The End of reality de Richard Maxwell, mise en scène de Marie-José Malis

The End of reality de Richard Maxwell, mise en scène de Marie-José Malis

 

© Willy Vainqueur

© Willy Vainqueur

L’affaire se joue dans une agence de sécurité : mot inscrit sur les vestes et les casquettes. Des écrans palpitent vaguement, un jeune homme fasse des pompes et travaille ses abdominaux, il se passe peu de choses entre les deux hommes présents mais il y a ici en effet, une sorte d’insécurité permanente. Une candidate au métier se fait plier au premier combat et dit sa peur, une autre viendra plus tard nous offrir un beau discours d’amour : « C’est beau », dira-t-elle, en direction du public… Peu d’événements ou plutôt ce qui serait central dans un autre type de théâtre :  l’enlèvement d’un homme  dans l’agence de sécurité, le départ tranquille d’un prisonnier après un long moment de patience sont ici presque «passés à l’as».  Au milieu d’autres événements purement théâtraux tels que le passage d’un rideau, ou aléatoires comme le vol de deux pigeons dans la cage de scène, venant boire au lavabo, et rejouant les colombes d’une célèbre mosaïque ancienne. Il est question d’un quartier qui change, de Dieu (beaucoup), et d’un rêve de cinéma : une occasion de mettre le théâtre dans le théâtre (conseil pour un casting : «Ne jouez pas») dans l’Amérique de Richard Maxwell.

« Il semble, dit Marie-José Malis, qu’il ne se passe rien d’autre que le cours plat des conversations non filtrées, dans la matière du monde réel, de la culture populaire globalisée etc. et là-dedans se manifestent en continu des micro événements, des levées de la grâce : telle justesse d’énonciation, telle délicatesse de pensée, telle immensité du sentiment. »
On ne saurait mieux dire. Le dossier remis au spectateur de The End of reality est réellement un programme, annoncé et tenu. Marie-José Malis donne toutes les clés de son travail sur le texte et dans son théâtre, avec une scène soutenue par des étais de bois  pour en montrer la fragilité, et des chaises en plastique pour le public,  signe de précarité et de modestie. Sans doute sont-elles là  aussi pour notre inconfort: le théâtre se doit d’être émotionnellement, intellectuellement inconfortable. Il l’est ici.

On recevra avec le sourire, ce discours bien senti contre la bourgeoisie de gauche, très «dame d’œuvres» qui se pince le nez et appelle la police quand il y a un clochard devant sa porte. On sera attentif et en attente, devinant, même avant d’avoir lu le programme, que quelque chose d’important est en jeu. On aimera qu’à un moment, un acteur vienne rompre la fiction en apportant un coussin au «prisonnier» assis depuis trop longtemps sur une marche en bois. On espérera que ce soit la fin, quand s’ébauche, après des allusions à différents genres de divertissement dont  le film noir, une petite « chorus line » de cabaret. Et puis on se sentira coupable de ne pas entendre dans ce spectacle la voix des sans-voix, ni une «écriture aux opérations secrètes : oralité, minimalisme et en même temps fidélité au symbolisme américain, légers décrochés surréalistes ou oniriques, humour, etc. »

La troupe du Théâtre de la Commune et les garçons de l’École des actes font exactement ce qu’ils ont à faire : remplir le cahier des charges  mentionné dans le programme, c’est-à-dire déblayer le théâtre de ce qui ne serait pas une parole «commune», au double sens du terme. Ils prennent le temps de réfléchir entre les mots, de les faire résonner, ce qui fonctionnait très bien avec Pirandello, mais qui, ici, ne leste pas le langage, au contraire. Il s’émiette, se défait : the end of the reality? Le public est patient (le spectacle dure trois heures!) et prend acte de la présence des acteurs, même quand cela n’y arrive pas. Et voilà.

Globalement, la rencontre n’a donc pas lieu. Quand on étudie les signes, on s’amuse à voir avec quel écart, deux points et un trait sont lus comme un visage humain, et, avec quel autre écart, ils ne forment plus alors aucune figure lisible. On se trouve sans doute de ce côté-là. Un théâtre mini-MALISTE…. Est-ce illégitime de demander que le spectacle lui-même nous en dise plus que le programme ? Quand même ! (c’était aussi la devise de Sarah Bernhardt, reine d’un tout autre et ancien théâtre).

Christine Friedel

Théâtre de la Commune, 2 rue Edouard Poisson, Aubervilliers (Seine-Saint-Denis) jusqu’au 22 février. T. :01 48 33 16 16.


Archive pour février, 2019

Peu importe si l’histoire nous considère comme des barbares de Radu Jude

Peu importe si l’histoire nous considère comme des barbares de Radu Jude

ca-mest-egal-si-lon-entrera-dans-lhistoire-comme-barbaresQui se souvient des quelque 380.000 juifs roumains, massacrés ou déportés! Et des près de 20.000 d’entre eux, assassinés à Odessa en 1941 par l’armée nationale, sur ordre du maréchal Antonescu, l’homme fort du régime, avec la bénédiction de l’Eglise orthodoxe. A l’époque, le pays, allié d’Hitler, dépassa les attentes du dictateur et était enthousiaste à l’idée de mettre en œuvre la solution finale, au nom de l’intégrité du peuple roumain.

