Une vie politique, conversation entre Noël Mamère et Nicolas Bonneau, conception Nicolas Bonneau, co-mise en scène Caroline Melon

Une vie politique, conversation entre Noël Mamère et Nicolas Bonneau, conception de Nicolas Bonneau et co-mise en scène avec Caroline Melon

9F1E4622-6728-4528-AD05-3B4F12FCBBEBNicolas Bonneau pratique un travail de collecte pour créer ses spectacles (voir l’article précédent Qui va garder les enfants? créé le mois dernier dans ce même théâtre). Cette étrange conversation relève du théâtre mais  aussi de la politique. En juin 2017, avec la complicité du festival Chahuts à Bordeaux, Nicolas Bonneau a convié Noël Mamère, alors député-maire de Bègles, à une rencontre inédite sur un plateau. Dans le prolongement des Portraits ordinaires, une de ses précédentes créations, le metteur en scène l’a suivi et l’a interrogé sur sa vie de journaliste puis d’élu. Noël Mamère lui répond au-delà des idées reçues et acceptera d’entrer en scène pour se soumettre aux questions… Franchement et sans tabou.

Il parle ici de ses trente années de vie publique, de sa campagne présidentielle, du premier mariage gay qu’il célébra à la mairie de Bègles en 2.004 mais en toute illégalité. Malgré 4.000 lettres de menaces, il n’a pas cédé! « Le mariage est une construction sociale et la procréation n’est pas la condition de sa validité; sinon, il faudrait annuler les unions sans enfants. »  « Le rôle d’un politique n’est pas de se taire pour ne pas gêner. Il faut créer le débat. J’en prends le risque et j’accepte le terme de provocateur. » L’avenir lui donnera raison. Il parle aussi de ses interventions comme député  à la tribune à l’Assemblée Nationale, d’un fauchage de plants O.G.M auquel il a participé. Là aussi, il aura une attitude de veilleur tout à fait positive. Les questions s’affichent sur écran et il a quelques minutes pour y répondre, avec un minutage précis.

Une rencontre inattendue: on a en effet du mal à croire qu’un homme politique aussi connu  vienne parler de lui sur une scène parisienne. Un spectacle surprenant, ludique mais aussi fort instructif…

Edith Rappoport

Le spectacle a été joué au Théâtre de Belleville, 94 rue du Faubourg du Temple, Paris XI ème. T. : 01 48 06 72 34.

 


Archive pour février, 2019

Qui va garder les enfants? de Nicolas Bonneau et Fanny Chériaux, mise en scène de Gaëlle Héraut

Qui va garder les enfants? de Nicolas Bonneau et Fanny Chériaux, mise en scène de Gaëlle Héraut

© Richard Volante © Pauline Le Goff

© Richard Volante © Pauline Le Goff

Le titre du spectacle reprend la phrase idiote et machiste de Laurent Fabius (il ne pourrait  plus se le permettre aujourd’hui et se ferait insulter sur tous les réseaux sociaux). C’était en 2.006 quand Ségolène Royal avait posé sa candidature à la primaire socialiste comme François Hollande avec qui elle vivait.

C’est une sorte de théâtre-documentaire, dit à la première personne mais aussi joué, que Nicolas Bonneau va développer en une heure et quelque. Pour parler de la place des femmes en politique dans la douce France d’aujourd’hui, de jeunes femmes ou moins jeunes, de gauche comme droite ou du centre, des élues de petites ou grandes communes, d’anciennes ministres dont Nicolas Bonneau a recueilli les témoignages sur plus de deux ans.

C’est la matière même d’un spectacle inégal où son auteur semble parfois avoir du mal à placer le curseur entre un théâtre purement documentaire et un récit personnel où il parle de ses relations avec les femmes. Sur le plateau, un fauteuil, quelques paires d’escarpins qu’il chaussera parfois et dans le fond, un petit escalier en spirale encombré de chaises inutiles. Cela commence bien lentement par une sorte de parodie de la misogynie mais on discerne mal où Nicolas Bonneau veut en venir.  Puis il interviewe en les jouant aussi : Yvette Roudy, ministre des Droits de la femme sous la présidence de François Mitterrand, Christiane Taubira, Marylise Lebranchu, Ségolène Royal, Roselyne Bachelot, Nathalie Kosciusko-Morizet, et une députée, Clémentine Autain mais aussi Virginie Lecourt, maire d’une petite commune (170 habitants) :  Saint-Junien-les-Combes, près de Bellac (Limousin). Il passa une journée avec elle sur le terrain  et c’est sans doute le meilleur des sketches, à la fois bien construit et plein de vie.

