Yes Godot, mise en scène d’Anas Abdul Samad
Yes Godot, mise en scène d’Anas Abdul Samad
Anas Abdul Samad vit et travaille à Bagdad. Il monte des spectacles habités comme beaucoup d’autres dans cette ville par les guerres successives et les embargos qui, depuis plusieurs décennies, ont meurtri l’Irak. Son théâtre sans aucune parole n’a jamais été montré en Occident et Yes Godot est un spectacle muet des plus surprenants, conçu d’après Samuel Beckett, à la suite du désastre infligé à son pays par l’armée américaine.
Sur un écran, des images d’avions de combat qui volent, et sur le plateau, des marionnettes manipulées par des hommes voilés qui parfois se roulent par terre. On en aperçoit un la corde au cou qui avance en rythme à petits pas. Celui qui est assis, traverse des immeubles, chaussures à la main. L’autre, casqué, s’assied, le premier prend un bâton en faisant mine de frapper les maisons. Il se saisit d’un mannequin, le caresse et le cache sous son pull. On aperçoit au fond du plateau en projection le visage de Samuel Beckett que l’on admoneste : « Voleur, voleur ! »
Une grande cage se balance, on entend des messages hurlés et troublés. Lucky apparaît courbé, portant des sacs et tombe avec sa radio, met sa tête dans une cage. On voit une envolée de papiers et Samuel Beckett pleure. Ils se bâillonnent et piétinent les boîtes étalées sur le plateau que nous avions pris pour des maquettes d’immeubles dans la pénombre. Au fond du plateau, Lucky trouve une valise et une botte de carottes qu’il dépose sur Estragon couché. Dans un film sur une musique lancinante, du sang coule. Une interprétation maîtrisée de ces trois hommes-marionnettes (Mohamed Omar Ayoub, Anas Abdul Samad et Sadiq al-Zaïdi). Cette violence muette prend sa source dans l’invasion américaine en 2.003 et dans les guerres civiles qui s’en sont suivies…
Edith Rappoport
Spectacle vu au Théâtre Paul Eluard, 4 avenue de Villeneuve-Saint-Georges, Choisy-le-Roi (Val-de-Marne) le 5 février.