Après Aferim! qui reçut l’Ours d’argent de la meilleure mise en  scène à Berlin en 2015 et qui traitait des Tsiganes en Roumanie (voir Le Théâtre du Blog), Radu Jude dévoile un pan d’histoire peu connu en général et passé sous silence dans son pays. Il met en scène dans ce film, une jeune artiste, Mariana Marin qui se bat pour faire revivre cet épisode douloureux dans un spectacle de rue grand public. On assiste à sa préparation avec choix des uniformes des armées en présence : allemande, russe et roumaine, consultation d’archives : il y en a peu,  photo d’un gibet, images du procès après la guerre du maréchal Mihail Antonescu et de sa clique… Les répétitions se déroulent dans l’imposant Musée national militaire de Bucarest avec de nombreux figurants amateurs que la jeune femme dirige d’une poigne d’acier, de même qu’elle tiendra bon face aux nombreuses embuches.

Dans un néo-nationalisme ambiant, la voix dissonante de Mariana (Iona Jacob) a du mal à se faire entendre et certains figurants refusent participer à cette mise en scène «anti-roumaine»!  Le fonctionnaire qui finance l’opération (Alexandru Dabija) lui demande de minimiser la part prise aux massacres par l’armée roumaine: selon lui, il ne faut pas utiliser les deniers publics pour choquer les enfants et porter atteinte à la Nation. Loin de céder, Mariana se bat, avec l’appui des livres d’historiens, philosophes et écrivains. «Foutus gens cultivés! » dit le sympathique édile, censeur malgré lui.

Avec cette mise en abyme qui convoque le théâtre, le réalisateur fait le portait d’une femme courageuse se battant seule dans un monde d’homme et il  montre la difficulté des artistes à faire aujourd’hui des créations qui iraient à l’encontre de l’Histoire officielle. Censurés ? Non, mais surveillés. Comme son héroïne pendant les répétitions de sa pièce. Son film est une réponse au discours du Maréchal Antonescu qui déclara au Conseil des Ministres, en juillet 1941:  «Peu importe, si l’histoire nous considère comme des barbares» ! Il y prônait l’ »affranchissement ethnique» et «la purification de notre peuple», tout en justifiant le carnage mené à bien à Odessa, l’automne de la même année.  Il fut condamné à mort et fusillé en 1946 par le Tribunal du peuple pour crimes  «contre la paix, contre le peuple roumain, les peuples de la Russie soviétique, les juifs, les gitans  et pour autres crimes de guerre »

Malgré cela, l’opinion publique voit aujourd’hui en lui un homme providentiel  récupéré grâce à  son anti-communisme et parce qu’il n’était pas corrompu. « Maintenant, dit Radu Jude, ce ne serait plus possible de tourner un tel film. » Entre fiction et documentaire, Peu importe si l’histoire nous considère comme des barbares pose la bonne question, celle de la vérité historique et de ses représentations.

Mireille Davidovici

Film vu au Forum des Images, 2 rue du Cinéma, Forum des Halles, Paris Ier dans le cadre de la saison France-Roumanie 2019. Sortie en salles le 20 février.

Gravité, chorégraphie d’Angelin Preljocaj

Gravité, chorégraphie d’Angelin Preljocaj

 

©jean-claude Carbonne

©jean-claude Carbonne

En 1998, Laurence Louppe écrivait dans la revue du Théâtre de la Ville: «Angelin Preljocaj est un de ces chorégraphes entêtés des années quatre-vingt qui n’ont pas l’intention de s’en laisser conter par le babil des idées en place dans la société, comme dans l’intelligentsia…» Depuis, il a creusé un sillon majeur dans la danse contemporaine, alternant chorégraphies narratives et abstraites. Gravité fait partie de ses pièces expérimentales mais garde un aspect grand public.

Après un début magistral où les jeunes interprètes de sa compagnie naissent du sol avec lenteur, ils vont défier les lois de la pesanteur. Souvent en duo ou en groupe, et sans aucun temps mort, ils s’engagent avec énergie dans des chorégraphies très rythmées, sur des musiques de Johan- Sebastian Bach, Philip Glass, Daft Punk…  On retiendra aussi un beau trio de danseuses au sol  dans une synchronisation parfaite et le solo final tout en tension de Nurya Nagimova qui pousse au maximum les limites de l’équilibre. Entre temps, une surprise avec Le Boléro de Ravel danséen  rosace à géométrie variable, un beau kaléidoscope hypnotique…

Angelin Preljocaj compose ses pièces à partir des mouvements de son propre corps : «Quand je danse, j’ai comme une espèce de flux qui me réjouit et qui me porte. La danse classique cherche à s’émanciper de la gravité, alors que la danse contemporaine utilise la gravité et le poids du corps».  Ce langage chorégraphique virtuose a été très bien accueilli par un public enthousiaste. Angelin Preljocaj, en humble artisan,  cherche en permanence à repousser les limites du corps : «On peut refaire tout cela un peu plus vite » dit-il quelquefois à ses danseurs, pendant les répétitions.

Un spectacle d’une heure vingt promis à un bel avenir et dont les différentes étapes de création ont été filmées pour France-Télévisions par Florence Platarets. «Créer, dit le chorégraphe à la fin du film, c’est ma façon d’exister, d’être au monde et de le regarder. » 

 Jean Couturier

Théâtre National de la Danse de Chaillot, 1 place du Trocadéro, Paris XVI ème, jusqu’au 22 février.