Mais le spectacle tourne parfois au catalogue quand Nicolas Bonneau cite seulement la célèbre Olympe de Gouges qui écrivit en 1791 une Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne, Louise Michel, Rosa Luxembourg, ou encore Édith Cresson et Marine Le Pen. Le narrateur parle aussi d’Angela Merkel dont il admire beaucoup les stratégies pour écarter ses adversaires, ou encore Margaret Thatcher, l’intransigeante «dame de fer»…. Cela commence à faire beaucoup de monde! Qui trop embrasse, mal étreint et aimer, c’est choisir, comme disaient nos grands-mères: ces vieux dictons restent valables et en particulier sur une scène. Par ailleurs, Nicolas Bonneau parle aussi souvent de sa famille et de Caroline, sa première amoureuse. Il avoue l’avoir bêtement quittée parce qu’il était jaloux qu’elle réussisse comme syndicaliste étudiante. Il la reverra mais, entre temps, elle aura aussi réussi à se faire élire députée et elle lui tiendra la dragée haute.

En passant Nicolas Bonneau rappelle -mais on se demande bien pourquoi- que Zeus avala Métis, son amante et que la déesse Athéna sortit armée de la tête de Zeus. Il y aussi une chanson sur les femmes à l’Assemblée Nationale. Un sketch pas vraiment drôle et que l’on oublie vite. Bref, un spectacle avec de bons moments: Nicolas Bonneau a un talent indéniable de conteur… Mais on reste un peu sur sa faim; il y a des longueurs et l’ensemble n’est pas toujours passionnant. La faute sans doute à un texte parfois bavard et à une dramaturgie mal maîtrisée sur un thème casse-gueule; on a souvent l’impression que son auteur navigue à vue… Sa Caroline aura le dernier mot du spectacle avec un message qu’elle lui adresse, assortie d’une phrase de Groucho Marx: les hommes sont des femmes comme les autres… Bien vu.

Philippe du Vignal

Jusqu’au 31 mars, Théâtre de Belleville, 94 rue du Faubourg du Temple, Paris XI ème. T. : 01-48-06-72-34.

 

Le Lien de François Bégaudeau, mise en scène de Panchika Velez

le lienLe Lien de François Bégaudeau, mise en scène de Panchika Velez

« Familles, je vous hais! Foyers clos, portes refermées, possessions jalouses du bonheur. » La célèbre phrase des Nourritures terrestres (1897) d’André Gide est éternelle. Depuis que l’humanité existe, la tribu et la famille demeurent un lieu de bonheur mais parfois aussi de conflit. Et l’on sait que la majorité des actes de violence  se passe au sein du foyer. Les tragédies grecques ou romaines, ou encore élisabéthaines et autres drames jusqu’à nos jours, en sont de bons exemples. Dans cette pièce, il s’agit plus précisément du rapport mère/fils. Ici, une relation entre une mère aimante, mais gauche et attaquée par un fils dur, mais sensible. Dans les théâtres moderne et contemporain, la liste est longue de ces relations: entre autres, La Ménagerie de verre, une des œuvres les plus émouvantes de Tennessee Williams, avec la figure d’une mère autoritaire et protectrice, ou dans La Mère de Florian Zeller avec Catherine Hiegel en 2.010  et mise en scène par Martial Di Fonzo Bo…

La pièce de François Bégaudeau n’est pas une tragédie et se rapproche plutôt d’une comédie dramatique. Christiane, la soixantaine, une retraitée d’origine modeste, vit dans une ville de province. Elle a su cependant transmettre à son fils, Stéphane (Pierre Palmade) devenu écrivain, le goût de la lecture et des livres. Au début, le ton est celui de la légèreté, de l’humour grinçant, avec une écriture précise et sobre. Mais «le lien» va petit à petit vite prendre un caractère plus tendu. Vont alors s’affirmer toutes les contradictions et la frustration sentimentale de la mère  comme du fils, des êtres tout simplement humains, seuls, et en recherche de l’amour.

Il est venu lui rendre visite et elle a préparé un déjeuner. L’unique décor (Claude Plet) représente un intérieur modeste mais soigné: une pièce à vivre assez grande avec une table, un banc, une chaise avec, en arrière-plan, un coin cuisine. Côté jardin, une fenêtre et une petite entrée. Au début, nous découvrons  la mère et le fils attablés pour un repas, au moment du fromage. Il y a un long soliloque de Christiane. Thème principal de ce flot continu de paroles: le fromage de chèvre : «C’est pas le chèvre que t’aimes, celui-là. Je voulais en prendre comme tu préfères, avec la croûte dure mais la fromagerie du Carrefour City est fermée. » (…) « En fait, ils ont un problème de j’ai pas bien compris quoi, des histoires de … Tiens. (Elle prend l’assiette de Stéphane, y pose un morceau de fromage mais il n’y touchera pas)… des problèmes avec le lait, il m’a expliqué.»

Ce long texte, magistralement interprété par Catherine Hiegel, ouvre cette comédie dramatique dont la suite devient vite moins anodine. Sans elle, l’écriture simple et si juste de François Bégaudeau aux répliques fines et violentes, admirablement agencées dans une langue populaire, charnelle et imagée, n’aurait sans doute pas rayonné avec autant de subtilité et d’intelligence. Le texte chargé de non-dits lourds de sens, du genre: «je t’aime, moi non plus », mais aussi de reproches brutaux à la limite de l’humiliation résonne dans toute sa théâtralité. «Enlève ce blouson, par cette chaleur.» Stéphane lui répond: «Non, puisque je pars. Si j’arrive, j’enlève le blouson, si je pars, je remets le blouson, c’est logique. » (…) « Qu’est-ce que ça change, si je pars ?» Christiane: «Ça change que t’es plus là, tiens. T’es drôle, toi. » Stéphane: «Qu’est-ce que ça change concrètement. Quand tu parles à table, qu’est-ce que ça change, que je sois là ou pas ? (Christiane attend qu’il réponde lui-même à sa question.) « On peut se lever, tu continues à parler tout pareil, t’as pas vu ? Non, t’as pas vu. Justement, t’as pas vu.»

