Sei personaggi in cerca d’autore de Luigi Pirandello, mise en scène de Luca De Fusco
Sei Personaggi in cerca d’autore de Luigi Pirandello, mise en scène de Luca De Fusco (spectacle en italien, surtitré en français)
Ainsi parle le directeur du Théâtre: «Que voulez-vous que j’y fasse, si, de France, il ne nous arrive plus une seule bonne pièce et si nous en sommes réduits à monter des pièces de Pirandello: rudement calé celui qui y comprend quelque chose! » Le public entre de plain pied dans cette mise en abyme théâtrale vertigineuse. Comment et pourquoi, j’ai écrit Six Personnages en quête d’auteur, est publié simultanément en Italie et en France en 1925, quatre ans après cette célèbre création. L’auteur y raconte un rêve : «Je me trouvai en présence d’un homme sur la cinquantaine, en veston noir et pantalons clairs, les sourcils froncés et le regard revêche à force d’être mortifié. Et d’une pauvre veuve en deuil, tenant d’une main une petite de quatre ans, de l’autre, un garçon d’un peu plus de dix ans; d’une jeune femme provocante, elle aussi en noir. Avec un regard équivoque, toute frémissante d’un dédain joyeux pour le vieux monsieur qui en est mortifié et pour un jeune homme d’une vingtaine d’années qui se tient distant et renfermé en lui-même… »
Au début, les six personnages se mettent à raconter leur triste histoire, l’un coupant l’autre, chacun criant ses explications et jetant à la figure du chef de troupe toutes ses passions exacerbées. Ils luttent individuellement et ils lui résistent,comme aux acteurs qui s’apprêtent à répéter une pièce… de Luigi Pirandello. La première fille de la mère qui a été mariée mais qui vit maintenant avec un autre homme, se prostitue dans une maison de rendez-vous où elle couche avec lui. C’est la seule scène que ces personnages en question rejouent encore. La pièce se joue comme en direct et fait éclater la duplicité de vies insaisissables mais aussi la vacuité de celle des comédiens professionnels qui ne comprennent rien au drame qui se joue devant eux.
«La conscience individuelle fait le drame limité au cercle des parentés et des relations humaines : mariage, adultère, inceste, écrivait Guy Dumur dans Le Théâtre de Pirandello. Le théâtre est dérision. La misère et la médiocrité remplacent la noblesse tragique. L’existence du personnage est contestée: les emplois de mélodrame sont difficiles, tant la lutte contre une vie dépréciée provoque la réticence du public et des acteurs. »
Luca De Fusco, directeur du Teatro Stabile di Napoli dirige Eros Pagni, Federica Granata, Gaia Aprea, Gianluca Musiu, Silvia Biancalana, Maria Chiara Cossia, Angela Pagano, Paolo Serra, Maria-Basile Scarpetta, Giacinto Palmarini, Alessandra Pacifico Griffini, Paolo Cresta, Enzo Turrin et Carlo Sciaccaluga, de manière classique, à la fois expressionniste et onirique, cette pièce de théâtre sur le théâtre. Les jeunes comédiens diplômés de la Scuola del Teatro eux, jouent le premier cercle d’acteurs qui verront surgir sur scène les fameux six personnages. Ils apparaissent figés, en photo grandeur nature en noir et blanc, revenants hiératiques, projetée sur le mur du lointain. Puis, les voilà sur la scène, bien vivants. Le contraste entre vie et fiction, réel et jeu, est sensible et troublant. Les Personnages vivent un drame intérieur que les acteurs et le metteur en scène qui les accueille ne peuvent d’abord imaginer, tant ils sont enfermés dans leur histoire privée.
Sur l’écran au lointain, l’image-vidéo de l’eau frémissante d’un lac, un étrange espace d’attente rompu par un coup de feu, celui d’un suicide… Jeu entre passé et présent, théâtre et réel, théâtre et cinéma, avec de beaux interprètes. Une pièce dont on ne se lasse pas d’écouter les questions de l’auteur sur le sens du théâtre et de la vie.
Véronique Hotte
Le spectacle a été joué du 7 au 10 février, à l’Athénée-Théâtre Louis Jouvet, 7 rue Boudreau, Paris (IX ème). T. : 01 53 05 19 19.