 

Verte d’après Marie Desplechin, mise en scène de Léna Bréban

Verte d’après Marie Desplechin, mise en scène de Léna Bréban, collaboration artistique d’Alexandre Zambeaux (à partir de huit ans)

©Julien Piffaut

©Julien Piffaut

C’est l’histoire de Verte, onze ans qui vit avec sa mère une sorcière (elle n’a jamais connu son père). Elle vivent dans un  petit appartement HLM. Verte est un peu amoureuse de son copain Soufi mais sa mère que cela agace, l’envoie chaque mercredi chez Anastabotte, sa grand-mère, elle aussi sorcière pour qu’elle lui enseigne le métier. Mais cela ne la passionne pas du tout; ce qu’elle voudrait, c’est savoir comment elle va enfin être elle-même et devenir adulte. C’est une sorte de conte de fées façon contemporaine et Marie Desplechin, sans avoir l’air d’y toucher, met habilement le doigt où cela fait quand même un peu mal sur des choses pas toujours faciles à appréhender quand on est un pré-ado et que l’on s’apprête à quitter à jamais les rives de l’enfance? Pourquoi parfois certains enfants, comme elle justement, n’ont-ils pas de père? Anastabotte: « L’entraîneur du club de foot, c’est le pompon! Je savais que j’aurais des ennuis avec Ursule, mais à ce point-là. » Est-ce normal ou exceptionnel? Pourquoi finalement devient-on un papa et une maman ? Qu’est-ce qu’une famille? Comment devient-on adulte ? Des questions qui taraudent la petite Verte qui voudrait bien ne plus supporter le poids de cette sorcellerie familiale et devenir enfin un jour une adulte comme les autres. Mais la vie est compliquée et sa grand-mère, comme souvent les grands-mères, lui sera de bon conseil quand elle rencontrera Soufi. « Je t’assure que tu peux très bien devenir une petite sorcière à ta façon particulière. Personne ne t’oblige à te déguiser, ni même à te servir de tes pouvoirs. Mais il faut que tu les connaisses et que tu les maîtrises. Ensuite, tu agiras comme tu le souhaites. »

 Reste à mettre les mots de Marie Desplechin sur un plateau. « Peut-on s’émanciper des siens sans les trahir ? dit Léna Bréban. » « Ayant été élevée par un père qui n’était pas mon père biologique, je me suis toujours posé beaucoup de questions sur l’hérédité, la transmission, l’identité. « (…) « Que fait-on d’une part de soi dont on a peur, transmise par sa famille ? Ce qui m’a intéressée dans la figure de la sorcière, c’est évidemment sa résonance historique. La femme conspuée, brûlée et martyrisée pour vouloir être différente. » (…) « Celle qu’il vaut mieux éliminer plutôt que l’accepter.» Alors comment représenter aujourd’hui une sorcière et bien sûr, le milieu où elle vit? Dans toute mise en scène réussie, il y a aussi, règle absolue, une scénographie réussie comme celle d’Emmanuelle Roy. Chose assez rare dans les spectacles et encore plus dans ceux destinés aux enfants… Ici, il y a un amour du travail bien fait, notamment dans les accessoires qui au théâtre ne sont jamais accessoires et une grande sensibilité aux matières et couleurs! Guy-Claude François, le scénographe du Théâtre du Soleil sur son nuage peut être fier de son ancienne élève aux Arts Déco.

Sur le plateau, deux praticables à roulettes figurant l’appartement H.L.M. d’Ursule : une cuisine très années soixante: placards d’un inimitable jaune pâle, table et chaises en stratifié rouge foncé à pieds inox. Et l’étroite chambre de Verte comporte juste un lit avec une couette. Mais dans ce lieu aussi réaliste, se produisent (normal on est chez une sorcière, même contemporaine) des effets spéciaux et magiques réalisés par Abdul Alafrez. Inquiétants et poétiques à la fois : une cuiller en bois tourne tout seule dans une très grosse marmite, de petites flammes surgissent dans l’air, les casseroles accrochées se mettent à bouger toutes seules au dessus de l’évier, une belle fleur surgit d’un cornet, il y a des brumes sur le sol et on voit l’image du père apparaître au loin…

Puis, dans une seconde partie, au centre du plateau, on est chez Anastabotte, la grand-mère, avec un gros arbre plus que centenaire, sympathique et protecteur, couvert de mousse à son pied et qui va s’ouvrir sur un intérieur un peu inquiétant et très poétique à la fois avec de nombreux et merveilleux bocaux et fioles mais aussi de drôles d’animaux gluants plus vrais que nature. Un autre monde où Verte trouvera paradoxalement auprès de sa grand-mère les outils pour penser d’une autre façon, quitter l’enfance et se construire… Ursule, la mère un peu excentrique (Céline Carrère) une femme comme on on rencontre dans toutes les banlieues mais un peu bizarre mais même pour une sorcière, assez réaliste: « Il y a quelque chose qui ne va pas. Verte ne montre aucun signe de sorcellerie! Par contre, elle s’est découvert une nouvelle passion : les garçons. Il n’y a plus que cela qui l’intéresse. Quand je pense que je lui ai consacré les plus belles années de ma vie. Elle est si cul-cul que je me demande si c’est bien ma fille. »  Ursule vit donc seule dans ce très petit appartement avec Verte (Rachel Arditi), habillée comme toutes les enfants de son âge : jeans, T-shirts et pull.  Comme son copain Soufi ( Pierre Lefebvre). Seule, la grand-mère Anastabotte paraît vraiment décalée car elle vit dans un monde étonnant surtout pour des enfants. Adaptation réussie de ce court roman par Léna Bréban et son vieux complice Alexandre Zambeaux, remarquable direction d’acteurs (mais mieux vaudrait éliminer au début le micro HF de la mère  qui lui donne une voix trop haute et en décalage) et très bonne unité de jeu; scénographie et mise en scène rigoureuse en parfaite adéquation, costumes réussis de Julie Deljéhier, lumières efficaces et poétiques de Jean-Luc Chanonat: que demande le peuple? Ici, tout est dans l’axe.