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Le public est vite touché par la violence qui s’empare de ces personnages déchirés par l’incompréhension et le manque d’empathie. Stéphane est devenu célèbre et bourgeois et les chemins existentiels de la mère et de son fils se sont donc écartés. Mais la tendresse, malgré tout et à jamais, finit par s’infiltrer dans ce «lien» qui existe entre eux. Avec ici, l’incommunicabilité, le renfermement sur soi, l’amour-propre et l’amour impossible mais tant désiré, et une blessure. Stéphane: «Je ne réponds jamais à tes questions pour l’unique et simple raison que tu ne m’en poses aucune !» Christiane: «C’est la meilleure celle-là !»  Stéphane: « Oui, c’est la meilleure, là, on est d’accord. La meilleure de toutes. Plus j’y pense, plus ça me scie, je suis estomaqué, estomaqué que ma mère se branle complètement de ma vie.» Au cours de ce face-à-face, Françoise, une vieille amie de Christiane, arrive et va alléger la tension. Là aussi, Marie-Christine Danède, réussit avec  franchise et finesse, à donner une puissance dramatique et une poésie à cette femme sans histoires, ordinaire mais gaie, et encore curieuse de l’existence.

Le  jeu de Pierre Palmade est un peu décevant. Très présent, émouvant ou presque épouvantable, le personnage, dans toute sa splendeur, nous ravit. Puis, on ne sait pourquoi, reviennent ça et là, certaines expressions dont il a le génie mais qui n’ont pas leur place ici. Dommage: cela étouffe parfois les espaces inarticulés et fugaces enfouis dans la pièce et que seule, la magie de l’interprétation peut faire surgir… Mais il ne faut pas se tromper de baguette magique!

Elisabeth Naud

Théâtre Montparnasse, 31 rue de la Gaîté, Paris XIV ème. Jusqu’au 29 mars. T. : 01 43 22 77 74.

Am Königsweg (Sur la voie royale) d’Elfriede Jelinek, mise en scène de Falk Richter

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Am Königsweg (Sur la voie royale) d’Elfriede Jelinek, mise en scène de Falk Richter

Falk Richter, quarante neuf ans, a créé à partir de 1996, des spectacles  en Allemagne mais aussi à Amsterdam, Strasbourg, Bruxelles, Venise, Paris (voir Le Théâtre du Blog). De 1.999 à 2.017,  il  a été auteur et metteur en scène associé à la Schaubühne de Berlin et est depuis deux ans, artiste associé au Deutsches Schauspielhaus de Hambourg. Falk Richter a été nommé pour ce spectacle par  les critiques de la revue Theater Heute,  le metteur en scène de l’année, Benny Claessens, l’acteur de l’année, le créateur des costumes Andy Besuch le costumier de l’année, et le texte d’Elfriede Jelinek, la pièce de l’année. « Il n’y a jamais eu, dit-il, autant de distinctions pour un seul spectacle dans l’histoire du théâtre allemand !”

 L’écrivaine autrichienne Elfriede Jelinek, prix Nobel de la paix 2.004, a commencé à écrire cette pièce le soir où Donald Trump était élu. Elle y parle du pouvoir politique similaire à toutes les époques et marqué  quoiqu’il arrive, par l’autoritarisme, les violences et les discours agressifs. En quelque trois heure trente, sont évoqués ici et entre autres méfaits, ceux de la mondialisation, des trop fameuses «subprimes», ces prêts hypothécaires surtout dans l’immobilier à  des acheteurs au pouvoir de remboursement insuffisant.  Tant que l’immobilier augmentait, la maison acquise  était hypothéquée et en cas de défaillance, la banque remboursait le crédit en vendant la maison.  A une condition: que les prix de l’immobilier ne baisseraient pas… Mais  le contraire s’est produit et ,il y a déjà onze ans, ce fut un immense désastre boursier aux Etats-Unis puis un peu partout dans le monde. Avec à la clé, la perte pour de nombreux petits propriétaires américains de leur logement, la destruction d’emplois et la délocalisation d’industries nationales, des accords financiers plus que douteux entre représentants de l’oligarchie internationale,  et bien entendu, de sérieux dégâts politiques…

Elfriede Gelinek traite aussi des affaires tout aussi douteuses de Donald Trump et de ses liens présumés avec des criminels de haute volée, et de ses fausses déclarations  d’impôt. «Être aveugle : très pratique aussi. Renoncez à moi, vous le faites de toute façon, renoncez à moi, car je suis malade et ne comprends rien, je n’y vois rien, si, je vois, non, en fait non, allez les yeux, allez les Bleus ! Moi pauvre aveugle je ne comprends pas ce que j’ai commandé.  » (…) « Je ne sais pas ce qui va se passer.  » (…) « Si j’ai involontairement une dette envers vous ? (…) Attention, voilà le nouveau roi, mettez vite l’appareil en marche ! (…) Il est là, et moi, je n’ai plus de lumière. Quelle misère. »

