Courtes pièces de Samuel Beckett, mise en scène de Bruno Meyssat

Courtes pièces de Samuel Beckett, mise en scène de Bruno Meyssat

 

©Bruno Meyssat

©Bruno Meyssat

Quoi où, Pas, Catastrophe, Impromptu d’Ohio et Pour finir encore, il y a dans ces  œuvres en un acte, tressées de didascalies, une réinvention du théâtre beckettien. Il y a ici une réelle cohérence entre ces personnages absents en tant que tels et ces espaces définis. Mais où l’auteur n’en pose pas moins et avec acuité, les trois questions kantiennes : Que puis-je savoir ? Que dois-je faire ? Que m’est-il permis d’espérer? Les acteurs parcourent un chemin balisé avec une grande rigueur entre contrainte et liberté, entre mutisme et paroles, incarnant notes et silences d’une partition musicale. L’ici et maintenant de la représentation ouvre à toutes les probabilités de la vie entre conscient et inconscient. Ces dernières pièces de témoignent d’un aboutissement de l’art théâtral de l’auteur.

Bruno Meyssat privilégie leur unité et leur enchaînement et respecte les sacro-saintes didascalies chères à Samuel Beckett. Dans Quoi où, la voix de Bam, sous forme d’un petit porte-voix à hauteur d’homme et les autres personnages : Bem, Bim, Bom, aussi semblables que possible, hantent la scène. Vêtus de la même longue robe grise, ils ont une misérable et longue chevelure aussi grise et approchent d’un rectangle de lumière où le public les découvre. Ensuite alternativement, ils s’en  éloignent et disparaissent dans l’ombre. Même interrogatoire obsessionnel, «tête basse » ou «tête haute» selon les moments de la confrontation et le temps des quatre saisons: une métaphore scénique des batailles intérieures et des doutes qui minent l’existence.

Avec Pas, le public assiste au va-et-vient de May, cheveux gris en désordre, peignoir aussi gris dépenaillé traînant sur le sol, cachant ses pieds. Elle arpente l’avant-scène sur un chemin de garde éclairé (belles lumières précises de Franck Besson)  et sa mère, au lointain et dans le noir, compte les pas de sa fille. Les marques de l’autobiographie beckettienne sont  aussi mise en lumière : insomnie, obsessions et maladie maternelle, tandis que la fille ou le fils s’extrait avec peine de la douleur.

Catastrophe est une sorte de mise en abyme du Théâtre : à l’avant-scène côté jardin, un metteur en scène assis avec toque et manteau de fourrure noirs…En blouse blanche, son assistante obéissante, debout près de lui, carnet dans la poche et petit crayon à l’oreille, donne du feu au cigare du maître quand il l’exige. Il faut arranger aussi le mieux possible le protagoniste muet debout sur un cube noir, portant un chapeau à larges bords et une longue robe de chambre noirs, pieds nus, tête basse et mains dans les poches. Un exercice de manipulation à deux degrés, le concepteur sur l’assistante et réciproquement, les êtres n’étant jamais autonomes mais liés.

L’Impromptu d’Ohio met en situation, assis à une table deux hommes semblables, long manteau noir et longs cheveux blancs : L’Entendeur et Le Lecteur. La tête baissée, l’un sur son livre et l’autre sur la table, ils ont la main gauche posée sur la table. Quand l’Entendeur frappe sur la table, le lecteur reprend sa dernière phrase, et ainsi de suite. Soit un même personnage dédoublé.

 En voix off, depuis le porte-voix, on entend des extraits de Pour finir encore: «J’ai renoncé avant de naître, ce n’est pas possible autrement, il fallait cependant que ça naisse, ce fut lui, j’étais dedans, c’est comme ça que je vois la chose… il ira mal, à cause de moi, il ne pourra plus rester en place, à cause de moi, il n’y a plus rien, j’y mettrai le nécessaire. » Là encore, l’être se dédouble, soi et autre à la fois, prêt à vivre malgré tout, sans jamais rien lâcher des perceptions sensorielles et existentielles, et en toute conscience. Belle scénographie avec rais de lumière, sur quelques objets comme cuvette de métal, chapeau melon et paires de chaussures noirs, rondins et planche de bois, lampes-tempête suspendues. Direction d’acteurs sûre avec de bons acteurs: Philippe Cousin, Elisabeth Doll, Frédéric Leidgens, Julie Moreau et Stéphane Piveteau.

 Véronique Hotte

La Commune-Centre Dramatique National d’Aubervilliers, 2 rue Edouard Poisson (Seine-Saint-Denis) jusqu’au 30 janvier. T. : 01 48 33 16 16.
Le Théâtre de Samuel Beckett est publié aux éditions de Minuit.

 

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