Et il y a une écoute exceptionnelle du public: « Vite, fais attention, va à droite » a dit une petite spectatrice de huit ans à Verte: un vrai bonheur! Cet après-midi-là, les enfants avaient environ huit ans: le meilleur âge sans doute pour voir ce spectacle remarquablement mis en scène. Même si vous êtes adulte, il vous touchera comme savait nous toucher dans les années soixante-dix les merveilleux spectacles de Catherine Dasté. Léna Bréban a bien traduire la poésie et l’humour du roman. A la représentation, a succédé une petite séance de questions des plus fines auxquelles les acteurs et metteurs en scène ont répondu. Cela console des créations comme cette très médiocre École des Femmes et Une Conférence des Oiseaux approximative et à  la scénographie et aux éclairages ratés… Philippe Buquet, le directeur de l’Espace des Arts ne s’est pas trompé en accueillant la création de Verte. Petit, plus grand, adolescent, adulte, adulte mûr, adulte plus que mûr, vous n’y verrez sans doute pas les mêmes choses mais vraiment allez voir ce spectacle, vous ne le regretterez pas.

Philippe du Vignal

Spectacle vu à sa création le 5 février, à l’Espace des Arts-Scène nationale de Chalon-sur-Saône.

Les 14, 15 et 16 février à Villefranche (Rhône). Du 21 févier au 3 mars, Théâtre Paris-Villette, 211 avenue Jean Jaurès,  Paris  XIX ème. T. : 01 40 03 72 23.

Comédie de Picardie, du 6 au 8 mars. L’Eclat, Pont-Audemer, le 19 mars. Les Scène du Jura-Scène Nationale, les 21 et 22 mars. Scène Watteau, Nogent-sur-Marne (Val-de-Marne), le 26 mars.
Am Stram Gram, Genève,  du 4 au 7 avril. Comédie de Valence- Centre Dramatique National (Drôme),  les 10 et 11 avril. Théâtres en Dracénie, Draguignan (Var), les 25 et 26 avril.

Comédie de Saint-Etienne-Centre Dramatique National (Loire), du 14 au 16 mai. Théâtre d’Angoulême-Scène Nationale (Charente), du 21 au 23 mai.

Le livre de Marie Desplechin est publié à l’École des Loisirs.

 

 

 

Sei personaggi in cerca d’autore de Luigi Pirandello, mise en scène de Luca De Fusco

Sei Personaggi in cerca d’autore de Luigi Pirandello, mise en scène de Luca De Fusco  (spectacle en italien, surtitré en français)

 

©Marco Ghidelli

©Marco Ghidelli

Ainsi parle le directeur du Théâtre: «Que voulez-vous que j’y fasse, si, de France, il ne nous arrive plus une seule bonne pièce et si nous en sommes réduits à monter des pièces de Pirandello: rudement calé celui qui y comprend quelque chose! » Le public entre de plain pied dans cette mise en abyme théâtrale vertigineuse. Comment et pourquoi, j’ai écrit Six Personnages en quête d’auteur, est publié simultanément en Italie et en France en 1925, quatre ans après cette célèbre création. L’auteur y raconte un rêve : «Je me trouvai en présence d’un homme sur la cinquantaine, en veston noir et pantalons clairs,  les sourcils froncés et le regard revêche à force d’être mortifié. Et d’une pauvre veuve en deuil, tenant d’une main une petite de quatre ans, de l’autre, un garçon d’un peu plus de dix ans; d’une jeune femme provocante, elle aussi en  noir. Avec un regard équivoque, toute frémissante d’un dédain joyeux pour le vieux monsieur qui en est mortifié et pour un jeune homme d’une vingtaine d’années qui se tient distant et renfermé en lui-même… »

Au début, les six personnages se mettent à raconter leur triste histoire, l’un coupant l’autre, chacun criant ses explications et jetant à la figure du chef de troupe toutes ses passions exacerbées. Ils luttent individuellement et ils lui résistent,comme aux acteurs qui s’apprêtent à répéter une pièce… de Luigi Pirandello. La première fille de la mère qui a été mariée mais qui vit maintenant avec un autre homme, se prostitue dans une maison de rendez-vous où elle couche avec lui. C’est la seule scène que ces personnages en question rejouent encore. La pièce se joue comme en direct et fait éclater la duplicité de vies insaisissables mais aussi la vacuité de celle des comédiens professionnels qui ne comprennent rien au drame qui se joue devant eux.