Malgré le plaisir d’avoir ce prix, pour Falk Richter: «Demeure pour moi cependant la terreur de voir combien la pièce et la mise en scène collent à l’époque: elles parlent de l’homme blanc, agressif qui revient aujourd’hui sur la scène du monde et, comme récemment à Chemnitz, y déverse sa colère et sa haine, poursuit à travers la ville ceux qui ne sont pas blancs, braille Heil Hitler et rêve d’une révolution nationaliste de droite… et elles parlent de la gauche pétrifiée, choquée, qui sent qu’elle ne domine plus le débat et ne sait pas comment se défendre contre cette fascisation croissante de la politique, ni comment arrêter ce tremblement de terre. Les temps deviennent difficiles, nous devons être solidaires, nous défendre haut et fort, nous soutenir mutuellement et nous battre ensemble contre ce nouveau fascisme ! »

Sur scène, un remarquable décor d’inspiration surréaliste et qui se revendique comme tel, avec de fausses loges de théâtre, un grand cheval doré, quelques fauteuils rouges style Louis XV, de gros coussins, et dans le mur de fond, une fenêtre où une grenouille verte jouée par un acteur va fasciner le public. Il y a une prophétesse aveugle, saignant de la bouche et des yeux, et un roi fou et délirant  (Benny Claessens), coiffé d’une couronne en carton. Le spectacle participe d’un jeu de massacre mais on a quelque mal à s’y repérer (les écrans de sur-titrage sont petits et posés sur la scène côté cour et jardin ou au dessus de la scène, donc difficiles à lire). Mais aussi d’une sorte de revue de music-hall et spectacle de marionnettes avec projection d’images d’actualités (guerres, incendies, inondations meurtrières, etc. passées en boucle et à grande vitesse. Les acteurs sont tous d’une qualité exceptionnelle, en particulier Benny Claessens en roi-père Ubu délirant et Falk Richter sait créer comme personne, un univers aussi poétique et burlesque que terrifiant.

Mise en scène et direction d’acteurs impeccables, comme les décors de Katrin Hoffman et les costumes d’Andy Besuch. Mais bon, quand on n’est pas germanophone et qu’il faut se référer au texte français affiché en surtitrage qui semble intégral, il est difficile de suivre la prose poétique exceptionnelle d’Elfriede Jelinek. Et, comme on a envie de voir jouer les acteurs allemands  mais aussi la remarquable vidéo de Michel Auder et Meika Dresenkamp projetée directement sur le décor, cela fait beaucoup d’informations à absorber pendant quelque trois heures, même avec entracte… Surtout quand il y a aussi des parties improvisées bien entendu sans titrage. Mais cela dit, c’est toujours un grand plaisir de voir d’aussi bons acteurs allemands, ici très bien dirigés par Falk Richter. Stéphane Braunschweig a eu raison d’inviter ce très beau spectacle, même s’il n’a été joué que quelques jours…

Philippe du Vignal

Spectacle présenté à l’Odéon-Théâtre de l’Europe, place de l’Odéon, Paris VI ème, du 20 au 24 février.
La pièce est publiée dans la traduction de Mathilde Sobottke et Magali Jourdan, est parue aux éditions de l’Arche.

 

La Caisse d’Aris Alexandrou, mise en scène de Fotis Makris et Kleopatra Tologkou

La Caisse d’après le roman d’Aris Alexandrou, adaptation et mise en scène de Fotis Makris et Kleopatra Tologkou

''TO KIBWTIO'' PHOTO_5Aris Alexandrou, de son vrai nom, Aristotelis Vassiliadis, est un écrivain et traducteur grec, principalement connu pour son unique roman La Caisse. Né à Pétrograd en 1922, le jeune Aris Alexandrou suit son père grec et sa mère russe dans leur exil en Grèce en 1930.  Il a une activité de traducteur, notamment du russe (Vladimir Maïakovski, Fiodor Dostoïevski, Anton Tchekhov, Anna Akhmatova) mais aussi du français (Voltaire) et de l’anglais. Et il adhère au Parti Communiste, ce qui lui vaudra des années de persécution et il sera interné quatre  ans dans le camp de Makronissos. Il se réfugie en France en 1967 après le coup d’État des colonels. Il  mourut à Paris en 1978.

