Savannah Bay de Marguerite Duras, mise en scène de Christophe Thiry
Savannah Bay de Marguerite Duras, mise en scène de Christophe Thiry
Une pièce sur la mémoire mais aussi un poème dédié aux actrices de théâtre. L’auteur avait elle-même créé cette pièce au Théâtre du Rond-Point en 1983, avec Madeleine Renaud et Bulle Ogier. Elle publiera un an plus tard L’Amant qui obtint le prix Goncourt
Les souvenirs, la vieillesse, l’amour et la disparition: une jeune femme aide sa grand-mère, une exceptionnelle artiste de théâtre dont la mémoire vacille, à se rappeler les belles choses de sa vie. C’est une plongée dans la mémoire de la grande Marguerite dont les souvenirs de jeunesse se perdent peu à peu mais les douceurs et douleurs en remontent par fragments. On entend une chanson d’Edith Piaf: « C’est fou que j’peux t’aimer ». Marguerite Duras, merveilleusement interprétée par Michèle Simmonet, entre et sort du plateau, et sa petite-fille (Anne Frèsches) lui dit: «Vous avez dû chanter plusieurs étés? Marguerite Duras: «Pendant des mois, il m’est arrivé de mourir chaque soir.» La jeune fille tente de faire chanter sa grand-mère qui lui répond: «Je voudrais être seule, que personne ne vienne ! «
«Vous pensez à Savannah? » lui dit-elle. « Comédienne pour le théâtre, j’étais…» Et elle décrit sa jeunesse, l’histoire de la pierre blanche: «Il l’a sortie de la mer, l’a posée sur la pierre et il l’a regardée. Quelqu’un pleure de bonheur, car ils vont mourir d’aimer. » « Vous vous souvenez de quoi? » dit encore la jeune fille: «De grands marécages à l’embouchure de la mer, un amour mortel dans la monotonie du temps. Il aurait pu revenir, peut-être qu’il n’avait pas trouvé le chemin. On n’a pas voulu écrire une pièce de théâtre pour ne pas réveiller la douleur, ainsi c’est une pièce qui n’a été ni jouée, ni écrite. J’ai vu de grands acteurs se tromper de pièce, et personne n’a rien vu… »
C’est une promenade douce-amère avec Michèle Simonnet et Anne Frèsches, accompagnées par Renan Richard-Kobel (guitare, tuba et petit xylophone) et le spectacle fait monter une étrange émotion…
Edith Rappoport
Théâtre du Lucernaire, 53 rue Notre-Dame des Champs, Paris VI ème, jusqu’au 24 mars. T. : 01 45 44 57 34