«La conscience individuelle fait le drame limité au cercle des parentés et des relations humaines : mariage, adultère, inceste, écrivait Guy Dumur dans Le Théâtre de Pirandello. Le théâtre est dérision. La misère et la médiocrité remplacent la noblesse tragique. L’existence du personnage est contestée: les emplois de mélodrame sont difficiles, tant la lutte contre une vie dépréciée provoque la réticence du public et des acteurs. »

Luca De Fusco, directeur du Teatro Stabile di Napoli dirige Eros Pagni, Federica Granata, Gaia Aprea, Gianluca Musiu, Silvia Biancalana, Maria Chiara Cossia, Angela Pagano, Paolo Serra, Maria-Basile Scarpetta, Giacinto Palmarini, Alessandra Pacifico Griffini, Paolo Cresta, Enzo Turrin et Carlo Sciaccaluga,  de manière classique, à la fois expressionniste et onirique, cette pièce de théâtre sur le théâtre. Les jeunes comédiens diplômés de la Scuola del Teatro eux, jouent le premier cercle d’acteurs qui verront surgir sur scène les fameux six personnages. Ils apparaissent figés, en photo grandeur nature en noir et blanc, revenants hiératiques, projetée sur le mur du lointain. Puis, les voilà sur la scène, bien vivants. Le contraste entre vie et fiction, réel et jeu, est sensible et troublant. Les Personnages vivent un drame intérieur que les acteurs et le metteur en scène qui les accueille ne peuvent d’abord imaginer, tant ils sont enfermés dans leur histoire privée.

Sur l’écran au lointain, l’image-vidéo de l’eau frémissante d’un lac, un étrange espace d’attente rompu par un coup de feu, celui d’un suicide… Jeu entre passé et présent, théâtre et réel, théâtre et cinéma, avec de beaux interprètes. Une pièce dont on ne se lasse pas d’écouter les questions de l’auteur sur le sens du théâtre et de la vie.

Véronique Hotte

Le spectacle a été joué du 7 au 10 février, à l’Athénée-Théâtre Louis Jouvet, 7 rue Boudreau, Paris (IX ème). T. : 01 53 05 19 19.

 

 

Le Musée juif de Berlin

Le Musée juif de Berlin

 

Une mise en espace de la mémoire conçu par Daniel Libeskind… Rares sont les musées qui font appel par leur architecture-même, aux sensations et à l’émotion des visiteurs : celui-ci propose une véritable scénographie  “immersive“ pour une mémoire de l’holocauste. Inauguré en 2001, c‘est le premier édifice imaginé par cet architecte américain d’origine polonaise qui a conçu des cheminements fléchés, parcours sensibles sur les traces de la Shoah.  Between the Lines (Entre les Lignes)  est pour lui comme le troisième acte de Moïse et Aaron, un opéra inachevé d’Arnold Schoenberg, un acte de silence ». Et il se réfère aussi à Sens unique (Einweg Strasse) de Walter Benjamin pour qui on ne peut mieux connaître une ville qu’en s’y perdant : «Ne pas trouver son chemin dans une ville, ça ne signifie pas grand-chose; mais s’égarer dans une ville, comme on s’égare dans une forêt, demande toute une éducation »…

On est en effet déconcerté par cette architecture au bout d’une allée, qui semble impénétrable, derrière une façade en acier inoxydable aux angles vifs et sans ouverture sur l’extérieur : on n’y entre pas directement mais par un vieux bâtiment, auquel il est accolé : l’ancienne Cour de Justice de Prusse. Selon Daniel Libeskind : «Le musée juif est conçu comme un emblème où l’invisible et le visible sont des éléments structurels qui ont été assemblés dans cet espace de Berlin et révélés dans une architecture où l’innommable rappelle le nom de ceux qui ont disparu. » Son plan biscornu, pour épargner les arbres du sites, se déploie au sol en forme d’éclair (les Berlinois l’ont surnommé Blitz ),  et il évoque une étoile de David éclatée.

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On se perd aussi dans un dédale de couloirs : après être descendu par un profond puits en béton, chacun peut choisir son parcours, suivant l’un des trois axes qui se recoupent et qui s’enfoncent en pente douce vers des «voids» (vides). L’Axe de l’Exil mène au Jardin de l’Exil, L’Axe de la Continuité débouche sur Le Vide de la Mémoire et L’Axe de l’Holocauste mène à La Tour de l’Holocauste. Plafonds bas, éclairages artificiels et parois aux arêtes vives créent un certain malaise physique : cette architecture impose des trajets déroutants et contraint les corps, qu’ils aient pris le chemin de l’Exil, de l’Holocauste ou de la Continuité, à revivre la tragédie du peuple juif. Plus que les mots et les images, l’émotion nous fait regarder autrement les objets et documents de la collection permanente, témoins muets et présentés dans des vitrines le long de trois couloirs.

La structure du musée se fonde sur des espaces vides impressionnants qui ponctuent la visite. Pour Daniel Liebeskind, le vide «renvoie fondamentalement à ce que l’on ne pourra jamais montrer de l’histoire des juifs de Berlin, et renvoie aussi à tout ce qui a été réduit en cendres. » Au sortir de L’Axe de l’Exil, on se retrouve à l’air libre devant un ensemble de colonnes en rangs serrés: «Quarante-huit colonnes remplies de terre de Berlin symbolisent la création de l’Etat d’Israël en 1948 et une colonne remplie de terre de Jérusalem symbolise la ville de Berlin elle-même. »

On pénètre dans La Tour de l’Holocauste par une lourde porte puis on se perd dans l’immensité d’un puits obscur, éclairé par un rai de lumière et plongé dans un silence où parviennent les rumeurs lointaines de la ville. Encore plus impressionnant, Le Vide de la Mémoire : avant d’y arriver, en suivant L’Axe de le Continuité, on entend des sons inquiétants : portés par leur écho, ce sont les pas des visiteurs sur un amas de visages en métal. Fallen Leaves (Feuilles mortes), une installation de l’artiste israélien Menashé Kadishman comportant  «10.000 visages découpés dans de l’acier, afin de commémorer les victimes de l’Holocauste, mais aussi toutes les victimes des guerres et des violences à travers le monde entier ». Bouleversant !