Son roman qu’il finit d’écrire en 72, est paru en Grèce deux ans plus tard. C’est une suite de dix-huit lettres, datées du 27 septembre au 15 novembre 1949, adressées au Juge d’instruction par un prisonnier qui reçoit chaque jour quelques feuillets pour écrire sa déposition. Un gardien les emporte aussitôt mais il ne reçoit jamais de réponse. Au cours de la guerre civile grecque, l’auteur de ce récit a été choisi pour participer, avec une trentaine de camarades, à une mission-suicide organisée par le Parti Communiste :  ils doivent apporter de la ville de N. , à celle de K. une caisse fermée dont le contenu leur est inconnu. De la réussite de cette mission dépend entièrement l’issue de la guerre contre les forces gouvernementales. Dès son arrivée à N., le narrateur reçoit,  comme les autres hommes qui ont été choisis, un entraînement militaire spécial, déguisé en entraînement de football. Dans cette ville occupée par les forces communistes, la suspicion est partout et les exécutions pour l’exemple, fréquentes. Ils  s’en vont enfin mais la progression est difficile: le commandement impose un parcours plein de détours. Et il y a des offensives, de nombreux accidents ont lieu et les blessés sont exécutés, si bien que le narrateur se retrouve bientôt seul pour apporter la caisse à K.

Aris Alexandrou utilise sa propre expérience pour décrire une vie coincée entre un communisme intransigeant et une dictature étouffante créant ainsi un monde militarisé où fleurissent les prisons. Le Parti Communiste déshumanise ses adhérents, en les soumettant à une logique hiérarchique suicidaire et à une discipline de fer qui les rend indifférents à leur propre mort comme à celle des autres… Fotis Makris et Kleopatra Tologkou ont adapté le roman  pour en faire un monologue mais en se focalisant sur les scènes d’action. Le narrateur, soumis à un procès imaginaire, se défend devant un public-tribunal en racontant tous les évènements du transport de cette caisse. Les metteurs en scène ont réussi à créer un suspense et le décor simple mais symbolique représente une salle d’instruction. Fotis Makris, seul en scène, joue avec ardeur et passion mais d’une voix parfois criarde et monotone. En quatre-vingt minutes, il arrive cependant à  donner vie à ce texte. Bref, un spectacle intéressant qui fait naître des discussions politiques fécondes.

Nektarios-Georgios Konstantinidis

Studio Mavromichali, 134 rue Mavromichali, Athènes. T. : 00 30 210 64 53 330


Eins Zwei Drei de Martin Zimmermann, musique de Colin Vallon

 

Eins Zwei Drei  de Martin Zimmermann, musique de Colin Vallon

 

© augustin-rebetez

© augustin-rebetez

C’est vue par son concepteur, une démolition en règle, parfois avec une grande saveur de l’art contemporain. Cela se passe  dans un musée ou une galerie. Côté jardin, un piano à queue avec son interprète Colin Vallon. Et des murs blancs avec des cadres de tableaux suggérés par un trait noir. “A mes yeux, les visiteurs d’un musée sont tout autant des œuvres que celles qu’ils viennent y observer. Dans mon travail, les corps ont une qualité matérielle et les objets une dimension humaine. J’aime la collision des deux et les multiples possibles dramatiques que cette rencontre génère.”

Dans le mur blanc face public, une fenêtre et quelques portes étroites par lesquelles Tarek Halaby, Dimitri Jourde et Romeu Runa entrent et sortent sans raison apparente, puis balbutient quelques mots en anglais ou parfois aussi en français. Il y a ainsi une sorte de clown blanc revisité, en veste et pantalon blanc déchiré au genoux, avec des gants noirs à pois blancs, sans cesse en colère. Et un curieux et vieil Auguste courbé en deux, qui a bien du mal à s’imposer aux autres dans cet univers de folie. Bossu à la barbe noire, vêtu d’une longue robe aussi noire. Puis un remarquable contorsionniste immobile, en slip rouge, est recroquevillé dans un cube en plastique transparent installé sur un socle blanc.  C’est, bien entendu, une caricature féroce d’une œuvre de body-art. Il y aussi un tableau accroché au mur avec, à l’intérieur, le même homme replié sur lui-même ou encore une sculpture, issue d’un amas de cordes noires d’abord soigneusement tassé dans un bac rond en plastique puis démoulé et posé tel quel sur le même socle. Cette fois c’est lart minimla qui en prend un coup et c’est d’une belle vérité: manquent ici seulement les invités au vernissage d’une exposition d’art contemporain…

© augustin-rebetez

© augustin-rebetez

Mais il y a aussi toute une chorégraphie comme ces admirables glissades sur le sol de l’Auguste et, au début, un remarquable moment tout à fait dans la veine surréaliste, avec des mains puis des bras, et enfin de longues jambes en équerre qui émergent du sol. Puis un des clowns grimpe sur une sorte d’escabeau en bois qu’il va poser après bien des difficulté sur le piano, lui-même installé sur un plateau tournant. Il veut à tout prix récupérer une barre fluo qui s’est détachée et qui pend. Sans jamais y arriver… Il réussira enfin à s’accrocher tant bien que mal sur le haut du mur, dont il descendra par derrière sans difficulté mais ce maudit mur va se mettre lui aussi à tourner puis à se mettre en angle en le coinçant presque! Mais miracle, une porte étroite dans le fond lui sauvera la vie.  Quel métier d’acrobate, quelle grâce aussi dans cette série d’escalades sans succès mais scéniquement très réussies…

