Marchand de Londres de Francis Beaumont, mise en scène de Declan Donnellan

©Johan Persson

©Johan Persson

Marchand de Londres, d’après The Knight of the burning pestle (Le Chevalier au pilon flamboyant)  de Francis Beaumont, mise en scène de Declan Donnellan (en russe, surtitré en français)

Une belle manière de réunir l’ancienne Europe culturelle : faire jouer une pièce subversive de Francis Beaumont, acteur et dramaturge du théâtre élisabéthain, né en 1585 et mort comme le grand William en 1616. Et surtout connu pour ses pièces écrites en collaboration avec John Flechter. La seule de lui conservée est ici mise en scène par le codirecteur britannique de la compagnie Cheek by Jowl, avec les acteurs du Théâtre Pouchkine de Moscou.

Ce sixième spectacle issu de la collaboration avec eux est une ode au théâtre. Francis Beaumont opérait déjà, en 1607, une mise en abyme et une parodie, comme d’autres dramaturges de son époque. Ici deux «spectateurs»: un épicier et sa femme, interrompent la première scène d’un drame conventionnel, une passion amoureuse contrariée. Ils signifient aux  comédiens stupéfaits par leur intervention, qu’ils s’ennuient et qu’ils préféreraient voir un spectacle de cape et d’épée ! Ils leur suggèrent aussi d’intégrer leur fils dans un rôle de chevalier.  «Espérons, dit aux acteurs la femme de l’épicier (ici, une petite bourgeoise), que vous éviterez des propos malsains, je vous laisse décider si cette pièce mérite votre approbation!»

La troupe va essayer de continuer à jouer mais le spectacle est sans cesse parasité par les commentaires du couple qui s’incruste sur scène et par les rodomontades de leur fils qui joue donc un chevalier de pacotille. Actualisée, la pièce permet à Declan Donnellan de critiquer avec humour le théâtre dit « contemporain ». Pour tout décor, un cube central pivotant où son projetées les images des lieux de l’action. Pas de costumes d’époque mais ceux de la vie quotidienne actuelle. Le couple est présenté sous un aspect caricatural:  des Russes visitant Paris à qui rien ne sera épargné : un coup de téléphone d’une amie pendant la représentation, une dispute entre eux qui finira par une émouvante réconciliation.

Le metteur en scène ridiculise aussi l’usage des images vidéo, trop souvent utilisées au théâtre depuis une dizaine d’années, quand l’épicier s’empare de la caméra et va filmer jusque dans les coulisses, créant ainsi un troisième niveau de désordre, après celui de la salle et du plateau. Ce genre de mise en scène exige un rythme enlevé, une précision sans faille dans les enchaînements et un jeu d’une exceptionnelle qualité. Ce que Declan Donnellan réalise à la perfection avec des acteurs qui font preuve d’une justesse et d’une folie jubilatoire pendant une heure quarante.

 Cela finit avec un moment dansé d’une comédie musicale, réglé par la femme de l’épicier : « J’aurais jamais cru que l’on puisse être aussi bien au théâtre » dit-elle comme Pridamant, à la fin de L’Illusion comique (1635) de Pierre Corneille, qui est aussi une pièce de théâtre dans le théâtre  : «Je n’ose plus m’en plaindre, et vois trop de combien/Le métier qu’il a pris est meilleur que le mien/Il est vrai que d’abord mon âme s’est émue:/J’ai cru la comédie au point où je l’ai vue; J’en ignorais l’éclat, l’utilité, l’appât. »

Jean Couturier

Jusqu’au 2 février, Les Gémeaux, 49 avenue Georges Clémenceau, Sceaux (Hauts-de-Seine). T. :  01 46 61 36 67.

 

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