 A l’instar du Mémorial aux juifs assassinés d’Europe de la Porte de Brandebourg, ce musée, au-delà d’une expérience spatio-sensorielle éprouvante, représente un geste esthétique élégant et de haute portée symbolique. Il prend, parmi les nombreux monuments de la capitale allemande, toute sa dimension.

Mireille Davidovici

Musée juif de Berlin, Lindenstraße 9-12, 10969 Berlin.

 

 

Une vraie femme, texte et mise en scène de Sylvie Gravagna

 

Une vraie Femme, texte et mise en scène de Sylvie Gravagna

 516386-que-voulaient-les-femmes-pendant-les-tre-622x600-2Dans ce solo, l’auteure et comédienne tisse le portrait de sept femmes dont les destins s’entremêlent et elle nous parle de de l’égalité des sexes. Directrice de magazine féminin, mère au foyer, députée, étudiante, ou encore starlett: Sylvie Gravagna nous fait pénétrer avec humour dans le quotidien de ces femmes qui ne sont pas toujours d’accord avec la société patriarcale des Trente Glorieuses.

 Sur le plateau quasiment nu, deux paravents, un fauteuil en plastique blanc devant le grand mur en pierres du théâtre où sont parfois projetées des formes colorées ou une  information sur la scène suivante… Sylvie Gravagna jongle avec chaque personnage; des jeux de lumière et costumes différents nous aiguillonnent (mais parfois assez lourdement !) vers les personnages représentés: aucun risque de confusion possible ! Malgré une bonne intention, cela tourne au procédé un peu répétitif et l’attente est grossièrement comblée par des vidéos pas toujours très réussies de publicités et extraits d’émissions télévisées. Des interludes censés donner la parole aux hommes, ravivant ainsi la nécessité du féminisme auprès d’un public…  sans doute déjà aguerri.

 Sylvie Gravagna a été un peu ambitieuse et la longue période  -de 1946 aux années soixante – que couvre ce texte, suppose une certaine obligation d’aller vite sur le plateau, alors que nous aurions aimé mieux sonder les discours et mentalités des protagonistes. Et l’utilisation d’un trop grand nombre d’accessoires implique des va-et-vient entre coulisses et scène, injustifiés et fatigants pour l’œil. Mais difficile de ne pas succomber à l’enthousiasme de Sylvie Gravagna qui nous questionne ici sur notre actualité.

L’autrice et comédienne conclut ce solo sympathique par le nécessaire passage du flambeau de la lutte féministe aux filles des différentes femmes qu’elle incarne et il est bien ici question de legs. Le public est, à ce titre, invité à discuter après le spectacle avec des membres d’une association féministe dont la démarche renvoie à la méthode d’Augusto Boal (1931-2009) dramaturge, metteur en scène et théoricien mais aussi homme politique brésilien qui créa le Théâtre de l’Opprimé dans son pays; il encourageait le public à réfléchir sur sa méthode, le théâtre-forum pour affronter les conflits et ainsi devenir «spectActeur». Mais ironie du sort : à cette représentation, il n’y avait que cinq hommes dans le public…

 Alicia Karger

Spectacle joué du 6 au 10 février, au Théâtre de l’Opprimé, 78 rue du Charolais, Paris XII ème. T. : 01 43 45 81 20.

 

Il pourra toujours dire…, texte et mise en scène de Gurshad Shaheman

Il pourra toujours dire que c’est pour l’amour du prophète, texte et mise en scène de Gurshad Shaheman

© Christophe Raynaud de Lage

© Christophe Raynaud de Lage

L’auteur donne voix à des migrants, ceux  qu’on entend peu car voués aux gémonies dans les terres d’Islam, du fait de leur orientation sexuelle. Il a connu lui aussi les chemins de l’exil depuis son Iran natal, avant de s’établir en France où il se forme à l’Ecole Régionale d’Acteurs de Cannes et Marseille. Pour sa deuxième mise en scène, après un triptyque autobiographique intitulé Pourama Pourama, il s’est donné «pour mission d’aller en quête d’autres histoires d’exil, d’amours interdites et de guerre, pour en rassembler les fragments sous forme d’un oratorio pour le théâtre. »

Et il a passé un mois et demi à Athènes et à Beyrouth, à écouter une vingtaine de jeunes gens (entre seize et trente ans) venus d’Irak, de Syrie, du Maghreb… fuyant leur pays pour diverses raisons : guerre, répression homophobe, antagonismes religieux… Une fois les récits individuels  collectés, il s’agissait de les tisser ensemble, de les mettre en forme en respectant la singularité de ces histoires, pour les rendre universelles. Mission accomplie: ces témoignages, réécrits avec délicatesse et talent, s’entrecroisent et se répondent, et composent une fresque chorale impressionnante. Articulée en trois parties : des récits d’enfance où l’on questionne son identité ethnique religieuse ou sexuelle, puis une exploration des causes de l’exil, et enfin une peinture des traversées de chacun(e).