Ces moments sont d’une grande beauté plastique, grâce à ses interprètes qui ont une gestuelle magistrale, et ils rappellent ceux des spectacles précédents de Martin Zimmermann où il était seul en scène. «Pour cette nouvelle création, dit le metteur en scène, j’articule à travers trois personnages des enjeux forts, tels que l’autorité, la soumission et la liberté, qu’elle soit celle de l’enfance ou celle de la folie. » (…) « Depuis longtemps, dit-il, je suis intéressé par la compréhension et la mise en scène de la figure du clown dans le théâtre contemporain. Un clown n’est pas un acteur, n’a pas de genre ; il est là, entièrement, à l’intérieur comme à l’extérieur. Sa figure tourne toujours autour de la question de l’existence. »

Ce spectacle qui a été créé il y a plus d’un an, est parfaitement rodé ; sans paroles ou presque, il bénéficie  de la chorégraphie et des costumes signés Martin Zimmermann qui, malheureusement, ne l’a pas très bien mis en scène, comme s’il avait eu quelque mal à marier théâtre et univers circassien. Le début est déjà lent et ensuite, il y a de nombreuses longueurs et répétitions de gags. Et la musique sonorisée du piano et ensuite de la batterie, beaucoup trop forte, devient envahissante.  Et il y a une demi-heure en trop. Martin Zimmermann gère admirablement l’espace mais sans doute moins bien le temps. Le public semblait partagé: certains spectateurs riaient de bon cœur aux gags et d’autres pas du tout. Une vingtaine a abandonné la partie en route. Circonstance atténuante: le rapport vaste scène/salle en gradins trop grande n’est pas bon et il n’y avait pas la proximité nécessaire avec les trois complices. La précédente pièce de Martin Zimmermann où il était seul en scène dans un lieu plus petit (voir Le Théâtre du Blog) était plus convaincante.

Philippe du Vignal

Le spectacle a été joué du 20 au 24 février au Cent Quatre, 5 rue Curial, Paris XIX ème.

 

Maguy Marin, l’urgence d’agir, documentaire de David Mambouch

Maguy Marin, l’urgence d’agir, documentaire de David Mambouch

© Laurence Dasniere

© Laurence Dasniere

May B, pièce-phare de la chorégraphe est le fil rouge de ce film. David Mambouch était dans le ventre de sa mère à la création de cette  pièce en 1981.  Personne n’était mieux placé qu’un fils, pour réaliser un «documentaire sur la compagnie Maguy Marin et sur May B, vus de l’intérieur. » D’abord boudé par le public, ce spectacle, inspiré des personnages de Samuel Beckett (May est le nom de la mère de l’écrivain) n’en finit pas depuis d’être représenté. Il a été dansé par plus de  cent interprètes! Avec  une reprise en 2016 et dernièrement,  une création à l’école de danse que Lia Rodrigues, l’une de ses premières interprètes,  a ouverte pour les enfants de la favela de Maré, près de Rio de Janeiro.

«Je suis littéralement né dans le monde du spectacle. » (…) « J’ai passé mon enfance sur des parquets de danse et dans les coulisses. » Enfant de la balle, David Mambouch se forme comme acteur à l’Ecole Nationale Supérieure des Arts et Techniques du Théâtre à Lyon, et joue dans la troupe permanente du T.N.P. à Villeurbanne. Pour autant, il ne s’éloigne pas de sa mère et reprend, à l’occasion, un rôle dans May B. Il réalise aussi des captations de ses chorégraphies.

Maguy Marin, L’Urgence d’agir est un portait de la chorégraphe à travers son œuvre et nous amène également au sein de la vie familiale et sentimentale de cette fille d’émigrés espagnols qui s’est vouée à la danse, malgré l’hostilité d’un  père rigide. Plus tard, elle embauche sa mère, couturière, dans sa troupe. Le film rend en passant, un bel hommage à cette femme qui entretint sa famille en travaillant du matin au soir et encouragea sa fille à suivre sa vocation. Mêlant extraits de pièces, images d’archives et interviews, le film montre Maguy Marin depuis ses premiers pas au Conservatoire de Toulouse dans les années soixante, puis à l’école de Maurice Béjart à Bruxelles. Depuis ses débuts précaires, jusqu’aux année où elle dirigea pendant treize ans le  Centre Chorégraphique National de Rillieux-la-Pape près de Lyon. Elle le quittera  en  2012, pour fonder un lieu indépendant : RAMDAM /un centre d’art.

David Mambouch propose ici un parcours sensible dans l’œuvre de sa mère et fait la part belle à ses engagements artistiques et politiques. On voit comment des pièces comme May B ou Cendrillon ont transformé l’image du corps dansant: «Des ballets ou des pièces, qui ne parlent que de corps beaux, jeunes et compétitifs, je trouve cela d’une violence inouïe ; socialement, je veux dire», s’indigne la chorégraphe. «Quel est ce moment de l’histoire du monde que nous façonnons concrètement pas chacun de nos actes ? » s’interroge-t-elle, au début du film. Elle éprouve, encore et toujours,  l’urgence d’exprimer sa révolte à travers la danse. Le réalisateur n’aborde pas ses dernières pièces qui sont loin de faire l’unanimité de la critique. On passe rapidement dans les coulisses de Deux mille dix-sept, renvoyant à cette « urgence d’agir  » (voir Le Théâtre du Blog). « Comment, dit-elle, parler des inégalités, dire les choses clairement sans que ce soit didactique ? Je n’ai pas trouvé la solution, j’ai pris le risque de cet accueil-là avec  cette pièce.»

