En attendant Bojangles, d’après le roman d’Olivier Bourdeaut, adaptation et mise en scène de Victoire Berger-Perrin
En attendant Bojangles, d’après le roman d’Olivier Bourdeaut, adaptation et mise en scène de Victoire Berger-Perrin
Un jackpot pour Olivier Bourdeaut… On s’est arraché ce premier roman publié en 2016 et couvert de Prix. Cette adaptation théâtrale reçut le Molière 2018 de la mise en scène et continue ici à faire salle comble à sa reprise. Mais le jeune homme a le succès modeste : «Si je suis toujours surpris et flatté d’apprendre que les gens ont ri et pleuré en lisant mes âneries, j’ai été étourdi de les voir réellement rire et pleurer en regardant mes bêtises. » (…) «Voici Georgette, Georges et leur fils, en chair et en os, les voilà en scène et en prose.»
Nombre de critiques littéraires sont tombés sous le charme de cette écriture légère, teintée de mélancolie. Portée ici par Julie Delarme, Didier Brice et Victor Boulenger, c’est l’histoire d’une curieuse famille : le père, fortune faite dans une affaire de garages, essaye d’être écrivain. La mère, un peu fofolle, rêve sa vie. Leur petit garçon « charmant et intelligent » suit le mouvement, trop content de sécher l’école. Il y a aussi Mademoiselle Superfétatoire, une grue de Numidie qu’ils ont adoptée. La famille mène grand train, reçoit tous les soirs dans son vaste appartement : «Mes parents dansaient tout le temps, partout », raconte leur fils.
Qui est Mr. Bojangles? Le personnage-titre d’une chanson de Nina Simone (1971) écoutée sur un vieux disque fétiche de la mère. Une histoire de clochard céleste qu’elle raconte à son enfant. «I knew a man Bojangles/Always danced with worn out shoes/The silver hair, a ragged shirt/And bare ragged paints. » (…) « I met him in a New-Orleans café/He was down and out. » (J’ai connu un homme, Bojangles/Il dansait toujours, les chaussures usées/Cheveux argentés et chemise rapiécée/Pantalon en lambeaux/L’ai rencontré dans un café de la Nouvelle Orléans/Il était au bout du rouleau.»
L’adaptation, fidèle au roman, alterne points de vue du père et récit du gamin partagé entre deux mondes : «Je mentais à l’endroit chez moi, et à l’envers, à l’école, c’était compliqué pour moi, mais plus simple pour les autres». Il baigne en toute naïveté dans cette insouciance des “trente glorieuses“. Mais douloureuse sera la chute quand un rappel d’impôts rattrapera ce couple inconséquent et que «le déménagement du cerveau de maman compliquera la situation». Tout cela, narré avec désinvolture et d’un optimisme résolu, malgré une fin tragique qui fera de lui, un orphelin : «Comment font les autres enfants pour vivre sans mes parents ? » conclut-il.
Loin d’En attendant Godot, la pièce reste une charmante histoire d’amour empreinte de nostalgie et écrite d’une plume allègre, mais aussi un drame qui ne se prend jamais au sérieux. Vue par l’Enfant-narrateur, la démence de la mère qui la conduira au suicide est quand même pour lui un souvenir heureux: il se plait dans cette extravagance et communique son optimisme au public. Pour le père, entrer dans le délire de sa femme est un choix délibéré dont il assume les conséquences. Cette fausse légèreté, sous-tendue de gravité, peut séduire, ou laisser indifférent. Le décor de Caroline Mexme, simple et élégant, la mise en scène et le jeu sans surcharge donnent une juste mesure à ce récit extravagant. Par les temps qui courent, cela apporte un souffle de fraîcheur naïve et de bon aloi. Un remède à la mélancolie que le public apprécie. Mais on peut aussi lire le livre…
Mireille Davidovici
Théâtre de la Renaissance, 20 boulevard Saint-Martin, Paris X ème. T. : 01 42 08 18 50.