Quinze jeunes comédiens, élèves de l’Ecole régionale des acteurs de Cannes et Marseille, s’approprient  avec justesse les mots de Gurshad Shaheman. Ils bougent peu et leur voix seule nous parvient, d’abord dans la pénombre. La presque immobilité des corps donne plus de force à leurs propos, au risque de rendre le spectacle trop statique. Mais Il pourra toujours dire que c’est pour l’amour du prophète finit par  trouver son rythme, soutenu par la musique discrète de Lucien Gaudion. Il fabrique des climats sonores, composés de vibrations électro-acoustisques à variations infimes pour appuyer ces paroles qui portent comme des leçons de vie:  «On a une très forte relation/À notre valise/Nos valises/Dans le première valise tu transportes toute ta mémoire/Après tu découvres que ce n’est pas très important/Alors ta valise devient plus petite/De plus en plus/Et vraiment là/Tu ne prends plus que le stricte nécessaire/Et même ça tu pourrais t’en passer/A la fin/Ce qui compte/C’est que tu existes encore. »

Cet oratorio, partition pour orchestre vocal, se déploie dans un clair obscur qui se dissipe peu à peu pour un dernier témoignage en pleine lumière, sur la musique de C’est si bon, chanté par Joséphine Baker. Une note d’optimisme sur les chemins de la liberté. Une belle expérience à partager et on espère que ce spectacle créé au festival d’Avignon l’été dernier n’en restera pas aux quelques représentations programmées à Aubervilliers.

 Mireille Davidovici

Jusqu’au 14 février, Centre Dramatique National d’Aubervilliers, 2 rue Edouard Poisson Aubervilliers (Seine-Saint-Denis).  T. :01 48 16 16.

 

Trans (mes enllà) de Didier Ruiz

Trans (mes enllà) de Didier Ruiz

L’enfermement, un thème remarquablement mis en scène dans Une longue Peine (2016) toujours à l’affiche, se manifeste à nouveau mais sous un autre visage, dans la dernière création de Didier Ruiz: «J’ai eu envie, dit-il, de continuer à interroger l’enfermement, avec ceux qui ne se reconnaissent pas dans le corps avec lequel ils sont nés ou avec l’identité qui leur a été attribuée. »

Ici, le geste théâtral demeure porté par une parole politique et poétique singulière.  Envisager le travail de Didier Ruiz comme théâtre documentaire ne suffit pas et lui-même le qualifie  de « non pas documentaire mais de l’humanité». Les questions et thèmes abordés dans ses créations comme le parcours effectué pour leur mise en scène, se révèlent sensibles, brûlants parfois, pour ne pas dire risqués. Aucun doute : le théâtre se vit chez Didier Ruiz comme un acte total  au service d’un engagement artistique mais aussi de citoyen libre. Et depuis plus de quinze ans avec sa compagnie des Hommes, il a fait de la création participative, l’un de ses outils. Une pratique  qui rassemble dans un même mouvement, des spectateurs, des  personnes qui ne sont pas du métier théâtral, et qu’il appelle «innocents» ou «intervenants» et, avec ou sans eux, des comédiens comme il dit: «professionnels du mensonge».

Trans (Més Enllà), réunit sept hommes et femmes, tous espagnols. Leurs voix, leurs corps et leurs expériences en témoignent: dans une société opposant les sexes, ce  sont des dissidents. Ils interrogent ainsi la norme, la solitude, la marginalité mais aussi la liberté et le fait d’accepter la différence et l’Autre. «Quoique tu fasses, tu es unique » proclame l’un d’eux et cela n’a pas de prix.  Tomeo Vergés, chorégraphe et fidèle compagnon depuis 2011 est venu compléter  le regard du metteur en scène. «Son apport, dit-il, me semble essentiel pour accompagner et guider les corps.»

Neus, Clara, Danny, Raùl, Ian, Sandra, et Leyre, à travers leurs humeurs, leur chemin de vie et la charge de cruauté qu’ils doivent supporter, nous ouvre les yeux sur le monde si décrié de la transsexualité! La grâce des corps chargés d’émotion et dans l’urgence du dire, la voix de ces intervenants éveillés par la lutte, le désir de vérité, s’emparent du public qui  est subjugué.

Comme dans plusieurs de ses spectacles, nous retrouvons une  scénographie épurée d’Emmanuelle Debeusscher, avec au centre du plateau nu, deux parois convexes décalées l’une  de l’autre. La parole et le corps occupent tout l’espace avec une grande sobriété mais sur ces façades, sont projetées des images de synthèse: des fleurs et plantes mouvantes et colorées mais aussi des  figures abstraites réalisées par de jeunes créateurs issus de l’Ecole des Gobelins, comme pour rythmer les entrées et sorties des acteurs et la révélation de leurs paysages intimes. Parfois des lumières bleutées ou rosées servent d’interludes entre les récits et donnent à l’espace et aux mots intimes -pudiques mais sans détour- des transsexuels, une dimension poétique d’une grande humanité.