On a plaisir à se replonger dans les répétitions et séquences-choc de May B  avec  son chœur argileux et archaïque : par exemple, la scène de la masturbation ou encore le magnifique final, quand, émergeant du grommelot, retentissent quelques mots : «Fini! C’est fini ! » Cette artiste qui a toujours pris le risque de se situer à contre-courant et a participé, avec d’autres, dans ces fertiles années quatre-vingt, au renouveau de la danse en France, valait bien un hommage.

 

Mireille Davidovici

 

Sortie du film en salle, le 6 mars.

Du 27 février au 12 mars Reprise de May Be au Théâtre de la Ville, espace Cardin  1 Avenue Gabriel,  Paris 8 e T. 01 42 74 22 77

 

 

La Liberté ou la mort texte et mise en scène d’Anissa Daou

La Liberté ou la mort, texte et mise en scène d’Anissa Daou

A08A44D6-61B3-47C8-8982-8EDD72287E01Cette fiction politique est la première pièce d’une trilogie inspirée par la guerre d’indépendance de la Grèce pour se libérer du joug ottoman au XIX ème siècle, après quatre cents ans de domination. Anissa Draou cherche à nous éclairer sur la situation que le pays traverse aujourd’hui et à nous questionner sur notre propre capacité de soulèvement. Elle  veut rendre vivante et sensible, cette Europe des idées qui cède du terrain à une Europe des capitaux.

Sur le plateau nu, Maïa Foucault déclare: « Je me suis engagée, il y a quelques années. Etre libre, c’est aussi être libre d’agir. Maintenant, je suis prête à mourir. Caïn tua, Penthésilée tua, Théodora tuera ! Je n’étais jamais venue sur l’île de Chios, mais on doit passer la la vitesse supérieure, on va entrer dans un cycle de violences infernales, vous vous croyez libre, vous travaillez pour le sultan ! » (…) « Vous vous engagez pour l’insurrection ? Aujourd’hui, nous disons non ! » (…) « Nous avons le courage de l’optimisme, quand un homme perd la vue, on ne l’envoie pas à l’armée !»

Après un appel au peuple pour l’argent, on emprunte  des capitaux à l’étranger, on vend des biens nationaux. «Je ne partirai pas avant que mon bataillon soit ravitaillé!» Cette étrange confrontation avec un dialogue à travers les siècles entre Anissa Daou, Lucas Dardaine,Maïa Foucault et Robin Guibert, atteint son but: terrifiant, l’avenir européen!

Edith Rappoport

Théâtre de la Reine blanche, 2 bis passage Ruelle, Paris XVIII ème, jusqu’au 16 mars. T. : 01 40 05 06 96.

Et ma cendre…. d’après Marina Tsvetaeva, mise en scène de Marie Montegani

Et ma cendre sera plus chaude que leur vie, d’après Marina Tsvetaeva, mise en scène de Marie Montegani

Crédit photo : Xavier Cantat

Crédit photo : Xavier Cantat

 Marina Tsvetaeva (1892-1941) un des grands poètes russes du XX ème siècle.  Reconnue en France tardivement dans les années 1980-1990, à côté de ses contemporains : Pasternak, Maïakovski, Mandelstam, Akhmatova, elle a subi des épreuves douloureuses entre exaltation et tragédie. Sa poésie est lyrisme, rigueur et éthique, goût pour la musique des mots : oralité, sonorité et rythmique mettant à bas la tradition. Lyrique et passionnée, elle s’est sans cesse heurtée à l’engagement idéologique révolutionnaire. Issue d’une famille d’intellectuels aisés, elle se consacre tôt à la poésie, subissant les privations dues à la Révolution et à la guerre civile. Elle affrontera ensuite l’exil dès 1925, dans le milieu des émigrés russes à Paris qui la rejettent pour ses vues politiques et sa poésie exaltée.

L’indépendance et la solitude la placent à contre-courant de son époque, et elle se dit elle-même révolutionnaire en s’insurgeant contre les Rouges. Elle passe sa vie chichement et dans le besoin, sans cesser d’écrire, éprouvant un malaise face au quotidien mesquin. Elle rentre en étrangère en U.R.S.S. en 1939  et vit l’arrestation des siens devenus pro-soviétiques au moment de l’exil. Son mari, Serge Efron, membre du N.K.V.D. et Alia, leur fille sont arrêtés pour espionnage durant l’été 1939. Lui, est fusillé en 1941, et Alia passera huit ans en camp, puis cinq ans en exil. En juillet 1941, à la suite de l’invasion allemande, Tsvetaïeva et son fils acceptent d’être évacués à Iekabalouga en République de Tatarie. Seule, sans travail et sans aucun soutien, elle se pendra en 1941. Elle a été réhabilitée en 1955.  

