienne avec sa femme Madeleine. Et il écrit Souvenirs et solitude sur sa condition de prisonnier et L’Affaire Jean Zay où il démonte les arguments de ses accusateurs.
« Nous voulons faire entendre ce récit, dit René Albold, parce que nous croyons en sa force de témoignage et à la dimension émotionnelle que peut prendre cette écriture dans l’espace théâtral. Cette pensée d’un homme dans sa solitude, redevenue parole vivante, pourrait bien nous aider à structurer notre pensée contemporaine. » Sa mise en scène dépouillée nous fait vivre avec intensité les dernières heures de ce grand homme politique, amoureux de la France libre que fut Jean Zay et témoigne de son intégrité et de sa foi dans la justice et la liberté intellectuelle qui constituaient un acte de résistance à la dictature du gouvernement vichyste…
Edith Rappoport
Théâtre de l’Epée de Bois, route du Champ de manœuvre, Cartoucherie de Vincennes (Val-de-Marne), jusqu’au 19 janvier.
*Samedi 12 janvier après la représentation de 16h, entretien avec Hélène Zay-Mouchard, fille de Jean Zay.