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Le metteur en scène parvient d’une prise de parole à l’autre, à créer progressivement une atmosphère dramatique hors temps, soutenue à merveille par la composition musicale d’Adrien Cordier. Naît alors une réelle complicité et une écoute bienveillante du public. Mépris, préjugés et méfiance, soudain mis de côté, s’éloignent et il y a ici comme un sentiment de paix. L’échange entre scène et public aurait-il eu lieu ? Le respect de la différence s’est imposé avec noblesse grâce à la théâtralité. A travers cette réalisation, être déjà ou devenir trans n’est plus vécu comme une anomalie malsaine, voir dangereuse. Chaque intervenante ou intervenant, est d’une présence, d’une sincérité et nous procure une rare émotion: Didier Ruiz, loin des clichés, ne tombe jamais dans l’univers fantasmé de la nuit et du music-hall. Tous ceux qui ont été choisis par  lui ont une vie familiale et socio-professionnelle assez classique. La sélection cependant n’a pas été facile : «J’ai rencontré trente-deux personnes pour en garder sept. Trois hommes et quatre femmes. La plus jeune, Leyre, a vingt-deux ans et la plus âgée, Clara, soixante. »

Une fois encore, à l’image d’ Une longue peine et de ses autres créations, « la parole accompagnée » principe dramaturgique élaboré avec rigueur par Didier Ruiz, ne tombe ni dans le pathos, la vulgarité ou la leçon de morale. Rien ici de déjà vu et entendu ! Et la prise de parole par le dionysiaque, l’étonnement et la beauté, habitent toute sa démarche théâtrale.  Il s’empare ici avec finesse mais aussi avec violence et intelligence, de ce thème délicat mystérieux ! Ce spectacle surprenant de Didier Ruiz, au cœur de la complexité humaine, nous saisit au plus profond de nos secrets et pensées. A ne pas manquer !

Elisabeth Naud

Spectacle joué au Théâtre de la Bastille 76, rue de la Roquette, Paris XI ème, du 4 au 10 février.
Le 12 février au Théâtre de Chevilly-Larue. T. : 01 41 80 69 60. Le 14 février. Théâtre de Fontenay-sous-bois. T.:  01 49 74 79 10

Du 6 au 10 mars, Teatre Lliure. Barcelone (Espagne). Le 28 mars, Théâtre Paul-Eluard à Choisy-le-Roi (Val-de-Marne). T. : 01 48 90 89 79.
Les 9 et 10 avril , FIND 2019/Schaubühne, Berlin.

Le 14 mai, à La Filature-Scène nationale de Mulhouse (Haut-Rhin). T. : 03 89 36 28 28. Et le 16 mai, Théâtre de l’Agora-Scène nationale d’Evry (Essonne). T. : 01 60 91 65 65.

En compagnie de Nijinski, chorégraphie de Jean-Christophe Maillot

En compagnie de Nijinski, chorégraphie de Jean-Christophe Maillot

L’histoire de la danse à Monte-Carlo est intimement liée à la vie du très célèbre danseur Vaslav Nijinski d’origne polonaise (1885-1950) et aux Ballets Russes de Serge Diaghilev. Les premières représentations eurent lieu en 1909  à Paris, au Théâtre du Châtelet, au Théâtre des Champs-Elysées et à l’Opéra. Cette aventure révolutionnera la danse et le prince et mécène Albert 1er  créera alors une  compagnie permanente des Ballets Russes à Monaco qui survivra quelques années après la mort de Serge Diaghilev en 1929.
En 1985, renait dans la Principauté cette compagnie dont Jean-Christophe Maillot deviendra en 1993, le chorégraphe et directeur: «Ces quatre pièces, dit-il, abordent la question du désir et du regard sur l’autre; j’ai été aussi motivé par ma rencontre avec Kazuki Yamada, chef du Philarmonique de  Monaco.

Le chorégraphe reprend ici Daphnis et Chloé créé en 2010, musique de Maurice Ravel et scénographie d’Ernest Pignon-Ernest. Des dessins projetés en constante évolution accompagnent ces jeux d’enfants dansés et leur forte connotation érotique contraste avec la sagesse des mouvements. La deuxième pièce:  Aimais-je un rêve ?  surprend par son audace. Chorégraphiée par le Belge Jeroen Verbruggen, elle s’inspire du Prélude à l’Après-Midi d’un faune, musique de Claude Debussy. Le Faune (Alexis Oliveira) emporte un homme (Benjamin Stone) dans un duo animal d’une grande sensualité au milieu d’un nuage de fumée. Le Spectre de la rose, sur la musique de Carl Maria von Weber (1911) est bien connu par l’envol  mythique de Nijinski. La chorégraphie de Marco Goecke, en décalage par rapport à la partition musicale déconcerte par le burlesque de certains tableaux. Petrouchka avait été marqué à sa création en 1911 par la première collaboration d’Igor Stravinsky avec les Ballets Russes. Ici, la version du Suédois Johan Inger nous transporte dans l’univers de la haute couture : Petrouchka, un mannequin de vitrine, revient à la vie et tombe amoureux d’une ballerine, elle-même amoureuse d’un Maure qui finira par éliminer son concurrent. Cette fête tragique parmi les personnages caricaturaux d’un défilé de mode est très lisible, presque trop… Les costumes de Salvador Mateu Andujar sont d’une grande beauté et la musique du Philarmonique de Monte-Carlo a une belle dynamique. En 1911, dans la revue Comœdia, Michel Dimitri Calvocoressi (1877-1944), critique musical, écrivait: « Très raffinée et hardie jusqu’en ses moindres détails, la musique est en même temps très « musculeuse », d’une sûreté de lignes remarquable, d’une intensité de couleurs sans seconde. Rien de tatillon, rien de forcé dans l’humour ni dans l’émotion : en un mot, une œuvre maîtresse et une œuvre de joie.»  

Ce surprenant programme de danse a réveillé dans le public le mythe des Ballets russes. 

Jean Couturier

Spectacle présenté du 8 au 10 février, dans le cadre de TranscenDanse, au Théâtre des Champs-Elysées, 18 avenue Montaigne, Paris VII ème. T. : 01 49 52 50 50.

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