Ses quinze carnets, que l’ouverture des archives de Marina Tsvetaeva a fait connaître au public en 2.000, révèlent une écriture fragmentaire et inachevée  de poèmes remplis d’aphorismes, formules provocatrices et jeux de mots mais aussi d’un Journal tenu de 1931 à 1939. Illuminée par la présence d’Alia, elle a pour elle, un amour maternel exclusif et elle néglige sa seconde fille Irina qui mourra de faim dans un orphelinat. Ses poètes préférés sont allemands: Goethe, Heine, Hölderlin… Elle voue aussi une passion à Boris Pasternak dont elle voulait faire porter le prénom  à son fils. Grâce à cet écrivain, elle entre en contact avec Rainer Maria Rilke en 1926. Echange épistolaire avec reconnaissance réciproque, passion pour l’inspiration poétique et l’amour expressif. L’écriture signifie pour elle vivre, et cela dès «l’âge d’argent» russe : les deux décennies précédant la révolution de 1917, avec une poésie à caractère autobiographique. Un choix existentiel et magnifiquement porté ici par Clara Ponsot que dirige avec efficacité Marie Montegani.

Au lointain, un écran vidéo où défilent des images à dominante bleue et sombre, extraites de Jamais la mer se retire de l’artiste Ange Leccia.  Flux, reflux et écume des vagues.. L’actrice se tient, assise, droite sur une chaise, un carnet dans ses mains jointes, digne en robe sombre. Il émane du beau visage lumineux de Clara Ponsot, une ferveur de vivre, un enthousiasme sensuel à distiller et à exprimer grâce à sa voix et sa gestuelle, un goût affirmé pour l’art de dire, mais aussi pour ressentir cette belle énigme d’être au monde.

Véronique Hotte

Le Lucernaire, 53 rue Notre-Dame des Champs, Paris VI ème, jusqu’au 6 avril. T. : 01 45 44 57 34.  Les Carnets ont été publiés dans leur intégralité en 1988 par les éditions des Syrtes.
Ses œuvres T.: 1: Prose autobiographique et T. : 2: Récits et essais, sont parues aux éditions du Seuil.
Insomnie et autres poèmes sont édités chez Gallimard.

 

La Promesse d’Alexeï Arbouzov, mise en scène d’Eléanne Santorinaiou

 

La Promesse (Mon pauvre Marat) d’Alexeï Arbouzov, traduction de Giorgos Sevastikoglou, mise en scène d’Eleanne Santorinaiou

 70C4DEB4-6CB5-4884-9328-1BC34C8633B9Le dramaturge russe (1908-1986) analyse la psychologie et la situation sociale de ses personnages dans un style à la fois lyrique et drôle. La pièce (1965), montée à Paris deux ans plus tard par Michel Fagadau, raconte le parcours de trois adolescents qui se sont rencontrés pendant la guerre. Marik (Marat), un jeune soldat, cherche à survivre dans un refuge. Lika, une fille de seize ans en danger, y trouve aussi un abri. Les conditions sont terribles mais ils goûtent à leur première expérience amoureuse. Un jour, un blessé, Léonidic, les rejoint et le triangle vacille entre l’amitié et l’amour. Très différents, ces jeunes gens partagent leurs difficultés et leurs rêves, leurs rires mais aussi les pleurs et la famine. Marik veut devenir constructeur de ponts: «Les ponts, dit-il souvent, unissent les gens». Lika, elle, rêve faire de la recherche médicale pour sauver le monde des maladies et Léonidic écrit des vers et désire être poète. Des années se sont écoulées, Marik devient un héros mais est porté disparu. Léonidic a perdu une main au combat et est amoureux de Lika. La réapparition de Marik après la fin de la guerre complique la situation: Lika et Léonidic vivent en couple depuis treize ans! Mais qui aime vraiment Lika? Alexeï Arbouzov esquisse d’une façon exceptionnelle les troubles des sentiments et le psychisme de cet étrange triangle de personnages qui vont, après une innocente adolescence, découvrir la dure réalité de l’âge adulte. Ils  ne peuvent plus rester dans la frivolité et devront prendre des décisions qui marqueront leur avenir.

Le spectacle d’Eléanne Santorinaiou, plein de sensibilité et tendresse, alterne moments dynamiques et plus statiques mais l’intérêt du public ne faiblit pas. Jeu et mise en scène sont au service d’une bonne lisibilité des motivations et des actions. Panagiotis Gavrelas (Marik) souligne la difficulté de son héros à exprimer les vrais sentiments qu’il éprouve et à gérer ses relations avec son entourage. Errikos Miliaris (Léonidic) crée un personnage, fragile en apparence mais dynamique et volontaire. Koni Zikou (Lika) incarne la femme : pomme de discorde, elle hésite entre ces hommes représentant deux visions du monde différentes. Un spectacle qui nous a plongés dans une douce mélancolie, tout en nous incitant à réfléchir à la complexité des relations humaines.

Nektarios-Georgios Konstantinidis

Théâtre Fournos, 168 rue Mavromichali, Athènes.  T. : 0030 210 64 60 748.

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